Chapitre 21

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Après le repas, il m'a demandé de regarder un film avec lui. Evidemment j'ai accepté et je l'ai laissé choisir. Il a posé sa tête sur mes cuisses. Je n'ai pas pu m'empêcher de passer une bonne partie du visionnage à jouer avec ses cheveux.
Après ça, il s'est levé pour aller nous chercher de l'eau à la cuisine avant de venir s'asseoir sur mes genoux, les pieds sur le canapé et la tempe sur mon épaule. Je rêve toujours d'arrêter le temps dans ces moments où je peux le sentir contre moi et ne penser à rien d'autre. On peut dire que j'ai trouvé une alternative : m'arranger pour revivre ce genre de moment, le plus souvent possible.
Avec lui c'est loin d'être compliqué. Il ne dit jamais non à un câlin et a toujours été d'une douceur à faire fondre un glaçon sous la neige.
Pourtant, à ce moment là, je voyais qu'il était ailleurs. Il a cette expression bien à lui quand quelque chose le tracasse.

- A quoi tu penses Trésor ?
- Je me sens un peu mal pour tout à l'heure. J'allais vraiment t'en parler, mais pas comme ça.
- Je sais ça, tu n'es pas obligé d'en parler.
- Je n'étais pas le dernier, ils ont recommencé. L'un d'eux a même complètement disparu après être tombé dans leur piège.
- Tu penses qu'ils ont pu le tuer ?
- Je n'en sais rien, mais on ne l'a jamais revu. J'étais tellement terrifié que je n'ai rien dit, je l'ai regardé partir dans cette voiture. J'aurais peut-être pu éviter ça...
- Tu sais bien que non.
- Si j'avais essayé de l'empêcher d'y monter, ou le prévenir, peu importe, j'aurais dû tenter quelque chose. Je me suis seulement caché en voyant cette voiture que je n'arrive pas à oublier.
- Personne n'aurait pu faire autrement après avoir subi ça. Je ne comprends même pas comment on peut s'en remettre.
- Je ne sais pas comment j'ai fait. Ils m'ont tellement blessé que j'ai dû enchaîner les pipes et le tripotage pendant des jours. J'étais trop mal pour faire plus, mais je ne pouvais pas rentrer les mains vides. Je me suis senti sale, pendant des semaines, comme si vendre mon corps ne suffisait pas.

Je l'ai serré contre moi, un peu plus fort. Mon cœur avait raté un battement à chaque fin de phrase. C'était injuste. Il avait perdu sa mère très jeune à cause d'un père qui a fini par l'utiliser pour se faire de l'argent facile. Sa sœur est une sombre idiote qui a préféré subir, et laisser son petit frère souffrir en défendant son bouffon de géniteur. Son sort n'était apparemment pas encore assez lourd, il ne manquait plus qu'un viol collectif bien violent en bonus.

- J'ai repoussé ce moment le plus possible, je n'étais pas encore prêt. J'avais peur que tu ne me regardes plus, que tu ne me touches plus. Quand j'ai vu ton expression tout à l'heure, j'ai cru que c'était fini...
- J'étais choqué par ce que j'ai lu, je penses que c'est normal. Rien ne changera ma vision de toi pour autant.

Son visage s'est illuminé quelques secondes, mais ça n'a pas duré. Il en avait encore sur le cœur.

- Je m'attendais à ce que mon père n'en ait rien à faire, mais ma sœur, c'était le coup fatal. Elle m'a vu sortir de la salle de bain dans un état désastreux, et la seule chose qu'elle a su me dire, c'était « ça t'arrivera encore, comme si tu ne t'y attendais pas. Ressaisis toi. ».

Cette garce. Je n'avais déjà aucune estime pour elle, mais elle venait de descendre encore plus bas. Si quelque chose comme ça devait arriver à mon petit frère, je retournerais la ville entière pour le venger. Quel genre de sœur peut dire ça ?

- Je suis désolé de te dire ça Trésor, mais ta sœur est un véritable poison pour toi.
- Je suis au courant. En ce qui la concerne, j'ai longtemps gardé espoir, mais je l'ai perdu à la mort de son cher père. Je ne veux pas la rayer complètement de ma vie, mais je ne me sacrifierai plus pour elle. Je ne risquerai pas de perdre ce que j'ai obtenu par je ne sais quel miracle.
- Je l'espère, parce que je ne la laisserai pas te rabaisser une fois de plus.

J'ai cru voir un petit rictus sur son visage quand il a fermé les yeux. Sa journée n'avait pas été des plus faciles psychologiquement, et il passait de mauvaises nuits à cette période là. Je l'ai laissé s'endormir sur mes genoux avant de le porter jusqu'au lit. Il pouvait parfois se comporter comme un enfant, mais il n'en restait pas moins mature. On lui avait volé son enfance, et son adolescence, il avait bien le droit de se rattraper un peu. Ce côté innocent avait eu raison de moi bien avant que je ne puisse m'en rendre compte. Il peut changer d'état d'esprit en une fraction de seconde, mais il n'est jamais compliqué de renverser la situation. Il n'a pas la langue dans sa poche et ne se fait pas prier pour dire ce qu'il pense. Il s'attend d'ailleurs à ce qu'on fasse la même chose.
Je savais déjà que j'avais trouvé la personne la plus adaptée à mon tempérament. Il énervait mon frère qui ne pouvait pas passer une journée avec lui sans avoir envie de l'étrangler, il me l'avait déjà avoué. Pour moi par contre, il est tellement facile à vivre. Il est fait pour moi, même s'il a tendance à dire que je suis trop bien pour lui.

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