ACTE I - 10

12 1 0
                                    

Les jours s'écoulèrent à Benedia. Des jours où Wayne, Billy et Ed apprirent comment elle fonctionnait, des différents lieux importants aux endroits où ils seraient amenés à être la plupart du temps.

Wayne avait opté pour un appartement à Grand Garage au district 8, cité des fusillés, au nord du district 4. Son jardin intérieur l'avait plu, ainsi que la tranquillité qui y régnait, car il détonnait avec ce qui l'entourait en général. Son antre personnel était pour le moment d'un vide absolu, mais il se promettait de le rendre aussi confortable que possible.

Billy, quant à elle, voulait plutôt s'éloigner du commissariat. Elle a choisi Tourelles, un quartier du district 21 et qui était à une quinzaine de minutes de métro du centre-ville. La Charnière, sa cité, avait-elle aussi son charme avec ses belles peintures qui ornaient les tours d'habitations.

La cité des Forges est l'endroit où Ed domiciliait maintenant, en plein cœur du district 4 à Vole-vent.

Dans son bureau flambant neuf, Wayne posa son carton. Il était situé logiquement dans les départements de la brigade criminelle, directement face à celui de Ian.

Il déballa son carton et commença à personnaliser ses nouveaux quartiers. Wayne plaça également sa distinction à la police judiciaire sur sa porte, comme il le faisait à Bon Porte et qui lui attirait les moqueries de ses collègues. Il débarrassa son côté comptoir de sa cafetière et de son micro-onde, pour finalement y placer un vaste aquarium vide, mais ne tarda pas à combler le fond de petits éclats de roches, d'un épais couvert végétal et de terres.

Enfin, il sortit de sa boîte sa nouvelle amie qu'il avait hébergée un peu plus tôt dans la semaine au marché des artificiels, sur recommandations de Billy. Douce, elle glissa de ses mains pour découvrir son habitat qu'elle ne manquera pas de saccager.

Satisfait, il se prélassa dans son fauteuil, veste posée sur son porte manteau à l'entrée.

Il était un homme plutôt simple, mais quand il s'agissait de son habitat il n'hésitait pas à mettre les bouchées doubles, habitat qu'il ne manquera pas de saccager, lui aussi.

« On est bien installé ? »

Wayne posa sa tasse de café devant lui. « La réunion à commencer ?

— Dans un instant, répliqua Tatsu en regardant sa montre. Tu n'aurais pas vu Ian ? Ça fait un moment que je le cherche.

— Il est parti directement, impatient comme il est.

— Et moi donc ! A tout à l'heure.

— A tout à l'heure Suki. »

De nouveau seul, il décida d'apprécier ces dix minutes qui lui restaient dans la tranquillité. Il se demandait quel genre de dossier il allait prendre.

Ce qu'il y avait de plus saisissant, c'était le vertige troublant et fascinant des chutes finales de ces histoires inachevées. Des histoires qui avaient le don d'être comprises dès l'incipit, si ces mêmes premiers propos ne présentaient des mondes inconnus, incroyable par leur noblesse, terrifiant par leur hostilité, et aliénant par la ruine maudite et dévorante qui hante ces pages de chair. De ces pages, il n'en reste seulement ces reliques fines d'éclats sanglants et putrides qui s'obstinent à s'en tenir à la reliure, pathologiques de la majeure partie des chapitres, comme si elles avaient été éparpillées par un être ne désirant que la préservation de l'humanité à cette vérité malsaine. Toutefois, le moment viendra où le lecteur parviendra seulement à arpenter les sentiers sinueux du dernier acte, dans un état doux-amer d'incertitudes, cerné dans les longs couloirs oppressants et inondés, et murmurer aux murs ses suppliques pour s'enfuir de ces labyrinthes étroits, moites et utérins que la raison ne peut atteindre. Pourtant, c'est dans ces mêmes alvéoles et ces mêmes orifices que le malheureux voyageur mettra la main sur les chapitres perdus, pour finalement, atteindre l'illumination d'une révélation si désastreuse, qu'elle lui donnera tout pouvoir sur sa structure. Car, seul le lecteur termine les histoires, et seul l'excipit permet de prendre de la hauteur sur la démesure de la quête de l'assidu. Ainsi, à chaque enquête ouverte, à chacune son histoire inachevée. C'était la vision que Wayne avait de son métier. « C'est quoi ça ? »

Les InnommablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant