ACTE I - 8

8 1 0
                                    

Le métro redémarra promptement pour emprunter le rail ascendant, après avoir vomi la foule de son estomac oblong d'où Wayne s'empressa de ne pas s'y noyer.

Le gris du ciel menaçait, tandis que les flèches le portait, tapissées d'écrans et baignées de pollution, les fourmis de Benedia affluaient en nombres dans l'avenue Archand.

La jungle de métal ne semblait pas avoir de limites au centre du district 4, et Wayne ne pouvait garder la tête à son niveau tant les antennes et les voitures de la route supérieure lui donnaient le vertige, et s'il devait se faire violence, ce serait au risque d'un second malaise face à ces mêmes véhicules et au profond noir sur lequel ils flottaient.

Au milieu de tous ces détails qui composaient son champ de vision, la bâtisse incorporée dans la tour se présentait fièrement par ses colonnes, son large drapeau bleu sombre constellé de quatre étoiles d'or, au-dessous de sa gravure indiquant 'département de police de la ville de Benedia, district 4'.

On affluait autour de l'imposant portail, allant et venant pour diverses affaires, et si Wayne n'était pas aussi rivé sur l'architecture, il n'aurait pu rater les officiers qui le regardait de loin.

Il se débarrassa de sa casquette. « On va bosser là-dedans ? fit-il en tendant discrètement le doigt.

— Oui » dit Billy à sa gauche, les mains dans les poches de son manteau, toute aussi impressionnée.

Ed fit un pas en avant, se tourna lentement vers eux et ralluma son cigare à moitié consommé. « Ça sera la même chose, pourquoi faire cette tête ? dit-il en rangeant son briquet.

— Benedia est immense, répliqua Wayne en hochant la tête.

— Vingt fois Bon Porte, ajouta Billy. Les lois sont peut-être différentes ici, on n'en sait rien. »

Ed poussa un soupir. Visiblement épuisé, comme à son habitude. « Ne fais pas trop de conneries, dans ce cas. »

Alors scotché sur le drapeau, Wayne remarqua finalement le silence. « Quoi, moi ? dit-il en ayant vu le trait d'humour.

— Toi, ou elle, vous vous valez vous deux.

— Répète pour voir, ironisa Billy.

— Au moins ça on est sûr que ça restera vrai » ajouta Ed en souriant.

Wayne haussa les épaules. « Tu as certainement raison, ça sera la même chose. »

Ed se libéra les dents. « Que l'on soit au centre, ou dans le trou du cul de l'univers, les salopards sont les mêmes. »

[o]

Au fond du hall d'entrée, qui n'était qu'effervescence d'officiers et de civils, encadré d'escaliers majestueux, se trouvait une personne que Wayne devina tout de suite sa fonction en ces lieux.

Derrière son large bureau, la secrétaire jonglait entre prises d'entretien téléphonique et accueil des visiteurs. Elle avait un visage qui lui sembla singulier. Fin, des lèvres inexistantes, un nez et juste un nez, mais de grands yeux qu'elle gardait ouverts d'une façon morbide, le tout gratiné de cheveux blonds coupés au carré.

À moitié serein, Wayne fit un geste aux deux autres pour les interpeller. « Je me charge de nous annoncer. »

Ed se gratta les cheveux, l'air entendu avant de se rediriger vers l'extérieur. « Je serai de ce côté » fit Billy en désignant l'espace d'attente qui se résumait à une rangée de banc.

Wayne lui fit un sourire, acquiesça et commença à entamer la file. Il ne vit pas l'hésitation de l'autre dans son dos.

De loin, au-delà de ce visage pour le moins atypique, la secrétaire lui semblait plutôt être une personne calme et détendue, malgré les exigences de ce poste qui n'était pas de tout repos.

Les InnommablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant