Chapitre 3

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Ce jour là, j'ai réussi à le faire parler un peu, ou peut-être beaucoup. Il s'intéressait à tout. Je pensais être ennuyeux pourtant, avec lui, je n'avais pas l'impression de l'être. Malgré tout, il restait mystérieux sur sa vie, sa famille, son passé. Il avait toujours cette façon de contourner les sujets fâcheux, c'était si mignon. Il changeait de sujet avec un sourire, c'était facile à comprendre.
Le voir sourire, surtout pour des choses simples, était une petite victoire pour moi. Il avait pris ses aises plus vite que je ne le pensais.

- On peut sortir ce soir ?
- Tu veux aller où ?
- Je ne sais pas, mais j'ai envie de sortir.
- Un restaurant ou un cinéma ?
- Un bar ou une boîte de nuit plutôt non ?
- Tu es mineur, tu crois qu'ils te laisseront y entrer ?
- Celle où j'ai l'habitude d'aller, oui.

Je l'ai emmené au restaurant. Il avait l'air insouciant. C'était plus beau à voir que la tristesse dans ses yeux, celle que je ne souhaiterais même pas à un ennemi.
En sortant du restaurant j'ai cédé. Je l'ai suivi dans une boîte de nuit. J'étais passé devant des centaines de fois sans même comprendre ce que c'était. Cet endroit était coloré, très coloré. Il était aussi presque complètement dépourvu de présence féminine.

- C'est une boîte... gay ?
- Je suis désolé, j'aurais dû te prévenir. Elle a été un véritable refuge pour moi ces derniers mois.
- Ça ne me gêne pas. Je ne m'y attendais pas.

Je me suis demandé s'il se moquait de moi ou si c'était vrai, j'ai laissé le temps me répondre. Il était vraiment comme chez lui là-bas, et l'ambiance était vraiment cool. Je passais une bonne soirée jusqu'à ce que je croise Luis. Comme si ce n'était pas assez gênant de le voir, il fallait qu'il tente de s'incruster.

- Salut Sacha.
- Je passais une bonne soirée jusque là Luis...
- Je ne suis pas là pour te la gâcher. Je n'aurais jamais pensé te croiser ici d'ailleurs.
- Moi non plus...
- Tu me présentes ton ami ?
- Oublie juste que tu m'as vu, fais comme si cette table n'existait pas.
- Je t'ai déjà dit que j'étais désolé Sacha...
- Casse toi !

Je ne pouvais pas le voir, je ne voulais pas le voir, sa seule présence me répugnait. J'avais envie de lui éclater une bouteille sur le front avant d'écraser sa tête contre une table. Heureusement, je sais me tenir.

- Ok, si c'est ce que tu veux. J'ai été ravi de te revoir quand même.
- Pas moi.

Il est parti. J'espérais ne pas m'être fait remarquer, c'était peu probable vu le volume de la musique. J'avais un peu honte et je me serais bien caché sous la banquette.

- Ça va ? Tu veux qu'on s'en aille ?
- Ça ira, il est parti.
- Alors détend toi et viens danser.
- Il me faudrait plus d'un verre pour oser danser. Mais vas-y toi, ne te prive pas.
- Si tu changes d'avis, rejoins moi.

Il s'est levé pour danser. Il n'avait pas bu une goutte d'alcool mais dansait comme s'il planait. Il avait l'air ailleurs, déconnecté, coupé du monde. Ça devait être une façon pour lui de penser à autre chose.
Il était beau, vraiment beau, et je n'étais pas le seul à le regarder. C'était compréhensible, mais je n'aimais pas ça.
Il y avait du monde ce soir là, je l'avais presque perdu de vue dans cette foule. J'ai vu ce mec se rapprocher de lui encore et encore, beaucoup trop près. Je n'avais pas remarqué tout de suite que c'était Luis, je me suis senti très mal. Quand je l'ai vu insister après avoir été repoussé, je me suis levé. Je les ai retrouvés sur la piste de danse et l'ai repoussé moi-même.

- Qu'est ce que tu cherches Luis ?
- Calme toi, je faisais connaissance avec ton ami c'est tout.
- Dégage ! Tu ne mérites même pas de le regarder !
- Alors tu aimes les putes maintenant ?

J'ai mis quelques secondes à me rendre compte de ce que je venais d'entendre. Venant de sa bouche, ce mot sonnait comme une mauvaise blague. Le coup est parti tout seul, je l'ai frappé au visage. Je crois même avoir senti les os de ma main craquer.
Il a perdu l'équilibre mais s'est rattrapé. Il ne s'y attendait pas, et moi non plus d'ailleurs.
Li me regardait, il semblait aussi surpris que moi. J'ai tendu la main vers lui, il y a glissé la sienne. Tout ce que je voulais c'était sortir de là, et c'est ce qu'on a fait.
Je n'ai pu respirer qu'une fois enfermé dans la voiture, avec lui.

- Je suis désolé, je ne voulais pas gâcher ta soirée...
- Elle n'est pas gâchée, pas du tout. On n'aurait pas dû venir ici, excuse moi.
- Tu ne pouvais pas savoir.

On est rentrés directement. Je me suis dépêché de me changer avant de me laisser tomber sur le canapé. J'avais mal à la tête, et je me sentais tellement bête. Li s'était assis à côté de moi et m'avait pris la main. Je n'avais même pas vérifié s'il allait bien.

- Elle te fait mal ?
- Ça va, j'ai senti quelque chose craquer mais ça va.
- Je suis désolé.
- Arrête, tu n'y es pour rien.
- Tu veux en parler ?
- Luis est mon ex, un très mauvais souvenir. Je pensais qu'il avait quitté la ville.
- Visiblement pas.
- Tu l'avais déjà vu avant ce soir ?
- Pas là-bas en tout cas. S'il sait que je suis une pute, c'est qu'il m'a déjà vu un soir, ou qu'il...
- Stop, je ne veux pas savoir. Et tu n'es pas une pute, ne te dénigre pas. Ce mot me rend malade.
- C'est ce que je suis Sacha.
- Non, et je ne te laisserai plus faire ça.
- Tu ne sais vraiment pas dans quoi tu mets les pieds, je finirais par devoir y retourner.
- Tu n'y retourneras pas, sauf si c'est ton choix bien sûr.
- Ça n’en a jamais été un.
- Qu'est-ce que tu ferais si tu avais le choix ?
- J'effacerais mon père de ma vie et délivrerais ma sœur de sa merde. Je me trouverais un boulot et je vivrais avec l'homme que j'aime. On a bien le droit de rêver.
- Pourquoi ton père ?
- C'est compliqué.
- Et ta sœur ?
- Elle est dans la même situation que moi.
- Merde... tu veux qu'on aille la chercher ?
- T'es vraiment trop gentil toi, ça en est presque dangereux. Laisse tomber cette idée. Elle n'accepterait pas et ce serait pire encore. C'est une longue histoire.
- Comme tu voudras.

Je l'aurais aidé, quoi qu'il décide de faire. A ce moment là, je voulais seulement le sortir de ce merdier.
Ma main me faisait quelques misères. J'ai tenté de la masser mais ça n'a rien fait.

- Tu devrais voir un médecin.
- Tu accepterais de le voir aussi ?
- Pourquoi ?
- Quand est-ce que tu en as vu un pour la dernière fois ?
- Il y a longtemps.
- Alors ?
- Il ressemble à quoi ton médecin ?
- La quarantaine, grande, blonde et plutôt sympathique.
- Ça me va.

Je me suis contenté de sourire avant de m'endormir.

~~~ A suivre...

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