Petites anecdotes de ton enfance, nombreuses, elles fleurissent dans notre esprit. Fleurissent, fleurissent. Et à cause d'elles je me fane. Immédiatement me vient à l'esprit la rencontre avec l'autre ;les regards, les paroles et cette méchanceté naïve qui commençait déjà. Cette cruauté même à faible dose ne peut être ingénue, c'est toi qui me l'a dit Esor, abstraction sera faite, pardonne-moi, pardonne-toi.
L'école
Esor est plongée au milieu d'un monde qu'elle ne comprend pas, des enfants dans chaque recoin, ils l'encerclent, l'oppressent. Ce n'est pas elle qui l'a décidé. Incompréhension et peur la submergent. Elle affronte la violence et les cris dans sa bulle protectrice, yeux grands ouverts, engloutissant et s'imprégnant de chaque faits et gestes qui ne sont pas les siens. Elle le doit, le veut. « Esor, soit comme les autres ». Tu dois, tu veux, tu peux. Alors fais-le. Entrée en école primaire. Bagarres devant ses yeux, métaphore des événements logés dans son crâne et dans son cœur. Elle veut pleurer, retourner à la maison, assise sur les pièces de puzzle géantes et colorées, près de maman. Seule sur un banc tu étais. Tu n'aimais pas les autres petites filles, groupes de vipères parsemés dans la cour de récréation. Spectatrice. Toi, sans rien demander, elles t'embêtaient. Jalouses, penses-tu aujourd'hui, ou seulement enfants. Pas si innocents. A défaut des autres gamins, les arbres t'ont tenu compagnie. Près d'eux tu rêvassais, songeant à l'odeur du goudron sali à coup de chaussures terreuses et à la chaleur qu'il dégageait, devenant insoutenable dès la fin du mois de mai.
Rapidement tu as eu la chance de rencontrer une vraie amie, une avec qui tu pourrais t'entendre, ainsi seraient laissées de côté ces fillettes fidèles à elles-mêmes et dont tu ne voulais plus t'approcher. Il ne manquerait plus qu'elles s'en prennent à toi comme elles s'amusent à le faire avec les autres. Et tu ne savais pas si bien dire, mon Esor. Ce qu'ils appellent les troubles anxieux de nos jours étaient apparus bien avant, dès l'école maternelle, mais cette rentrée en classe élémentaire avait été la plus bouleversante. Les souvenirs me reviennent comme ils te reviennent aussi, des soubresauts qui se pensent plus malins que quiconque. Un matin ordinaire, une boule dans la gorge et ce souhait de ne pas franchir le portail de l'école, tu le faisais à contre-cœur et te mettais soudainement à pleurer à chaudes larmes, secouées de sanglots bruyants.
Tu n'avais que sept ans et déjà ces matins étaient un véritable calvaire. Est-ce qu'aujourd'hui petite Esor sera prise à la gorge par ce vive abandon ? Là étaient toute l'intrigue et les préoccupations de ta vie de petite écolière à cette époque.
C'est ainsi que sont passées ces deux premières années, puis tu as fini par déménager. Une telle nouvelle a tout retourné et mis en alerte ton petit corps frêle. Tu avais cette copine que tu aimais tant et avec qui tu rigolais beaucoup, laissant de côté tes inquiétudes d'être loin de chez toi pendant un temps. Il fallait se résoudre à laisser derrière toi ces premières marques que tu avais prises dans le monde des grands. Première rentrée dans la grande cour, premières disputes, première vraie amie, premières vraies émotions que tu ne saisissais pas. Le début d'une vie mouvementée en perspective.
Cette agitation que tu ne contrôlais pas se voulait désarmante. Alors à de multiples reprises tu as pris dans tes mains les fameux petits cailloux gris, lisses et poétiques. Tu sais, ceux de l'école qui ne ressemblaient à aucun autre et que tu t'es efforcée de retrouver dans le jardin de la maison. Drôles de petits bouts de roche détachés. Factices, peut-être. Comme toutes ces apparences trompeuses qu'ils s'entêtent à afficher. Ainsi t'occupais-tu l'esprit et tu appréciais cela. Exemple concret qui illustre ta vie jusqu'alors. Toi, Esor, petite fille qui se sentait plus en sécurité au sein de forêts sombres et silencieuses qu'au sein d'un groupe d'enfants de ton âge. Tes questionnements et tes introspections ont si tôt commencé, se mettant à exister à une époque où seules l'innocence et la naïveté auraient dû être de mise. Le temps passait et chaque jour était une nouvelle épreuve. Comment une petite fille de sept ans peut-elle subir cette vie au point d'en pleurer chaque jour ? Quel crève-cœur, ma douce Esor, quel crève-cœur.
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Esor e(s)t moi 🥀
Ficción General«Parfois j'ai besoin de me poser, être seule et me parler à moi-même, pour être sûre que je ne me file pas entre les doigts, que le temps n'emporte pas tout ce que je suis et tout ce que j'étais jusque-là, que les autres n'empiètent pas sur la propr...