Doux réveil... ou presque ⏰

2 0 0
                                    

    Sept heures trente, l'heure de se réveiller, le point culminant. Si vite arrivé. A dire vrai tes yeux n'ont pas attendus l'alarme pour s'ouvrir. Comme fréquemment avant d'aller en cours ton corps est lourd, douloureux, synonyme de cette angoisse qui monte. Le sommeil ? Ce n'est qu'un effleurement, une brise tant enviée que ne rencontre plus tes paupières depuis des mois maintenant. Doucement mais sûrement. Ce sera un jour sans et je sais, Esor, que cette journée n'en sera qu'une de plus qui s'amusera à envoyer valser contre les murs des émotions trop dures à exprimer. Tu es à bout de force. Tu ne veux pas, ne peux plus. C'est à cet instant qu'elle décide d'entrer en scène, elle et toute sa pédagogie digne des plus grands et haïssables dictateurs.

    « Esor, il est temps de te lever. Tu risques encore d'être en retard si tu tardes à sortir de ces fichus draps.

    De quelle joie ne s'agissait-il pas d'entendre cette voix mélodieuse et mielleuse à souhait dès la première heure de la journée. Tout se bouscule. Comment lui expliquer ? C'est un jour sans, je ne peux pas. Elle ne comprendrait pas, on le sait. Mais quoi faire ? Cette voix qui commence à monter dans les tours et ce corps qui se penche vers toi comme pour en venir aux mains. Tu es désarmée. J'ai le cœur serré. J'ai tenté de recueillir ta tristesse avant qu'elle ne déborde et t'emprisonne. Mes bras étaient ouverts, j'étais là, tout près. J'ai tendue ma main et frôlé ton âme, à deux doigts de te rattraper... mais ce point de non-retour est trop vite arrivé.

    ― Je veux pas y aller. Je peux pas. Laisse-moi juste une journée. Je suis fatiguée. Je...

    ―Pas un mot de plus Esor, ça commence à faire beaucoup. C'est moi qui suis fatiguée. Je porte à bout de bras toute la vie de cette famille depuis des années et voilà comment le bon dieu me remercie. Qu'est ce que j'ai fait pour avoir des enfants pareils ? Être fatiguée ou angoissée n'a jamais empêché personne de sortir de son lit. Alors remue-toi un peu et prépare-toi, je t'emmène dès que tu as terminé. Et je ne veux rien entendre.

    Tu es restée muette. Tu avais développé cette faculté de te couper du monde quand faire front devenait trop compliqué. Mais celle-ci n'était que superficielle. Ses mots blessants atteignaient ton cœur sans s'être essoufflés durant leur course pour, à l'arrivée, s'insinuer en toi et remuer tes tripes. C'était ainsi. C'était normal. Alors tu l'imprimais dans ton crâne d'enfant assujettie.

Jusqu'à l'implosion.

Tu ne saurais réellement retrouver ce moment précis où, en rentrant des cours, tu as laissé s'échapper toutes les larmes de ton corps suite à cette tornade d'incompréhension qui t'étouffait. Tu n'assistais plus aux cours, l'appréhension trop importante, elle ne cessait de croître. Il régnait en toi une immense fierté lorsque tu arrivais à supporter toute une journée, même si tu ne ferais pas acte de présence à la dernière heure. Et ça ne ratait pas. 

Cris. Déception profonde.

    « C'est pas croyable ça, pourquoi tu n'es pas capable d'aller en cours comme tout le monde ? Tu crois sincèrement que tu mérites une médaille pour t'y être rendue la journée entière et partir une heure avant la fin ? Et bien tu as toutes mes félicitations ? T'as-t-elle dit.

― ... »

    Rien ne sortait, si ce ne sont tes larmes. Que voulais-tu répondre face à ça ? Ces longues minutes à expliquer ton chagrin, te confier à elle alors que tu détestes ça depuis toujours et poser des mots sur ces plaies béantes, tous ces efforts réduits à néant. En un tour de mots et sans aucuns scrupules elle te désarmait. Jamais tu ne pouvais faire abstraction, ce lien vicieux entre vous était toujours là. Que peux-tu valoir si ceux qui t'ont mise au monde étaient aussi déçus de toi ? Jamais tu ne répondras à leurs attentes, ma tendre Esor, il fallait te résigner et finir par l'accepter. Inconcevable à cette époque, je le sais. 

Esor e(s)t moi 🥀Où les histoires vivent. Découvrez maintenant