Jour après jour tu te laisses porter par les mots, tu te sens inspirée à chaque instant et l'envie d'écrire ne te manque pas, jamais. Seulement, comme nous le savons toutes deux, la vie doit reprendre son cours, et ton purgatoire par ta plume a une fin. Tu te poses à la fenêtre et tu observes la vie, le mouvement constant, régulier, en contre-bas. D'observatrice tu veux passer actrice, avec l'envie de te mêler à ce monde que tu ne vois qu'en retrait, t'en sentant exclue. Tu te concentres pour ne pas te laisser envahir. Inspire, expire. La nature est si belle. Tu inspires encore, t'arrête un instant et ferme les yeux. Tu trouves la ville angoissante, à côté d'elle tu es minuscule et impuissante, penses-tu. Complètement impuissante face à un danger que tu ne pourrais anticiper et qui te sauterais au visage, comme ça, sans que tu n'y sois préparée. Ça y est, il est temps. Un premier pas dans le nouveau monde qui n'attendait plus que toi, depuis longtemps déjà. Tes pas sont timides, tu continues de marcher, te concentre sur chacun d'eux.
Au bout d'un moment apparaissent les premiers sourires, puis des bonjours appuyés que tu rends pour ne pas montrer la crainte qui naît au creux de ta gorge, au creux de ton ventre à chaque seconde qui passe. Déambulant parmi les gens tu savoures ce moment de gloire, cette excitation qui, tu le sais bien Esor, te forcera à rester dans ton antre plusieurs jours durant pour récupérer de cet effort surhumain que tu as accompli. Mais tu veux le tenter. Continuer. Tout était désert.
Cette nouvelle ville était pour toi une solution aux problèmes d'anxiété que tu rencontrais.
Agoraphobie.
Asociale.
Mais là n'était pas la solution. Dans cette campagne reculée tu t'es sentie encore plus égarée qu'en pleine ville. A l'époque, les passants te permettaient de te faire sentir vivante, ne pas te sentir seule et te dire qu'un jour tu parviendras à être comme eux. Nous serons comme eux car nos angoisses seront derrière nous et nous serons heureuses.
Petit pas.
Désert.
Tu continues à marcher, respire l'air frais qui empli tes poumons. C'est un vrai plaisir que tu goûtes là et pourtant les larmes veulent se frayer un chemin le long de tes joues. Insondable et confuse incompréhension.
Comment vivre autrement quand les règles ne servent à rien à part mentir aux enfants.(Ecorchée vive, Diam's)
Nous aussi Esor, on est écorchée vive. Mais on continue. Têtes hautes, un pas après l'autre. Le centre-ville n'est pas loin, tu déambules devant les gens, l'air de rien. Tout va bien. Sourires. Bonjours. Tout va bien. Les yeux rieurs, ce jour est clément. Un pincement au cœur mais rien de plus alors tu profites de cet instant de gloire qui se traduira par des sanglots étranglés ce soir, au fond de ton lit. La gare n'est qu'à quelques pas. Une boule au fond de la gorge tu ne craqueras pas. Un pied devant l'autre tu compostes ton billet et descends les escaliers. J'ai peur. Il fait sombre mais la lumière revient rapidement épouser chaque centimètre de ton visage. Regards lancés aux alentours. Tout va bien. Tu es sur le quai.
Je suis là.
Le train arrive, les gens sortent, et toi tu montes, un petite place qui n'attendait que toi, loin des autres, tu t'installes. Le paysage défile sous tes yeux, comme dans un film. Les champs, le calme, à l'opposé de ces bruits et ce mouvement qui hantent le train et auxquels tu n'es plus habituée. Plus loin dans le wagon, un petit garçon reçoit les cris de sa mère en plein cœur. De sa petite bouche ne sort aucun mots, dans l'incapacité de comprendre ce qui lui arrive et pourquoi ce déversement de paroles inintelligibles pour un petit être comme lui. La grosse voix lui fait peur et il n'aime pas quand maman fait les gros yeux. Tout est immense et démesuré. Le petit garçon ne comprend pas, il ne comprendra jamais et, quand il deviendra papa à son tour, réitérera ces mécanismes de violence qui lui ont fait tant de mal étant enfant. Les cris s'estompent et bientôt le décor devient tout autre. Un urbanisme poussé remplace les terrains agricoles et les arbres qui se balancent au vent. Gare Haussmann – Saint-Lazare. Le haut-parleur te fait sursauter, nous extirpant de nos pensées. Je l'ai fait. Le retour se fera dans le calme, l'angoisse disparue, cet exploit continuera à te préoccuper pendant plusieurs semaines.
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Esor e(s)t moi 🥀
Ficção Geral«Parfois j'ai besoin de me poser, être seule et me parler à moi-même, pour être sûre que je ne me file pas entre les doigts, que le temps n'emporte pas tout ce que je suis et tout ce que j'étais jusque-là, que les autres n'empiètent pas sur la propr...