Thérapie 🔎

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    C'est pendant tes années lycée que l'angoisse dans laquelle tu t'étais mise à baigner s'en est prise non plus seulement à ton esprit et ta tête, mais à ton corps. C'était devenu physique. Sur le chemin des cours ton corps faisait demi-tour. Impossible. 

Je vais mourir. 

    Et c'est seulement après avoir franchi le pas de la porte, réfugiée à la maison, que tu revivais. Au revoir l'enfer extérieur. Tu redoutais les cris et remontrances qui résonneraient entre ces murs le soir-même. En attendant tu te sentais en sécurité, avec moi. Sortir te coûtait tellement. Tu t'es enfermée sur toi-même, chaque jour était une nouvelle lutte qui s'imposait. Les trajets chez le psychologue avec lequel tu avais commencé une première thérapie à l'époque étaient eux-aussi laborieux et semés d'embûches. Tu te désistais une fois sur deux, si ce n'est plus. Tu trouvais cela d'autant plus douloureux qu'il se situait à quelques dix petites minutes à pied, je le sais Esor, tu souffrais. Tu te sentais incapable et cela te coûtait énormément. Les rendez-vous étaient à une fréquence d'un par semaine, c'est ce qui était le plus conseillé pour toi. Tout ceci a duré un an. Avec le recul et lorsque tu y repenses quelques mois, quelques années plus tard, ce psychologue ne t'aura pas été d'une très grande aide. Tu passais les séances à lui rappeler les prénoms de telle ou telle personne qui pourrait, semble-t-il, avoir un lien avec toi, tu tournais toujours autour du pot et ne te sentais pas à l'aise avec ce thérapeute qui n'était pas du même sexe que toi. Tu aurais dû ne pas t'inquiéter et calmer cette vague d'angoisse qui réapparaissait, une professionnelle qui te conviendra mieux va faire son apparition dans quelques mois.


    Évidemment les sorties pour se rendre au magasin, les rendez-vous médicaux, la participation à une soirée d'anniversaire en famille, les trajets en voiture, toutes ces obligations que tu percevais comme des contraintes insurmontables étaient très rudes pour nous. Tout ce qui nécessitait de devoir sortir de chez toi et quitter ton environnement que tu pensais si sûr pendant un temps l'était tout autant. Mais te rendre au lycée était un peu comme le point culminant, l'apogée de ce mal-être qui t'empêchait de quitter ton antre. A la suite de ce symptôme qui te caractérisait désormais, cette disposition à vouloir mettre des mots précis sur chaque phénomène a également fait son apparition. Tu as constaté que chacun se permettait d'avoir son mot à dire, son avis, sa réponse à LA question en quelque sorte. Mais as-tu été assez écoutée, considérée ? Je me questionne sans cesse. Ces ruminations ne cesserons-t-elles jamais ? Nous ranger dans des cases bien définies sans issues possibles ne cause-t-il pas notre perte ? Ne sommes-nous pas irrémédiablement et fatalement différents ? Ces termes d'agoraphobie, de phobie sociale même, ne cachent-ils pas péniblement des bagages émotionnels accumulés par centaines depuis des années ? Tout ça ne peut pas disparaître en une étincelle, et notre discernement nous a appris qu'il n'était pas bien compliqué d'établir un lien de cause à effet. Agoraphobe, peut-être. Mais quel est le message caché derrière cette expression d'un mal-être si profond qui a mis fin à sa course par une telle implosion ? C'est à toi, et seulement à toi d'en comprendre le sens et de trouver la réponse enfouie, ma chère Esor.


    Remercier la psychologue qui a succédé au premier te tient très à cœur. C'est un métier pour lequel tu voues une grande admiration. Sa qualité de travail a été irréprochable. Dès les premières séances tu as eu cette impression d'être enfin comprise après toutes ces années à avoir subi de faux diagnostics dans lesquels tu ne te retrouvais pas et échappant de peu à la mise sous traitement. C'est un long cheminement qui a commencé. Chaque séance était synonyme de libération. Allongée sur le divan un nœud de pensées dans la tête, pour ressortir de ce cabinet avec cette pelote moins emmêlée, et qui se déroulait petit à petit. Ensemble vous avez parlé. Seule tu as avoué, dénoncé, pleuré. Découvrir le pourquoi du comment. Pourquoi moi ? 

Esor e(s)t moi 🥀Où les histoires vivent. Découvrez maintenant