Chapitre 19

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Nous avons beaucoup discuté à propos de l'appartement. Je me doutais qu'il allait hésiter, voire refuser, alors j'avais tout préparé. J'ai exposé tous mes arguments.
J'allais pouvoir continuer à travailler au même endroit grâce au TGV, même si ça me rallongeait la route d'une heure par jour. Li allait pouvoir reprendre ses études, même s'il ferait une année de plus que les autres avec une remise à niveau. Il pouvait repartir à zéro, c'est tout ce que je voulais pour lui.
Il a fini par accepter en ajoutant qu'il n'aimait pas que j'en fasse autant pour lui, que ça coûtait cher. J'ai rétorqué qu'il en avait fait bien plus pour moi et que ce n'était pas une question d'argent.
J'avais réussi à le convaincre, il ne me restait plus qu'à en parler à Simon. J'ai pu le faire un matin, pendant le petit-déjeuner.
J'étais souvent le premier à me lever. Je partais travailler alors qu'ils dormaient tous les deux. Pour une fois, ce n'était pas le cas.

- Alors tu vas vraiment partir ?
- Tu devrais être content, tu seras débarrassé et libre comme l'air.
- J'avoue que ça va me faire du bien de ne plus avoir à supporter vos moments guimauve, mais je vais me retrouver seul.
- Tu ne le seras jamais, je serai toujours là pour toi.
- Je sais, tu sais que c'est pareil pour moi.
- J'ai l'impression d'entendre des adieux. Je ne suis pas encore parti petit frère, détend toi.
- J'aimerais tellement pouvoir partir moi aussi...
- Tu pourras, quand tu auras fini tes études.
- Je ne sais même pas si je pourrais passer le deuxième semestre.
- Qu'est ce que tu racontes ?
- Nos parents ont payé le premier d'avance, mais pas le deuxième. Si je ne trouve pas de petit boulot avant la rentrée, je suis fichu.
- Pourquoi ne pas m'en avoir parlé avant ? Tu n'y arriveras pas en t'épuisant avec un boulot en plus.
- Il y a beaucoup d'étudiants qui travaillent, et ça se passe bien.
- Si ce n'est que ça je m'en occupe de ton deuxième semestre. Si tu veux travailler tu peux, mais je t'interdis de te mettre la pression au point de prendre n'importe quoi.
- Oui chef. Compris chef.
- Tu peux te moquer de moi si tu veux, fais juste attention à ta santé.
- Ne t'inquiète pas pour moi.
- Tu as été sage ce week-end au moins ?
- Je suis allé au bar où travaille la sœur de Li, juste pour voir. Je ne savais pas ce que c'était d'ailleurs, j'ai eu la surprise. Enfin bref, j'y suis resté parce que l'ambiance était bonne, elle m'a demandé si j'avais un lien de parenté avec toi. Elle nous a trouvé un petit air de famille. J'ai capté tout de suite que c'était elle, pour des raisons évidentes.
- Qu'est ce qu'elle voulait ?
- Elle m'a parlé de son petit frère pendant une bonne heure. Elle était grave déprimée.
- Et qu'est ce qu'elle t'a dit ?
- Elle n'a fait que le rabaisser. Je n'ai rien entendu de bien.
- Tu ne vas pas me dire que tu crois ce qu'elle te dit ?
- Non. Elle doit avoir un problème, probablement de la jalousie. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai écoutée, j'ai eu pitié d'elle je crois.
- Je ne veux pas en entendre parler, elle est particulière cette fille. Ce n'est qu'une vipère idiote.
- D'accord, c'est à ce point là.
- C'est elle la grande sœur, et c'est lui qui la protégeait. C'est tout ce qu'elle sait faire, dire du mal de la seule personne qui en a quelque chose à faire de son sort.
- Je suis désolé si ça te blesse, je voulais juste de prévenir.
- Au cas où tu aurais là mauvaise idée d'y retourner, si elle va trop loin dans ses propos, dis le moi.
- Promis.

Cette fille n'avait aucune honte à critiquer son frère devant des inconnus. Je la détestais pour bien des raisons, mais là, c'était encore pire.
Li dormait toujours. Il avait eu du mal à s'endormir la veille. J'ai dû lui caresser les cheveux pendant un moment pour le détendre. Je me disais qu'il finirait par aller mieux, que je serais là pour lui.

- Je ne laisserai plus jamais personne lui faire de mal. Même sa sœur.
- Ça fait peur. Tu es tellement accro que je suis sûr que tu vendrais tes organes pour lui.
- Qui sait...
- D'un côté, je te comprends. Quand je le vois te regarder surtout. Il t'aime, c'est flagrant. Je rêve de voir un jour ce regard dans les yeux de la femme que j'aimerai.
- Tu vois pourquoi je craque maintenant ?
- On peut dire ça, même si je ne lui trouve pas grand-chose d'attirant. Il n'y a pas de quoi en faire tout un plat.
- Je ne le vois pas avec les mêmes yeux que toi, heureusement.
- A ce propos... Je peux te poser une ou deux questions personnelles sans que tu ne m'en poses en retour ?
- Si c'est important pour toi, vas-y.
- La première fois que tu as mis papa dans maman, enfin plutôt papa dans papa, tu as eu du mal à lever le drapeau ?
- Je ne sais pas si je dois m'inquiéter pour la question ou pour les termes utilisés, mais non, je n'ai pas eu de mal, aussi loin que je me souvienne.
- Tu ne te souviens pas de ta première fois ?
- Si, mais pas de ce passage là.
- Alors disons, ta première fois avec Li ?
- Oh là non, le drapeau était bien levé avant même que mes yeux n'aient pu faire la moitié du chemin.
- Mais est-ce que tu étais déjà amoureux ?
- Je crois bien oui.
- Et avant ça, tu avais déjà envie de lui ?
- Secrètement oui. Tu sais que tu me fais peur avec tes questions ?
- Je ne sais pas à qui d'autre demander. Tu es peut-être le seul qui ne se moquera pas de moi.
- Très bien, quoi d'autre ?
- Qu'est ce qu'on ressent exactement, quand on a envie de le faire ?
- Je ne sais pas vraiment ce qui te tracasse, mais je dois te dire quelque chose d'important avant que tu ne commences à psychoter. Tu ne dois pas te comparer, ni à moi, ni à qui que ce soit d'autre. Tout le monde n'a pas le même rapport avec le sujet. Certains peuvent avoir envie de le faire avec n'importe qui, n'importe quand, sans limite. D'autres, comme moi, en ont envie chaque fois qu'ils posent les yeux sur le diamant brut qu'ils ont la chance d'avoir dans leur vie, et qui ont besoin d'amour pour ça. Il y a aussi des gens qui n'aiment pas ça. Chaque personne est différente dans ce domaine, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas normale.
- Je vois.
- C'est normal de ne pas aimer certaines choses, même quand il s'agit sexe. Tu ne dois pas te forcer à faire ce que tu n'aimes pas. Si quelque chose te bloque, parles-en avec ta partenaire. Si elle ne peut pas l'accepter, tu n'auras pas de regrets. Il ne faut pas seulement écouter ton cœur, tu dois aussi écouter ton corps. Peu importe ce qui te tracasse, ce n'est pas un problème, sauf si tu en décides autrement. Tu vois ce que je veux dire ?
- Je crois.
- Alors ne t'inquiète pas trop.
- Ok.
- Sur ce, je vais éviter de trop le regarder avant de partir, je dois aller travailler drapeau rangé.
- Je vais gerber...

Je n'ai pas pu m'empêcher de rire en voyant son expression. Je me suis levé en lui tapant sur l'épaule et lui ai demandé de veiller sur Li, mais pas de trop près. J'avais besoin de rire un peu avant ma journée de boulot.
Je m'inquiétais pour mon frère. S'il me posait tant de questions, c'est que quelque chose n'allait pas. J'étais content qu'il me fasse confiance et me disais qu'il m'en parlerait réellement quand il serait prêt.

Ce jour là, j'ai fait une offre sur l'appartement. Elle a été acceptée. J'ai obtenu un rendez-vous assez vite pour la signature du compromis. Il n'y avait plus qu'à attendre quelques semaines pour avoir notre petit ʺchez nousʺ. Avec un peu de chance, on y serait pour le premier jour de cours de Li. Dans le pire des cas, un petit hôtel ferait l'affaire en attendant. J'étais heureux.
Je voulais surtout qu'il puisse enfin revivre.

~~~ A suivre...

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