AU-DELA DU TEMPS

Chapitre 50

Allongé sur le dos, bien rangé de mon côté du lit, je fixe le plafond depuis des heures presque sans cligner des paupières. Mes yeux me brûlent à cause du mélange de la fatigue et des trop nombreuses larmes versées hier soir. Les mots de Louis ne cessent de repasser en boucle dans ma tête depuis que nous sommes couchés. Ça raisonne en moi, ça fait battre mon cœur bien trop vite et bien trop fort pour que ce soit normal. Je ne cesse de repenser à ses mots, à ses aveux. Je l'oppresse. C'est tellement difficile à gérer, à accepter.

Je suis incapable de trouver le sommeil. Louis s'est endormi depuis de longues minutes, et son souffle et lent et régulier à mes côtés, mais je suis incapable de m'abandonner moi aussi au sommeil, au repos. Je n'y arrive pas. Mon cerveau fonctionne trop vite. Je suis complètement perdu. Louis m'avoue que je l'oppresse, qu'il se sent étouffé avec moi mais refuse ma proposition de déménager. Je ne comprends pas ce qu'il veut, ce qu'il souhaite faire pour arranger notre situation, et je crois qu'il ne le comprend pas lui-même.

Je suis incapable de savoir comment agir avec lui, si bien que lorsque nous sommes venus nous coucher sans même toucher au repas que je nous avais préparé, on s'est fixés de longues minutes dans l'obscurité, allongés face à face sans savoir quoi dire, quoi faire.

C'est douloureux de passer du couple complètement fusionnel que nous étions il y a quelques jours encore à deux personnes incapables de savoir comment agir sans dépasser les limites. Parce que oui, je me fixe de nouvelles limites. Je prends sur moi pour ne pas trop en faire, pour freiner mes envies de le prendre dans mes bras, de l'embrasser. J'essaye de lui laisser de l'espace, et même si ça me broie le cœur de ne pas l'attirer dans mes bras alors qu'il dort paisiblement de son côté du lit, je me répète inlassablement que c'est pour le bien de notre couple. Louis ne veut pas que je déménage et ne souhaite à priori pas me quitter, mais il est hors de question que je continu à lui faire du mal, à l'oppresser. Je suis quelqu'un de tactile, j'ai sans arrêt besoin de contact et de mots doux, mais si je dois enfouir cette partie de ma personnalité pour rendre heureux Louis, alors je suis prêt à le faire.

Je l'aime, et j'ai ce besoin de le rendre heureux, même si c'est dur.

Les heures qui suivent se ressemblent, et la bataille qui se joue en moi m'empêche de trouver le sommeil. Ça devient pire encore lors qu'inconsciemment, le corps de Louis se retourne dans le lit et cherche le mien. Ses mains me cherchent, et finalement, il glisse dans les draps jusqu'à venir se blottir contre moi. Mon corps se fige brusquement en le sentant faire et mon cœur se met à battre la chamade. Pourquoi est-ce qu'il fait ça si je l'oppresse ? Pourquoi est-ce qu'il vient se blottir contre moi dans son sommeil.

Mon corps tendu contre le sien, je pèse plusieurs minutes le pour et le contre. Je meurs d'envie de refermer mes bras autour de son corps, de caresser son dos du bout des doigts en le sentant dormir paisiblement contre moi. Je meurs d'envie de déposer quelques baisers sur son front, ses tempes, dans ses cheveux, mais je m'en empêche. Je refoule toutes ces envies, tous ces besoins. Je dois respecter ses propres envies. Il veut de l'espace, du temps. Je dois lui en donner.

Alors je me contente de ne pas bouger, laissant son corps s'appuyer contre le mien sans pour autant l'entourer de mes bras.

Et alors qu'il soupir d'aise en glissant son visage au creux de mon cou, une larme échappe à ma vigilance et glisse lentement le long de ma joue.

J'ai l'impression que tout s'écroule autour de moi, autour de nous.

On était si heureux, si bien.

Non, je l'étais.

Pas lui.

**

Incapable de trouver le sommeil, je n'ai finalement pas insisté. Je me suis levé tôt, j'ai fait un brin de ménage dans le salon pour ranger et nettoyer la table d'hier soir encore en désordre et j'ai fais la vaisselle dans la cuisine.