ACTE II - 16

6 1 0
                                    

Elle jeta son manteau par-dessus ses épaules, avant de laisser son appartement derrière elle sans même éteindre la télévision ni les lumières du salon.

Elle n'avait rien avaler ce soir-là, et de toute façon elle aurait sûrement tout régurgité un moment ou un autre.

Billy le savait. Elle avait une mine affreuse, son visage était celui d'un fantôme, découpé au couteau par d'horribles cernes sous des yeux à moitié clos, surmonté de ses longs cheveux roux laissés tel un bol de nouilles renversé sur son crâne. Elle voyait à peine au travers de ses mèches, elle était bien consciente qu'elle avait l'air d'une cinglé nocturne, une sorcière de Benedia, mais Billy n'en avait que faire.

Elle descendit rapidement les escaliers, manqua de tomber tête la première plusieurs fois, pour finalement émerger sous le parvis de la tourelle.

Un orage trancha au travers de la pluie. La foudre illumina le ciel, gravant sur ses yeux une image subliminale de dents acérées plantées dans les nuages et qui provoqua en elle une frayeur irrationnelle.

Billy serra les poings. Elle n'aimait pas particulièrement les tempêtes, la pluie et tout ce qui allait avec, de nature craintive face aux déchaînements des éléments qu'elle vouait un étonnant respect et en quoi elle y voyait son propre reflet.

Elle tenta de se calmer. Billy ouvrit son parapluie et progressa entre les parterres de fleurs inondés, la gadoue et les déchets végétaux d'un pas rapide et mal assuré. Elle finit par traverser le grand portail et enfin atteindre la ruelle qui l'emmènerai à la quatrième rue des chemins de ronde.

Billy marcha une bonne demi-douzaine de minutes et arriva à la station de métro nommée sobrement "Tourelles station 3". Personne, a son grand soulagement.

Bien. Me voilà ici. Il ne me reste qu'à attendre. Il ne devrait pas tarder, je suis sortie pile pour son passage.

La colère des cumulonimbus éclata au-dessus d'elle. Le parapluie glissa de ses mains sur son sursaut. Son cœur s'accéléra.

Du calme, Billy. Ne fais pas ta mauviette, depuis tout ce temps je pensais que tu t'y étais habituée.

Une vibration dans l'air, puis au travers des métaux de la rue insufflèrent en elle un bienfait satisfaisant. Le métro arrivait au loin. La ligne A32 plus exactement, celle qui allait vers l'est de la ville.

A cette heure, il n'y avait également personne dans les wagons. Elle s'installa donc près de la vitre pour se perdre dans le paysage, emmitouflée dans son manteau. Billy avait froid, un mal de tête lui pesait, tandis que son genou ne s'était pas encore remis. Elle se traînait plus qu'elle ne marchait.

Elle descendit à Grand Garage, la tête pleine de confusions et de culpabilités. Sous la pluie, elle parcourra les ruelles en évitant les quelques errants qui y étaient, traversa la route par les plateformes de passage, longea le trottoir pour repartir dans une énième ruelle de ce véritable labyrinthe. La cité des fusillés se présenta devant elle.

Un orage la surprit, encore une fois, alors qu'elle essayait de ralentir son rythme cardiaque en vain. « J'espère que tu es là, Wayne. »

Elle pénétra le portail principal, et s'arrêta devant la rangée de tourelles d'habitations. Dans les ténèbres de la cité, elle prit son téléphone et vérifia l'adresse.

Numéro 15, tourelle F. Ce ne fut qu'à ce moment qu'elle pensa qu'elle aurait dû lui envoyer un message avant de venir lui rendre visite.

Mais elle se rassura en se disant qu'elle ne venait seulement pour une urgence. « Je serai rapide, ne t'en fais pas. »

Les InnommablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant