ACTE II - 17

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La patience est une vertu. La patience est une arnaque, et peut-être même la pire des affaires, car elle ne dépend uniquement de promesses en lesquelles la persévérance est un escroc sans foi ni loi. Les promesses sont des oiseaux de malheur, elles se présentent pour annoncer qu'elles vont battre de l'aile et briser l'idée reçue que rien ne se passe comme prévu, puisqu'en vérité il n'y a rien de plus creux que les prédictions. Promettre, c'est spéculer sur le temps et, dans la patience, le temps ne peut que spéculer. Car il est inutile de mendier le matin, il est inutile de quémander le jour, et il est inutile de chercher la nuit. Mais c'est ici que réside toute la folie des conscients.

Wayne ouvrit les yeux avec difficultés. Il s'étira sur tout son long, alors que Vicky dormait encore à point fermé sur son flanc gauche.

Dans la pénombre tamisée et silencieuse, Wayne divaguait au rythme cardiaque et respiratoire de celle qui lui était un mystère tout entier, une énigme qui pourtant lui concernait davantage.

Il n'y a rien d'immuable. Du moins, si l'on accepte que bien souvent la nature des choses ne peut évoluer à l'instant si elle n'outrepasse pas les impossibilités, des impossibilités si concrètes que leur existence est suffisante pour la qualifier en tant que ce qu'elle est intrinsèquement. Si la réalité ne peut être proprement perçue, les impossibilités en sont ses limites les plus sensibles.

Au fond de cet assemblage complexe organique et électrique, Wayne était mal à l'aise. Non pas à cause de cette sortie d'une torpeur miraculeuse où, de manière hallucinante, le rêve n'était pas au rendez-vous. Non pas à cause de Vicky qui semblait tenir des secrets dont elle seule possède les clés et qui, par-là, l'enferme dans cette ignorance qu'il rejette. Non pas à cause de cette soi-disant chose décrite par un Markor à moitié alcoolisé et nu au milieu de son appartement, en des termes flous et incompréhensibles pour un Wayne bien trop porté sur les sciences exactes. Et enfin, cela ne serait jamais du fait de Billy.

Wayne avait la sensation étrange d'avoir manqué la parcelle de son existence où il aurait vu une certaine philosophie évoluée et dans laquelle il n'arrivait plus à se reconnaître, comme s'il avait suivi une sorte de lumière inconnue au fond des bois et se demander par la suite comment était-il arrivé en ces endroits paisible, bienveillant et intime, en dépit du chemin principale qu'il s'était engagé à suivre à l'orée de la forêt.

S'était-il perdu ? Mais alors, que faisait-il ? Wayne pensait qu'il pouvait combattre pour sa liberté, mais décidément, l'impossibilité de l'abandon est certainement aisée de ne pas s'en préoccuper. Pour la première fois de sa vie, il ne se sentait pas à s'éloigner de ce feu qui l'y confortait.

Alors, au diable la liberté ? Ou bien cela en faisait-il partie ? Ce fut une véritable question que Wayne se posa.

Il se donna du courage pour quitter sa couche en cherchant le quadrant de son réveil, dans l'espoir qu'il n'était pas déjà midi. Wayne avait si bien dormi qu'il avait l'impression de sortir d'un coma profond.

Il se statufia devant les grands yeux de Ian. « Debout. »

[o]

Billy restait muette face aux petits gâteaux qu'elle venait de se servir du frigo, tandis que l'autre, pour une raison inconnue, faisait un vacarme improbable dans la cuisine et ce depuis plus d'un quart d'heure.

Sans y prêter plus d'attention, et cherchant toutefois à occuper son esprit, Billy se demandait pourquoi Wayne gardait-il de tels mets. Du mieux qu'elle le connaissait, il ne préférait habituellement rien de si gourmand et de si riche en goût, et appréciait plutôt les biscuits secs au beurre ou non, sans grand intérêt pour une Billy accroc à la génoise et à la crème pâtissière.

Les InnommablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant