ACTE II - 3

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District 40. Situé bordure plein ouest de la tentaculaire, caractérisé par ses tours à la face lisse et monotone, quasi parfaite dans leurs agencements en groupes pour y former un damier urbain ni trop dense, ni trop espacé, comme si les architectes de ces lieux avaient hésité entre le besoin d'attractivité par le biais d'activités commerciales, ou par l'édification d'une réputation de banlieue où il fait bon vivre en tranquillité.

De l'un, Wayne ne saurait dire si l'objectif a été atteint tant le monde économique semblait y péricliter à vue d'œil, et du second, il n'était pas non plus certain que d'y habiter était davantage une idée suicidaire, ou au plus une solution de dernier recours, car non seulement le district 40 était de très loin l'endroit le plus peuplé de Benedia, mais était également le pire en ce qui concernait la pollution industrielle.

Même enfermé dans l'habitacle de la voiture, il pouvait percevoir l'odeur abjecte des eaux usées, des enduits chimiques pestilentiels et des nuées étouffantes et toxiques des pots d'échappement. Mais ce n'était pas cette surabondance de vacants qui l'avait frappé en premier, ni même de l'aspect général qui détonnait du 39, et ni encore de l'arrêt immédiat de la pluie alors qu'ils venaient de passer les portes du district, comme si ce-dernier était doté d'une sorte de bouclier météorologique et qui le permettait de bénéficier d'un microclimat presque insultant pour le reste de la ville.

Non, car encore une fois, l'aura particulière que dégageait l'autre depuis son volant lui faisait poser tellement de questions, qu'il préférait, pour une fois, se taire par crainte de ne pouvoir formuler une première sans en amorcer une deuxième, et comme la bête — car c'était comme cela que Wayne la voyait — n'était pas du genre à bavarder, qu'elle réponde au moins à la première relèverait d'un miracle.

Dans le mutisme le plus total, Wayne se laissait impressionner par le district 40, de par sa laideur déconcertante et de cette atmosphère oppressante qui lui faisait rappeler le 4, s'il fallait passer les dizaines de grues qui obstruait son ciel et du vacarme incessant des machines en contrebas des activités premières, et alors que la morosité prenait le pas sur l'excitation, un regain d'émotion et d'admiration fit surface instantanément dans son esprit au moment où il arriva à discerner l'arche de parmi ce paysage de chantier métallique couleur rouille.

Elle était gigantesque, chevauchait l'axe principal et où on y avait ajouté des lampions de toutes les couleurs dont la guirlande s'enroulait sur les lettres qui composaient le fameux nom du quartier artificiel, Grand Écrou.

Ébahi, Wayne se laissa porter par ses yeux tant ceux-ci ne pouvaient rester sur un détail à la fois, et comme pour lui annoncer un avant-goût de ce qu'il risquait d'y voir, un bruit étrange, et bien particulier piqua l'oreille qui n'était clairement pas à son aise lorsqu'il s'agissait de séries de répétitions de cliquetis aiguë.

Ses ampoules, qui semblaient être ses yeux, s'illuminaient quand il parlait. « Ne ratez pas le concert de Vidange ! dit-il de sa voix de synthèse, avec Josef à la guitare, Jolin à la batterie, et bien sûr Brando au micro ! »

Vicky le fixa avec intérêt. Regard que Wayne ne vit pas. « Faudrait que tu changes ta batterie camarade, fit-elle en lui prenant le papier de ses phalanges chromées.

— Je vous prie de m'excuse, je suis soumis au bas régime.

— Joyeuse casse alors.

— Je vous remercie ! » s'écria-t-il, alors que la voiture s'éloignait.

Wayne restait scotché devant la scène qui s'étendait devant lui. Les artificiels abondaient sur les voies piétonnes. Certains humains étaient aussi présents dans cette foule mécanique, mais en nombre assez anecdotique, finalement.

Les InnommablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant