Partie 13

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Comme souvent ces derniers temps, le père d'Emily rentrait du travail énervé  et malheureusement, il déversait  ses émotions sur sa fille à chaque fois qu'il considérait qu'elle n'avait pas assez bien fait les choses comme nettoyer la table, passer l'aspirateur ou d'autres tâches ménagères. Ce jour-là, sa mère était rentrée alors qu'il était en train de la disputer sévèrement. La jeune fille avait essayé de chercher du réconfort, du soutien, de l'aide, seulement à sa grande surprise, la dame était arrivée en piteux état, complètement bourrée. Son géniteur était choqué lui aussi, il avait essayé de lui parler pour comprendre ce qu'il se passait, elle n'avait jamais rien dit alors, il avait fini par croire qu'encore une fois tout était de la faute de son enfant : sans Emily, ils auraient eu une meilleure vie, ils auraient pu voyager, faire des choses de couples, mais leur relation se détériorait. Ça l'avait rendu encore plus en colère, au point que parfois, des verres volaient en éclats dans la maison.

Emily revoit ces images en boucle dans ses cauchemars. Ce matin, elle s'est réveillée en nage, revivant ses situations. Dormir est devenu un supplice pour elle, encore plus qu'avant. Son cerveau tourne en boucle, ses pensées fusent pendant des heures. Elle angoisse et elle ne peut rien dire à personne. Elle se lève dans une extrême lenteur, peu décidée à aller en cours et se prépare un chocolat chaud comme à son habitude. Cependant, cette fois, elle ne fait pas attention et le fait chauffer un peu plus longtemps, quand elle prend la tasse avec la forte chaleur qu'il dégage, dans un réflexe naturel, elle la lâche et l'objet s'écrase au sol en plusieurs morceaux. Elle a peur, Anaïs et Thomas dorment et à cause de ses bêtises, elle va sûrement les réveiller. Elle pleure en silence, cherchant quelque chose pour nettoyer puis la blonde tombe nez à nez avec Thomas, effrayée, elle recule.

— Je suis désolée, je ne voulais pas, ça n'arrivera plus, dit-elle en sanglotant plus fort.

L'adulte ne comprend pas la situation, pour lui, c'est juste de la vaisselle cassée, par de quoi en faire tout un plat. Il regarde Emily, ses cernes sont très prononcés. Il s'en veut de ne pas l'avoir remarqué plutôt. Il se rend compte à quel point sa femme avait raison, cette gamine est si vulnérable face à ce monde.

— Ce n'est rien, je vais nettoyer. Va te recoucher, tu n'iras pas en cours ce matin. Répond-il d'un air bienveillant.

— Mais non, c'est à moi de le faire ! C'est moi qui l'ai cassée !

— Emily, viens-là. 

La jeune adolescente s'approche doucement et se met en face de lui. Il bouge, elle se crispe, ferme les yeux de peur de recevoir un coup, mais à la place, des bras viennent l'entourer.

— Tout va bien ma puce, ça arrive à tout le monde. Si tu savais combien de fois, j'ai brisé des objets sans le faire exprès, tu serais étonnée ! Allez file te recoucher, tu as l'air exténué, déclare-t-il en l'embrassant sur le front.

— Merci...murmure-t-elle avant de s'enfuir dans sa chambre.

Le brun finit par nettoyer les petits dégâts avant d'aller retourner se coucher, il en reparlera à sa femme ce soir après le travail. Ils doivent trouver une solution pour la santé mentale de leur fille.
Emily se réveille en plein milieu de l'après-midi, évidemment la maison est vide. Anaïs est partie dans la matinée et Thomas aux alentours de midi. Il est quatorze heures, et elle n'a pas envie de se préparer un déjeuner alors, elle se prépare son petit-déjeuner en faisant attention cette fois à ne pas trop chauffer sa boisson aux micro-ondes. Sur son téléphone, elle remarque qu'Emma et Mathis lui ont envoyé un message, étonnés de ne pas l'avoir vue au collège ce matin, ils s'inquiétaient. Elle leur répond donc qu'elle ne se sentait pas très bien, l'un dit qu'il espère qu'elle se remettra rapidement, car sa voisine de classe lui manque et l'autre lui propose de se voir durant l'après-midi étant donné qu'on est mercredi. Son ami n'habite pas très loin et la blonde n'a pas forcément envie d'être seule, elle accepte.

Mathis arrive une demi-heure plus tard, il fait la bise à Emily vêtue d'un pull marron et d'un pantalon large noir tandis que lui porte un jean droit bleu et un pull Nike marine. Il sourit, elle aussi. Depuis la rentrée, elle s'est beaucoup rapprochée de ses deux élèves. Le garçon raconte beaucoup de blagues et elle rit beaucoup.

— Bon, tu vas mieux, Lily ? demande-t-il en lui caressant les cheveux.

— Ehh, je t'ai déjà dit d'arrêter de me toucher les cheveux, tu me décoiffes ! balance-t-elle en faisant semblant d'être offusquée.

— Roh, vous n'êtes pas drôle les filles ! le charrie-t-il.

— Tu vas voir ce que ça fait ! déclare-t-elle en lui fonçant dessus. À la guerre comme à la guerre !

Elle commence à lui courir après, Mathis s'arrête peu après faisant semblant d'être essoufflé et Emily en profite pour lui caresser la tête faisant exprès de bien insister pour que ses cheveux mi-longs finissent par ne plus ressembler à rien.

— Voilà, comme ça, tu es tout beau ! affirme Emily fière d'elle.

Ils décident de sortir pour aller au parc, sur le chemin, ils discutent de tout et de rien, s'apercevant ensuite qu'une camionnette verte les suit depuis quelques minutes. Emily commence à s'inquiéter, la couleur lui semble familière, seulement elle ne se rappelle plus d'où. Elle chuchote alors quelques mots à son ami, qui décide ensuite de passer par un chemin utilisable seulement à pied avant de courir se mettre à l'abri à l'intérieur de la maison de ses parents.

— C'était super bizarre, ce qui vient de se passer, souffle-t-elle.

— Ouais, c'est la première fois que je vois ça ici, je savais qu'il y avait des fous partout, mais pas dans notre ville !

La collégienne rejoue la scène plusieurs fois dans sa tête, elle a l'impression de manquer une information importante, mais elle essaie de ne pas y penser pour profiter de son ami. Ils reprennent leurs esprits puis s'installent à table pour boire de l'eau. C'est la première fois qu'Emily vient ici, le salon est joli avec ce canapé gris, la table basse et le meuble TV bois et blanc, les grandes baies vitrées qui ajoutent beaucoup de lumière. Elle fait la remarque et le garçon sourit et promet de passer le message. Elle reste avec lui à faire ses devoirs, regarder des vidéos sur YouTube puis Anaïs vient la chercher aux alentours de dix-huit heures. Ensembles, elles préparent le dîner, des nouilles chinoises aux légumes et une mousse au chocolat pour faire plaisir à Thomas qui s'est montré particulièrement gentil à ses yeux, elle veut le remercier.
Lorsqu'il rentre, l'adolescente lui fonce dessus pour lui faire un câlin avant de le prendre par la main pour l'emmener à table. Il est surpris mais heureux de la voir ainsi. Il la remercie en l'embrassant sur le front, mais soudain, il s'arrête de parler et un air sérieux s'affiche sur son visage.

— Désolé de gâcher l'ambiance, mais je voulais t'informer de quelque chose d'important Emily. Aujourd'hui, on a eu un appel de la famille Morin à Bassussarry, la ville d'à côté, il y a eu un féminicide. Un homme qui a tué sa femme, on n'a rien pu faire pour la sauver. Le problème, c'est qu'on n'a pas pu retrouver l'homme, il roule dans une camionnette verte, si tu la vois prévient moi. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quoi que ce soit, déclare-t-il d'un air grave.

À l'entente de ce nom et de cette camionnette verte, la blonde pâlit. Elle vient de se rappeler d'où venait cette familiarité avec ce véhicule puisqu'il s'agit de celui de son père. Et celui-ci a tué sa mère.

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant