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Lundi soir. Dix-neuf heures moins dix. Je sais qu'il n'y a plus personne au bureau depuis dix-huit heures trente. Mais je préfère être bien sûre avant de rejoindre Nicoleau. Et puis bien le faire languir.
Je vérifie mes derniers mails. Un mannequin qui annule au dernier moment, et un arrivage de tissus pour notre couturier, Mark. Il s'occupe de créer les prototypes qui seront produits ensuite à grande échelle.
Ah les mannequins! Je devrais penser à le remplacer celui-ci. Il ne nous apporte que des ennuies. Entre ses annulations à la dernière minute, son comportement de diva, et ses bagarres à répétition lors de soirées en ville, il commence à noircir l'image de l'entreprise.
Je sursaute lorsque trois coups se font entendre à ma porte de bureau. J'accorde l'accès à la personne, prête à sermonner Nicoleau et lui expliquer que me désobéir vaudra un châtiment.
Mais ma phrase reste au fond de ma gorge. Parce que ce n'est pas lui. Je finis tout de même par sourire à mon amie. Elle s'avance en me souriant également, puis s'installer sur une des assises mise à disposition.

"Felicity? Tu n'es pas rentrée chez toi?
-Est-ce que tu as reçu ce mail concernant le mannequin?
-Euh... oui, à l'instant.
-Je l'ai reçu il y a dix minutes. J'allais partir.
-Je vais trouver quelqu'un d'autre pour demain. Ne t'en fais pas, c'est mon travail, non?
-Oui. Mais si je suis venue, ce n'est pas pour te dire ça, mais pour te parler de son contrat. Il ne respecte pas les clauses et salie l'image de l'entreprise, que j'ai mis dix ans à rendre la plus parfaite possible.
-On pourrait rediscuter les clauses avec son manager et le garder en tant que mannequin de secours, jusqu'à la fin de son contrat. Il se finit dans sept mois, selon mes souvenirs.
-Et au moindre écart on résilie le contrat.
-Évidemment.

Elle sourit et baisse les yeux sur les papiers qui jonchent le plateau de mon bureau. Ses yeux se posent sur un dossier personnel. Non, non, non...

-Tu as sorti son dossier? demande-t-elle en tendant la main vers le dossier cartonné.

Je pose ma main à plat sur cet objet de malheurs.

-Non. Rien à voir. C'est personnel.
-Ah bon? Tu as des soucis? Tu sais, tu peux me le dire, je connais de bons avocats qui...
-Aucun. Tout va bien. C'est pour ma voiture. L'assurance, tout ça quoi.
-Les réparations se sont mal passées? Pourtant je pensais qu'elle marchait bien.
-Elle marche bien. Mais je dois rendre ce dossier à l'assurance, tu sais, c'est une vieille voiture.
-Je vois.

Elle me sourit, son regard se perd dans le mien. Elle ne semble pas croire à mon mensonge mais je sais qu'elle n'insistera pas. Or, je n'apprécie pas ce regard scruteur qu'elle pose sur moi.

-Autres chose?
-Tu semble... plus épanouie. Tu ne me cache rien?
-Non.
-Tu es sûre? La famille, les amours, le travail... Les amours!

Je me gifle mentalement. Je déteste quand elle fait ça. Elle lâche une suite de domaine, et observe mes réactions. Pourquoi ai-je souris comme une gamine? Merde!

-Non...
-Sunny Harley! Je t'interdis de te défiler! Je veux savoir.
-C'est Nicoleau. Mais il n'y a rien à savoir.
-Bien sûr que si!
-C'est juste physique. On verra. Rien de plus.
-Juste du sexe? Tu sais c'est quoi le pire? C'est que ça ne m'étonne pas de toi.
-D'ailleurs, je dois le rejoindre pour un dossier, tu m'excusera. Et puis, rentre chez toi! Tu es arrivée très tôt ce matin, vas te reposer.
-Je t'ai à l'œil, ma petite Sun'.
-Moi aussi je t'ai à l'œil."

Elle ricane et m'embrasse la joue avant de sortir de mon bureau. Je soupire de soulagement. Cinq minutes de retard, ça peut le faire. Et puis, c'est moi la maîtresse, celle qui dirige.
Je me lève, récupère le dossier que Felicity a faillit lire, puis quitte mon bureau sur la pointe des pieds, rejoignant en silence le fond du couloir. La porte entrouverte -une de mes demandes- me laisse voir Nicoleau, assis derrière son bureau, la tête dans les chiffres. Il est craquant.

"Caresse toi, Nicoleau Bizakov.

Il relève la tête, surpris.

-Là?
-Tu discute les ordres? Caresse toi ou je te punie.

Il recule son siège, pour me laisser une pleine vue sur son corps. Lentement, il défait les boutons et la fermeture Éclair de son pantalon. Puis, il glisse sa main dans son sous-vêtement, fermant les yeux.
Une vague de chaleur me prend quand je le vois faire des mouvements parfait. Je me mords la lèvre alors que sa respiration s'accélère. Il y va de plus en plus fort, de plus en plus vite.

-À quoi penses-tu, Nick'?
-À toi.
-Arrêtes toi.

Il ouvre les yeux, et sous mon regard insistant, cesse de se toucher.

-Pourquoi?
-Tu allais jouir, non? Eh bien, te voilà puni. Ta punition sera ta frustration jusqu'à demain soir. Interdiction de te toucher. En attendant, tu liras ça.

Je dépose sur son bureau le contrat de notre relation.

-Pour demain?
-Oui. Normalement, il n'y aura pas de problème. Je pense avoir réussi à te cerner.

Sur ces mots, je tourne les talons et commence à sortir.

-Attends. Tu ne peux pas me laisser comme ça.
-Si. Je peux tout faire."

Je souris en quittant son bureau. Il faut vite que je rentre chez moi pour me libérer de ma propre frustration maintenant. Et le fait de l'imaginer lire le contrat m'aidera sûrement à accroître mon plaisir personnel.

🥀🥀🥀

J'essuie rapidement mes mains en me précipitant sur mon téléphone qui sonne pour la seconde fois en moins d'une minute. En voyant le nom de ma mère, je fronce les sourcils mais décroche.

"Allô?
-Sunny?
-Oui, c'est moi maman. Qu'est-ce qu'il se passe?
-Oh, rien! Je viens prendre des nouvelles.
-Après deux mois?
-Tu as toujours été pragmatique.
-Je sais. Alors?

Un long silence suit ma question. Une montée de stress me bloque la respiration. Il s'est passé quelque chose de grave. Elle ne m'appelle jamais. Surtout après la dispute du mariage.

-Ton père et moi avons divorcé.

J'accuse le coup. Car c'est plus dur pour elle que pour moi, mais ça m'afflige. Parce que malgré tout, ils représentaient un modèle d'amour à mes yeux.

-Ça va?
-Très bien. Je ne t'appelle pas vraiment pour ça.
-Ah bon? Rien de grave?
-Non. Ici tout se passe bien.
-Maman! Dis-moi!
-Jackson et moi déménageons à New-York.
-New-York? Mais... quoi?
-Tu n'es pas contente?
-Si. Non. Enfin... Pourquoi?
-J'ai besoin de changer d'air. Ton frère souhaite rester avec moi, nous nous sommes tous mis d'accord. Et New-York c'est être plus près de toi. J'en ai assez de vivre loin de ma fille.
-C'est juste que c'est soudain. Vous vivrez où?
-J'ai trouvé une boutique de fleurs à Brookline, avec un appartement au-dessus. Je saurais me débrouiller.
-Je pourrais t'aider. L'argent n'est pas un problème. Pour l'école, pour...
-Ça ira. Promis. Je voulais juste te prévenir que d'ici là fin du mois, nous serons là. Ne change en rien tes habitudes pour nous!
-C'est gentil. Ça me fait plaisir. Vous passerez à la maison, une fois arrivée.
-Jack' sera content.
-Moi aussi, maman, moi aussi."

J'essuie d'un doigt tremblant les larmes qui perlent aux coins de mes yeux. Ma mère et mon frère, à New-York. Les deux personnes que j'aime le plus au monde, enfin proche de moi. Ça me rend tellement heureuse. Cette journée est incroyable.

L'inconnu de la chambre 214Où les histoires vivent. Découvrez maintenant