ACTE II - 7

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Notes de Upa Sylvas Thorson. District 4. Benedia. 15 mai 405.

D'êtres inconscients pour de si grands désirs, il est probable qu'il y ait un inconnu. L'inconnu d'un temps primordial, bien avant cette humanité en puissance qui persiste encore à nos époques. Un temps duquel nous ne pouvons connaître ces événements dissimulés qui jusqu'à aujourd'hui, ne nous ont encore atteint. Les croyants semblaient avoir vu juste dans ce que nous réserve le destin, jurant de leur chair le nouveau monde qui nous est annoncé dans les évangiles, si un certain optimisme ne masque la froideur de ces écrits.

De ce nouveau monde, j'en fis la connaissance par un certain cas qui me sembla anecdotique aux premiers abords, et que dorénavant à l'heure où j'écris ces lignes, jamais je n'aurais autant regretté de l'avoir relié à une chaîne aussi hideuse.

En ce 11 avril 405, jour de festivités municipal, j'eus la surprise de rencontrer ce document à l'allure imposant dans mon petit bureau du premier étage, tant la noirceur de sa surface me donnait l'avant-goût de cette affaire qui, suspicieusement m'avait été légué sans préavis. Ma réaction a d'abord été épidermique, car je n'étais pas habitué à un tel comportement du capitaine et, pire encore, elle émanait directement du Palais de Justice, reconnaissable par ce cachet bleu sans personnalité. Mais je m'étais rapidement fait à l'idée qu'il s'agissait davantage d'une histoire d'un simple oubli de mon chef de commissariat qui, décidément se noyait dans la masse de plaintes et d'enquêtes irrésolus et, de toute manière il se préparait à accueillir de nouveaux membres qui arriverait dès le mois prochain donc, j'avais décidé de ne pas lui en tenir rigueur, ni même de l'informer dans le souci de ne pas l'encombrer outre mesure.

Car le cas en question, dépeint par ce papier froid n'était autre que la mention d'une alerte au sujet d'un tapage nocturne au quartier Rince-Vent, cité Ylang. La description mentionna également que ces bruits étaient nuisibles pour les habitants, qu'ils étaient souvent d'une violence inouïe, et qu'il était facile d'y deviner les voix d'un homme et d'une femme se disputant pour une raison ou une autre, que cela se passait à des heures très avancées et, malgré plusieurs plaintes directement émises au domicile, la situation restait inchangée jusqu'à maintenant. J'étais habitué à ce genre d'affaire, les violences conjugales étant le fléau du 4, il m'arrivait de temps en temps d'essayer de comptabiliser le nombre de fois où j'étais assigné à médiation, cela se passait rarement dans le calme, quelque fois réglé en une journée, souvent clos par une inhumation, suivie d'une incarcération.

Davantage dans l'optique de ne pas avoir à en dire un mot à Vexen Odi, je m'étais saisi de l'affaire après avoir fait communiquer au juge d'instruction que je m'étais positionné et ainsi lui permettre de me répondre par la permission de perquisition du lieu. Au début, Claffer mon associée, n'était pas de mon avis. Elle préférait confier nos agissements au capitaine, mais j'étais parvenu à faire comprendre à la nouvelle originaire de Palmia, que la peine n'était pas nécessaire tant la simplicité du cas était déconcertante, malgré elle qui aimait respecter la hiérarchie. Cette collaboration ne date pas de très loin, Claffer était à Benedia pour achever son diplôme et, comme elle avait eu la brillante idée de lier théorie et pratique elle comptait souvent sur mon expérience pour parfaire cette deuxième partie de sa formation, formation qu'elle qualifiait de périlleuse mais passionnant pour celui qui s'y intéresserait, si ce-dernier aurait au moins le tiers des motivations de Claffer Emora. Car Emora visait le poste de lieutenant-chef, un rang que peu arrivent à atteindre tant les qualifications sont difficiles à obtenir, sans compter sur l'examen qui reste encore aujourd'hui très durement noté et dans laquelle il en sort deux candidats sur trente, présélectionnés sur recommandations d'un capitaine et d'un lieutenant-chef en fonction, par session annuelle. Emora donc, était à Benedia depuis le 02 avril et habite Tourelles en compagnie de l'homme avec qui elle forme un jeune couple que Benedia semblait promettre un avenir. Émile Dormund est un cordon bleu en exercice au Napalm, un restaurant du 0 et décoré par la critique, où la spécialité étant la cuisine bacchoise, éponyme du système Bacchus situé à quelques distances du point Cosinus un demi du cercle galactique. Tourelles est au sud de la ville, un quartier dont je n'arrête pas d'en parler à ma dame tant qu'il me semble bien plus convenable pour les enfants. Emi, car c'était de cette façon que je l'appelais, me disait souvent de venir visiter, passer chez elle en compagnie d'Adeï, Millie et Alex— nos deux adolescents — et pourquoi pas prospecter les appartements après un déjeuner cinq étoiles, mais malheureusement, le temps me manquait cruellement et jamais je ne pouvais sortir de la zone qui séparait mon domicile du 40 et ma seconde maison car, du reste de ce temps, je préférais, et je préfère toujours le réserver à ma femme et à nos enfants qui pour le coup, subissaient mes absences à rallonge.

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