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En m'approchant de l'accueil de l'hôtel, je demande à Felicity de patienter quelques instants. Je m'arrête face à la réceptionniste qui ne semble presque pas m'avoir remarqué tant elle est prise dans sa conversation téléphonique.
Je me racle la gorge, alors elle lève les yeux vers moi, gênée et semblant à deux doigts de fondre en larme sous la pression. J'entends son interlocuteur s'agiter et parler à une vitesse folle.

"Attendez monsieur, je... Madame?
-J'ai une réservation au nom de Sunny Harley.
-Je regarde ça. Oui, monsieur Flowes, je comprends, mais... Oui, oui, oui... Non... Chambre 214 pour vous, madame. Tenez.

Elle me tend avec négligence la carte qu'elle a récupéré dans un tiroir. Je lui souris.

-Mes bagages sont ici?
-Euh... Oui. Oui, oui, oui, reprend-t-elle en regardant son ordinateur.
-Merci. Et bon courage.
-Merci."

Je délaisse la réceptionniste pour m'aventurer vers les ascenseur. J'appuie sur le bouton. Et je replace mon portable contre mon oreille afin de reprendre ma conversation avec ma meilleure amie -et patronne.

"Et donc? Qu'est-ce que je disais déjà?

J'entre dans l'ascenseur et actionne le bouton 2. Les portes se referment.

-Adam. Le discours.
-Oui. Voilà. Ça m'a fait réaliser une seule chose, c'est que je ne dois plus vivre dans le passé.
-Je suis d'accord avec toi. C'est très mauvais pour toi. J'espère que tu vas tout de même bien.

L'ascenseur s'arrête mais je ne le remarque pas immédiatement, sentant ma gorge se serrer et mes yeux se remplir de larmes.

-Je ne sais pas.

Je quitte finalement la cage d'acier avant que les portes ne se referment. J'avance en silence, cherchant la chambre 214. Felicity ne parle plus. Je trouve facilement ma chambre et insère la carte. En poussant la porte, mon amie reprend la parole.

-Sun', qu'est-ce qui ne va pas? Dis-le moi, je déteste te savoir si loin de moi et autant en détresse. Je rentre demain matin, viens me voir à la première heure.
-Tu es en vacances avec ta mère, Feli'.
-Et alors? Elle peut comprendre.

Je m'assoie sur le lit pour défaire mes talons. Je me sens en sécurité, dans une intimité qui laisse court à mes états d'âme. Je laisse tomber mes escarpins, et mes larmes.

-Ça me brise le cœur... Ma mère... je vois bien que ça lui fait du mal...
-Certes. Mais tu souffres autant. Es-tu prête à te faire du mal et revenir voir ta famille pour le plaisir de ta mère?
-Non. Sinon je ne tiendrais pas. Je suis à bout Feli'...
-Je comprends. Mais on ne peut pas changer les gens.
-C'est vrai...

Je me lève, reniflant avec très peu d'élégance. Je me dirige vers la salle de bains.

-Écoute, fais-toi couler un bain, même s'il doit être tard.
-Il est près de minuit, en effet.

Je ricane, malgré tout.

-Eh bien on s'en fiche! Détends toi et ne penses à rien de triste.
-C'est plus simple à dire qu'à faire. Ma vie est une catastrophe...
-Ta vie familiale, peut-être. Mais pas le reste!
-Si tu le dis.
-Ça me brise le cœur de te savoir dans cet état Sunny.
-Ça va, ça va mieux. Mais si tu continues comme ça, je vais refaire une...

Je ne peux finir ma phrase, tant ma surprise me tétanise. Je viens d'ouvrir la porte de la salle de bains. Et je m'attendais à tout, sauf à ça.

-Sunny? Qu'est-ce qu'il y a? Ne me dis pas que...
-Rien, rien. Je te rappelle."

Sans attendre, je raccroche et repose mes yeux grands ouverts sur cette silhouette plaisante et surprenante. La bouche entrouverte, je l'observe, tandis qu'il en fait de même.
Qu'est-ce que Nicoleau fiche dans ma salle de bains de chambre d'hôtel? Nom d'un chien! Et simplement vêtu d'une serviette éponge sur les hanches... Je ne peux empêcher mon regard de descendre le long de son torse, jusqu'à son V.
J'avale ma salive. Le désir monte rapidement en moi. J'ai envie de lui prendre la main, de l'emmener jusqu'au lit deux places et de le coucher sur les draps froids pour une nuit endiablée.
Mais je reprends rapidement mes esprits lorsqu'il se racle la gorge. Il est gêné. Et je comprends que se faire dévorer du regard aussi outrageusement en tenue précaire peut être dérangeant.

"Qu'est-ce que... Qu'est-ce que vous faites ici? finit-il par demander.
-C'est ma chambre.
-Non. C'est la mienne.
-La standardiste m'a donné la clé.
-Je suis ici depuis des heures.
-J'ai réservé.
-Moi aussi.
-Il doit y avoir un problème.
-C'est assez étrange que cela tombe encore sur nous.
-Qu'est-ce que vous insinuez, Nicoleau? Que je vous stalk? Que je vous suis partout?
-Pas du tout.

Je baisse les yeux. Je crois que m'énerver ne changera rien. Mais... je suis à la fois agacée de ne pas pouvoir me détendre dans un bain, et frustrée de ne pouvoir assouvir mon désir pour ce bel homme.

-Pardonnez-moi.
-Ce n'est rien.
-Je... On doit régler ce problème.
-Puis-je au moins me vêtir avant?
-Oui. Non... euh... si, si. Pardon. Oui. Je vous attends dans la chambre."

Confuse, je tourne les talons et ferme la porte de la salle de bains. Je me dirige vers le lit, mais je remarque dans un petit coin ma valisette. Alors il n'y a pas d'erreur. Ne l'a-t-il pas vu?
L'univers semble vouloir nous unir. Quoi que je ne suis pas du tout superstitieuse. Je ne suis pas pas genre à croire en ces histoires de destiné, d'alignement des planètes, ou je-ne-sais-quoi encore.
Je me laisse tomber sur une chaise, ne me sentant pas apte à prendre le lit. Je serais beaucoup trop tentée. Sunny, calme tes pulsions... Qu'est-ce qui t'arrive? Jamais je n'ai eu autant envie d'un homme, surtout dans de telles circonstances.
Je sursaute lorsque la porte de la salle de bains s'ouvre enfin. Je tourne la tête pour voir Nicoleau arriver, un jean brute galbant ses jambes fines, et un tee-shirt en coton blanc, moulant sa belle musculature. J'ai pu voir sa corpulence sportive et svelte de mes propres yeux.
Il s'avance vers l'autre côté de la chambre, où je remarque enfin un sac de voyage noir. Il en sort une paire de baskets qu'il enfile par-dessus des chaussettes. Il se redresse pour se tourner dans ma direction.

"Allons à la réception, ils doivent bien avoir une explication ou une solution.
-J'espère."

Je me lève et me dirige vers lui. Enfin, vers la porte de sortie, mais il est sur le chemin donc bon... Il m'emboîte le pas en silence. La porte de la chambre se ferme derrière nous, et nous avançons jusqu'à l'ascenseur.
Nous y montons rapidement et les portes se referment. Immédiatement, les battements de mon cœur s'intensifient. Il est si près de moi que je peux sentir la flagrance de son parfum. Une eau de colonne subtile et qui ne prend pas au nez.

"Vous avez pleuré.
-Non.
-Ce n'était pas une question, Sunny.
-Peu importe.
-Peut-être. Mais je n'aime pas voir les femmes pleurer.
-Vous ne m'avez pas vu pleurer.
-Mais je vois le sillon de vos larmes avec des traces de mascara.

Je m'empresse de passer mes doigts sous mes yeux pour frotter cette preuve de faiblesse. Je ne dois pas me montrer faible face aux autres.

-Oubliez ça.
-Vous savez, Sunny, parfois, il vaut mieux s'éloigner, même des gens que l'on aime, s'ils ne nous rendent pas cet amour. Ne laissez pas le manque d'ouverture d'esprit des autres vous réduire à ce qu'il pense de vous.
-Merci. Mais ça va mieux, maintenant."

Je lui souris doucement tandis que les portes de l'ascenseur s'ouvrent de nouveau. L'accueil se dessine devant nous. Je quitte la machine métallique, sans grande envie. Nicoleau se place à mes côtés.

L'inconnu de la chambre 214Où les histoires vivent. Découvrez maintenant