ACTE II - 5

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La paroisse des illusions, à peine à cinq-cents mètres du domicile de Sylvas, était située carrefour des Emblèmes et était le premier élément remarquable en ce lieu. Elle n'était pas très grande, mais les gravures qui ornaient sa façade avaient le don pour attirer l'œil des curieux et d'autres passants.

Alors que Vicky laissait sa voiture derrière elle, Wayne admirait les courbes et les angles gracieux, décrivant des motifs qu'il avait du mal à discerner le sens.

Il ne se considérait pas comme quelqu'un qui avait la foi en une quelconque divinité, malgré ses moments où il voulait espérer une certaine forme de justice céleste et un possible réconfort d'une vie après la mort. Mais Wayne était du genre à croire davantage à l'existence d'une hiérarchie démoniaque qu'un ordre angélique car, pour lui, il n'y avait pas de place pour des saints dans ce monde intrinsèquement mauvais.

Billy lui avait dit, auparavant, qu'il n'y avait seulement des dualités, à l'image de l'obscurité qui ne peut exister sans la lumière et inversement. Wayne lui avait rétorqué qu'il aurait aimé la croire sur parole. « On y va ?

— Après toi » répliqua-t-il en décrochant son regard des ornements.

Vicky poussa les portes massives.

Un chant d'une multitude de voix les parvint. Ils se consultèrent du regard avant de finalement se décider à entrer. Une messe battait son plein.

Discrètement, Wayne et Vicky se glissèrent entre les portes et se postèrent dans un coin.

Plusieurs regards se tournèrent vers eux. Wayne fit un sourire poli en l'accompagnant d'un geste de la main, alors que la chanson prenait de la hauteur. « Venez, fit un homme sur le banc le plus proche, en indiquant les places qui restaient sur sa droite.

— Nous sommes seulement de passage » soutint Vicky.

L'homme leva les épaules. « Comme vous voulez, mais Ker-i accepte tout le monde ici alors, n'hésitez pas. »

Sur ce, son visage disparut pour revenir à la célébration.

Le chant se tut progressivement. Le célébrant s'avança devant l'autel, tandis que les invités débutèrent une procession de murmures et d'autres prières. Un détail qui interpella Wayne.

« J'imagine que tu n'es pas de ce genre. »

Vicky le lança un regard du coin de l'œil. « Jamais, toi peut-être ? »

Wayne préféra réfléchir rapidement avant de répondre. « Croire en moi-même est suffisamment compliqué comme ça, alors avoir la foi en quelque chose qui nous dépasserait, laisse tomber. J'aime penser que l'humanité est seule et livrée à elle-même, au moins nous avons un certain libre arbitre. »

Elle soupira. « C'est le genre de barreaux que je ne m'imposerai pas. En même temps, croire en soi revient aussi à s'emprisonner.

— C'est-à-dire ? » répliqua-t-il, perplexe.

Vicky poussa un second soupir. « S'emprisonner dans la fierté de nos choix. Je pense que souvent, l'instinct joue des tours et fait voir des choses que l'on ne devrait pas imaginer. Ça ne t'est jamais arrivé ? »

Wayne repensa aux préjugés qu'il gardait sur Ian ou sur elle, dans les premiers jours de son arrivé. Il se rappela qu'il avait commencé ses relations sur la base de ses suppositions, pour finalement se rendre compte qu'il se trompait sur toute la ligne. Pourtant, il fallait bien commencer quelque part pour connaître quelqu'un. Les préjugés ne sont que les prémices d'une amitié, sur la réserve d'initiations sociales adroites et dosées.

Si les circonstances l'avaient poussé à ne pas faire d'efforts, il aurait sûrement gardé ses hypothèses. « Si, ça m'est arrivé pas mal de fois. C'est plutôt banal, en fait. »

Les InnommablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant