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Cela fait déjà plus de deux heure et demi que nous sommes aux festivités, et les mariés viennent d'ouvrir le bal dans une valse totalement maîtrisée et harmonieuse. J'ai lâché encore quelques larmes, ce qui a bien fait rire Nicoleau.
Je vois du coin de l'œil ma sœur avancer vers moi, sa coupe de champagne en main. Je lui souris, regrettant de ne pas me sentir capable de boire toute la soirée. Je dois garder les idées claires en cas de disputes. Melody m'englobe de ses bras fins une fois qu'elle est face à moi.
Elle me frotte amoureusement le dos et finit par se redresser. Nicoleau nous observe, une pointe de compassion et d'amusement dans le regard. Il doit sûrement trouver amusant mes yeux de pandas.

"Vous semblez bien vous entendre tous les deux, lance ma sœur.
-Votre sœur est un cas spécial.
-Et vous la connaissez à peine. D'ailleurs, Sun', j'aimerais que tu viennes faire un discours après la première danse des invités.
-Tu aurais du me prévenir! Je n'ai rien préparé.
-Ça me ferait tellement plaisir.... S'il te plait.
-Je ne peux rien refuser à une jeune mariée.
-Parfait! Je rejoins John pour la danse!"

Je soupire en regardant ma sœur partir en sautillant, afin de rejoindre son mari. Je détourne le regard pour fixer Nicoleau, le surprenant à m'observer. Quelques secondes, nos regards s'accrochent. Puis, il se lève et me tend sa main.

"Vous voulez danser?
-Ne vous sentez pas obligé.
-Personnellement, j'en ai envie. Et vous?
-Pourquoi pas."

Je me lève et dépose ma main dans la sienne. Ma colonne vertébrale est parcourue par un long frisson dû à ce contact physique. Cela fait si longtemps qu'on ne m'a pas ainsi pris la main, avec délicatesse et douceur.
Nicoleau me tire avec nonchalance -je commence à m'y habituer- jusqu'à la piste de danse, où j'aperçois Adam danser avec sa femme, Melody et John faire de même, ainsi que mes deux parents. Je sursaute légèrement lorsque je sens une main se poser dans le creux de mes reins.

"N'ayez pas peur.
-Je n'ai pas peur.
-Vous tremblez, Sunny.
-Cela n'a rien à voir avec de la peur."

Je soutiens son regard, lui faisant ainsi comprendre que je ne tremble pas de peur, mais de désir sous chacun de ses mouvements. C'est un supplice de le sentir me toucher ainsi. Un fin sourire étire ses lèvres, ce qui contraste avec son air gêné.
Il a comprit. Mais il n'a pas l'habitude que les femmes soient aussi direct avec lui. J'hausse les épaules pour qu'il sache que cela m'importe peu. Alors, il me tire un peu plus vers lui, et ma poitrine se retrouve comprimée contre son torse dur.
Je glisse ma main le long de son bras, caressant son épaule du bout des doigts. Je ne sais pas vraiment ce que je suis en train de faire...
Cet homme me fait perdre tout bon sens. Je lui fais du rentre dedans en public! Heureusement que vu de l'extérieur, nous ne faisons que danser. Je souris en baissant la tête lorsque je vois dans son regard cette lueur.
Celle du désir. J'ai capté son attention, c'est déjà bien. Je sais que je n'irai pas plus loin, mais j'ai bien le droit de m'amuser un peu. Ce soir, c'est soir de fête. Et puis, je ne le reverrais plus jamais. Je cherche beaucoup trop à me justifier. Je ne sais simplement si c'est mon manque de sexe ou l'attirance que j'éprouve qui guide mes actes.
Deux doigts viennent se glisser sur ma mâchoire et m'obligent à relever la tête. Je retiens ma respiration. Pourvu qu'il ne m'embrasse pas! Je serais incapable d'éteindre le feu qu'il fera s'embraser en moi.

"Vous êtes vraiment spéciale, Sunny.
-Que dois-je dire de vous alors, Nicoleau?
-Que je suis un homme ordinaire qui danse avec une femme hors du commun.
-Vous ne devez pas être un homme ordinaire. Vous dansez beaucoup trop bien pour cela. Que faites-vous de votre temps libre?
-C'est un secret. Si nous nous revoyons un jour, peut-être que je vous emmènerai avec moi.
-Serait-ce un rendez-vous galant?
-Vous voudriez beaucoup trop que ce soit le cas, alors je vous réponds que non.
-Eh! Pour qui me prenez-vous?

Je lui frappe amicalement le bras, tout en riant. Il n'a pas tort. Il aborde ce sujet avec tant de facilité que je ne peux que le trouver charmant. La discussion bien que pleine de sous-entendu est légère, amusante, avec une soupçon de naïveté. Car il ne sait pas tout ce que je rêve de faire avec lui.
Ou peut-être qu'il le sait parfaitement et qu'il fait semblant. Je n'arrive pas à le cerner entièrement. Il est trop décontracté, trop à l'aise, trop moqueur pour que je puisse savoir s'il fait semblant ou non. Je ferme les yeux en le voyant se rapprocher de moi. Son souffle caresse le lobe de mon oreille.

-Votre sœur arrive."

Je rouvre les yeux promptement, me décalant assez de lui pour que rien ne paraisse suspect. Et je soupire en voyant, en effet, Melody marcher vers moi, un micro en main. J'avale ma salive.
Elle s'arrête face à nous, alors nous cessons de danser. Elle scrute Nicoleau, puis me scanne. Elle n'est pas née de la dernière pluie, elle comprend qu'il y a bien une attirance physique entre mon cavalier et moi.

"Je... tu es prête pour le discours?
-Bien sûr."

Quelle belle menteuse je ferais! Je suis terrifiée. Chacun de mes mots sera étudié par mon frère et mon père. Je ne le sais que trop bien. Je souris tout de même à ma sœur et m'excuse auprès de Nicoleau.
Je suis Melody jusqu'à la scène, où elle se place face aux invités, ce qui attire l'attention de tous. Des centaines d'yeux se braquent sur moi. J'inspire puis expire. Elle se racle la gorge dans le micro puis demande à chacun de retourner s'asseoir pour écouter les discours.
Un mouvement se fait dans toute la salle. J'observe chaque tête, jusqu'à tomber sur celle de ma mère. Elle est assise à la table des mariés. Comme les autres. Une pointe de jalousie soulève mon cœur. Il m'aurait peut-être fallu une coupe de champagne en plus.
Une fois que tout le monde semble plus ou moins installé. Melody me tend le micro, m'embrassant sur la joue avant de partir. Je la suis du regard. Elle s'installe à côté de John. Bon... C'est à moi...

"Bonsoir messieurs, bonsoir mesdames. Et bonsoir les mariés. Je suis Sunny, la sœur de Melody. Et quel bonheur de la voir aujourd'hui si comblée avec un homme qui l'aime. Melody, tu mérites toute la joie du monde. Tu es une femme que je n'ai pas vu grandir, et c'est assez étrange de te voir mariée maintenant. Tous mes vœux de bonheur et vive les mariés!"

Je souris à ma sœur qui a les lèvres étendues en un sourire. Et je peux voir quelques larmes humidifier ses joues. Je me retiens le plus possible pour ni pleurer, ni trembler devant tout le monde.
Une petite femme d'un âge avancé se glisse à mes côtés et me demande le micro. Je le lui tends puis je quitte la scène. Je sens le regard de mon frère peser fortement sur moi alors que je marche jusqu'à ma place.
J'ai su me contrôler. Contrôler autant mes émotions positives que négatives. Mon discours était catastrophique, mais je n'ai pas pu faire mieux. Et je sais que le manque de préparation et de personnalité de mes propos ne sont pas passés inaperçu.
Le regard perçant de Nicoleau me fait brûler les pommettes. Je fais la moue tout en m'installant sur ma chaise, à ses côtés. Je pose mes yeux sur mon verre vide. J'ai tout foiré. Je ne sais même pas si Melody a réellement aimé mon discours. Je sursaute lorsque je sens une main se posée sur la mienne alors que je jouais nerveusement avec ma fourchette.
Je lève les yeux vers Nicoleau. Il me fixe en fonçant les sourcils. Il ne doit pas y comprendre grand chose. Mais je ne lui dois rien. Il se penche vers moi, jusqu'à ce que je sente son souffle chaud à mon oreille.

"Tout va bien?
-Mise à part l'humiliation que je viens de vivre, je vais bien.
-Pourquoi dites-vous cela?

Je tourne le visage vers lui. Son nez frôle presque le mien. Mais je soutiens son regard intense.

-Parce que mon discours était ridicule.
-Je ne trouve pas. Vous étiez vous-même. C'était émouvant sans trop l'être.
-Merci"

Je lui souris légèrement, quelque peu rassurée. Ce n'était pas le discours de mariage de l'année, mais ce n'était pas ignoble à ce point. L'avis de Nicoleau me rassure. Il me sourit.
Puis il se redresse pour s'installer nonchalamment dans le fond de sa chaise, une jambe sur l'autre.
Je me tourne vers la scène en entendant une voix très aiguë. Maintenant, la suite des discours...

L'inconnu de la chambre 214Où les histoires vivent. Découvrez maintenant