Ton rapport au corps n'a jamais été évident, comme de nombreuses petites filles de ton âge à l'époque. Tu as rapidement ressenti le besoin de te raser les jambes, ou de t'asseoir de telle manière pour que tes cuisses paraissent moins grosses que celles que tu voyais passer dans les publicités à la télévision. C'est en écrivant ces mots que tu te rends compte dans quelle histoire tu t'étais embarquée et de cette pression patriarcale qui te révolte aujourd'hui et contre laquelle tu luttes.
On va continuer Esor, mais ne t'en fais pas, prends une grande inspiration.
Main dans la main on y arrivera.
Ainsi à la fin du CM2 le rasoir était devenu ton nouvel ami. Entre deux injures tu te familiarisais avec le camouflage possible de ton corps. Éradiquer les poils, camoufler les boutons, les pellicules, le petit gras que tu considérais comme superflu, entrer dans la mode des vêtements neutres, pas trop comme-ci, pas trop comme ça. Le peu de fois où tu as essayé de t'affranchir de ses diktats perpétuellement oppressants, les regrets et les pleurs faisaient leur apparition à leur tour. Ne sachant plus à qui te confier, ayant maintenant la difficulté d'exprimer tes émotions à force du manque de considération à ton égard, un trou béant s'est formé en toi.
Petit à petit nous nous sommes réfugiées dans la nourriture pour le combler. Ces crises d'hyperphagie sont rapidement devenues répétitives et routinières. D'une belle métaphore il s'agissait, ces quantités de nourriture que tu t'infligeais à longueur de journée, que tu engloutissais, avalais, bouffais. Comme pour leur dire, à eux qui te qualifiaient de grosse, de bouffeuse, que ça y est, ils avaient gagné. Satisfaits ? Vainqueurs, vous. 1-0. 100-0. Nouvel échec. Alors tu te revois descendre chercher tout ce qui pourrait être comestible et qui comblerait ce putain de vide avec lequel tu vis chaque jour. Quelques dizaine de paquets sous le bras, tu remontes tout ça et t'enfermes dans ta chambre. Pleurs. Tu te détestes, te trouves pitoyable. Fin de l'histoire. Demain est un nouveau jour. Demain sera bercé par une nouvelle crise.
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Esor e(s)t moi 🥀
General Fiction«Parfois j'ai besoin de me poser, être seule et me parler à moi-même, pour être sûre que je ne me file pas entre les doigts, que le temps n'emporte pas tout ce que je suis et tout ce que j'étais jusque-là, que les autres n'empiètent pas sur la propr...