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Une sensation de brûlure me sort peu à peu de mon état de sommeil. Je cherche une autre position pour que le soleil ne me taquine plus les paupières. Mais impossible. Je soupire puis ouvre les yeux. Je mets quelques secondes à m'habituer à la pleine lumière.
Les rideaux sont ouverts. Nous avons oublié de les fermer durant la nuit. Immédiatement, mon esprit pense à Nicoleau. Je tourne la tête vers sa place. Vide. Je me redresse. Heureusement, j'ai pu enfiler quelque chose lorsque je me suis réveillée par nuit. Je tends l'oreille.
Rien. Aucun bruit. Je regarde partout autour de moi. Et il n'y a plus ses affaires. Nicoleau est parti. Il est parti? Sans me prévenir? Mais quel toupet! Je me laisse tomber sur les coussins encore chauds, repensant à cette nuit.
C'était... incroyable. Il a été merveilleux. Ça a été merveilleux de lui faire découvrir certaines choses. Je n'ai jamais ressenti un tel désir pour quelqu'un, ni un tel plaisir en faisant si peu avec quelqu'un. C'était si incroyable que j'ai l'impression d'avoir tout rêvé.
Même pas un au revoir. Il aurait pu me réveiller tout de même! De toute façon, à quoi je m'attendais? J'ai été clair, une seule nuit, une seule fois. Pour assouvir une envie soudaine. J'ai juste été incapable de me retenir. Mais je ne regrette pas.
Bon... Motive toi Sunny! Je soupire puis me redresse. Je jette un coup d'œil à l'horloge. Presque midi. Mon train est à midi et demi... Merde! Pourquoi Nicoleau ne m'a pas réveillé? Je vais être en retard! Je sors du lit et me précipite jusqu'à ma valisette. Je me déshabille, enfile des vêtements propres -tant pis pour la douche- puis me fais une rapide beauté dans la salle de bains.
Je retourne ranger mes affaires rapidement, et c'est lorsque je souhaite sortir de la chambre que j'aperçois un habit. Enfin... plutôt un tee-shirt blanc. Nicoleau. Je m'abaisse pour le récupérer, et immédiatement son parfum chatouille mes narines.
Je range le linge dans mon sac à main et quitte la pièce, après avoir vérifié que je n'ai rien oublié. C'est bon! Je rejoins l'ascenseur, en profitant pour me parfumer. Une fois la machine en acier au rez-de-chaussée, je m'avance jusqu'à l'accueil.
L'hôtesse me sourit chaleureusement. C'est la même qu'hier. Elle s'empresse de finir son appel, avec probablement un client, puis elle se tourne vers moi, me faisant comprendre que j'ai toute son attention.

"Bonjour, je viens régler la note de la chambre 214.
-Oh... Mais elle est déjà payée.
-Comment ça? Je ne suis pas descendue depuis hier soir.
-Le monsieur a payé.
-Il a... payé? Tout?
-Oui, tout.
-Mais...
-Un problème?

Nicoleau a payé la chambre et la nuit. Mais il ne m'a rien laissé pour me dire au revoir. Je ne comprends pas. Est-ce sa façon de me remercier de cette délicieuse nuit?

-A-t-il laissé un mot? Un numéro? Ou une adresse?
-Il m'a simplement dit qu'il espérait que le destin joue en sa faveur. Je n'ai pas compris pourquoi mais...
-Je rêve! Quel culot celui-là! Merci beaucoup madame. Bonne journée et bon courage.
-Mais..."

Je ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase que j'attrape ma valisette et que je quitte cet hôtel. Maintenant, direction la gare, et le plus vite possible, sinon, je vais louper mon train.

🥀🥀🥀

J'entre -enfin- dans le Marx & CO building, alias, l'entreprise qu'a créé mon amie, Felicity Marx. Pour un dimanche en fin d'après-midi, les locaux sont bien vides.
L'entreprise de mode qu'a lancé Felicity, il y huit ans, se trouve en plein centre de New-York, à Manhattan. L'immeuble, pas immense mais tout de même imposant, lui appartient totalement.
Elle a aménagé ses locaux ici il y a cinq ans, lorsqu'elle m'a engagé. Au départ, ils se trouvaient dans le Queens. Elle et moi sommes vite devenues inséparables. Elle m'a proposé rapidement le poste de D.R.H., mais j'ai refusé.
Mon travail est celui de diriger les nouveaux projets et de les lui présenter les plus parfaits possibles. Il n'y a que dans ça que je m'épanouie. J'aime ma place de cheffe de projet, et je ne l'échangerais pour rien au monde.
C'est avec un sentiment de pure bonheur que j'actionne le bouton de l'ascenseur. Il n'y a personne. Mise à part le gardien. L'ascenseur de droite sonne. Le mien aussi. J'entre. Et j'appuie sur le chiffre 14. Au moment où les portes se ferment, je vois la silhouette d'un homme, plutôt grand.
Felicity aurait-elle un amant qu'elle me cache? Je reste sceptique. Quant à moi, j'ai hâte de lui raconter ma petite aventure de ce week-end. Tout en restant sage sur les détails. Nous connaissons nos limites d'intimité.
L'ascenseur monte. J'arrive tranquillement au dernier étage qui renferme le bureau de Felicity, la P.-D.G., le bureau du D.R.H, et les salles de réunions pour les hautes rencontres et les réunions du Conseil d'Administration.
J'avance, aux bruits de mes talons, dans le long couloir. Au bout se dessine le bureau de ma meilleure amie. Je ne prends pas la peine de toquer, car d'une part je ne l'ai jamais fait, et d'autre part, elle est seule.
Et, en effet, je retrouve la brune trentenaire à son bureau. Ses cheveux longs couvrent la vue de ses yeux, que je sais, bleus. Comme toujours, elle porte un tailleur pantalon très chic. Et, comme toujours, elle a le nez dans la paperasse.
Elle finit par relever la tête et me sourire. Son sourire reflète sa gentillesse. Elle est constamment occupée, mais elle prend toujours du temps pour ses amies et ses proches. Comme ces vacances avec sa mère, veuve depuis dix ans.

"Sun'! Quel plaisir! Tu es en retard, ton train devait arriver il y a une heure.
-Je sais. Mais il y a eu du retard à Augusta.
-Installe toi, j'ai quelque chose à t'annoncer.

Je fronce les sourcils mais obéis, délaissant ma valise dans un coin. Elle me fixe, sourire joyeux scotché aux lèvres.

-Tu as rencontré l'homme de ta vie aux Maldives?
-Mieux que ça!
-Sérieux? Je disais ça pour...
-J'ai engagé un nouveau comptable. Pour toi.
-Mais... Je ne t'ai donné l'idée qu'hier!
-J'y avais déjà pensé. Mais, nous n'avons eu qu'un entretien. Nous nous revoyons dans une semaine, le temps que je prenne ma décision.
-Tu ne pense qu'au travail, décidément.
-Comme toi!

Je soupire en secouant la tête, encore plus épuisée par sa joie de vivre et sa détermination face au travail. C'est pour cela qu'elle et moi sommes devenues très amies. Deux acharnées du travail qui se rencontrent, le couple parfait.

-Et ces vacances? Tu as plutôt bien bronzé dis-moi.
-Ça nous a fait du bien. On a fait de la plongée et de la randonnée. La prochaine fois que j'y vais, ce sera en voyage de noce!
-Ça ne m'étonne pas!
-Et le mariage?
-Intéressant.

Je lui souris avec malice. Elle se redresse.

-Quoi? Tu as rencontré quelqu'un?
-Effectivement.
-Raconte moi!
-Il m'a repêché sur l'autoroute, on s'est rendus compte qu'on allait au même mariage. Et puis, on s'est aussi retrouvés à l'hôtel, avec la même chambre.
-Tu n'es pas sérieuse?
-Si si.

Elle semble se plonger dans ses pensées. Ses sourcils légèrement froncés le prouvent.

-Et pour la chambre?
-Sans solution, bien qu'on ait pensé à toutes, on a décidé de dormir ensemble.
-Tu... un inconnu? Sérieux?
-Nicoleau.
-Quoi? C'est son prénom?
-Oui. Je n'ai que ça de lui. Ça et une nuit délicieuse. Il a payé la chambre le lendemain.
-Tu dois le retrouver! Attends... vous avez... couché ensemble?
-Oui. Mais... il était incroyable!
-C'est quoi ce sourire?
-Rien rien...
-Retrouve le!
-Non. C'était une nuit. Rien d'autre. Je préfère juste me souvenir. Bref... Changeons de sujet! Tu as reçu la nouvelle collection?
-Elle arrive demain. D'ailleurs, j'aurais besoin de toi pour la prochaine réunion de présentation.
-Évidemment."

Je lui souris, confirmant mon soutien. C'est ça que j'ai toujours aimé avec elle. Elle ne m'a jamais poussé à parler plus quand je ne voulais pas, jamais elle ne m'a braqué ou brusqué. Et puis, il n'y a pas de tabou. Et c'est rassurant.

L'inconnu de la chambre 214Où les histoires vivent. Découvrez maintenant