Partie 6

89 21 49
                                    

Après cette courte conversation avec Giulia, Emily n'a fait que ressasser ses propos avant d'aller dormir. Elle se fait des films certainement, Aileen ne pouvait pas la voir plus qu'une simple amie. Et puis dans tous les cas les deux filles ne se connaissent que depuis moins d'une semaine, certes elles s'entendent bien, mais Aileen doit rentrer chez-elle et qui sait si elles se verront après ? 

Et puis bon, parler d'avenir, de chez-soi quand elle n'a absolument aucune idée d'où est-ce qu'elle sera, avec qui, ça lui fait un peu peur à Emily. Ses futurs parents, seront-ils gentils ? Anaïs la coupe dans son questionnement interne en entrant dans sa chambre un sourire aux lèvres. Sa colocataire de chambre est à la douche, la musique à fond, elle ne peut donc rien entendre de cette conversation.

— Bonjour Emily, comment te sens-tu ? salue Anaïs avec un sourire.

— Je vais bien merci, et toi ? répond-elle en lui rendant son sourire. Je t'avoue que je suis un peu inquiète, car tu m'as dit que je devais partir en fin de semaine, mais elle approche à grands pas et je ne sais absolument pas à quoi va ressembler mon avenir. J'ai peur que tout ne se passe pas bien, j'ai peur de tomber sur une famille qui ne m'aime pas, qui me maltraite, qui me...

— Qui te maltraite ? la coupe Anaïs immédiatement surprise. Ton ancienne famille te maltraitait avant de mourir dans cet accident ?

— Je, euh... Ce n'était pas grand-chose, je n'aurai pas dû utiliser ce terme si violent, pardon. Je ne voulais pas t'inquiéter. C'est juste que j'ai souvent été seule quand j'étais plus jeune, que je devais me gérer telle une adulte et que même à l'école, les gens ne me parlaient que très peu ou m'évitaient sans que je ne sache réellement pourquoi. J'avais l'impression que tout le monde me détestait, que je les dégoûtais sans raison particulière et je n'ai jamais compris pourquoi mes parents ne s'occupaient pas de moi comme les autres pouvaient le faire avec leurs enfants.

— Tu sais Emily, toute ta vie ne sera pas dictée par le chemin dans lequel tu as commencé, commence l'infirmière d'une voix douce. Peut-être qu'hier, tu as été détesté, mais que demain, tu seras aimé comme tu aurais toujours voulu l'être. Certains parents n'ont pas conscience de la responsabilité d'avoir des enfants, certains n'en veulent pas, mais ne prennent pas les précautions pour éviter d'en avoir, parfois un accident arrive et malheureusement la vie fait pondre cet être dans le ventre sans que personne n'ait rien demandé. Puis d'autres, ont pour seul désir de voir la vie grandir en eux, d'observer avec attention les premières échographies, d'écouter le cœur de son bébé battre puis les petits coups qu'il peut faire. Et pourtant, malgré toutes ses envies, l'enfant ne vient pas ou ne reste pas.

Anaïs marque une légère pause pour reprendre son souffle et éviter que les tremblements de son corps ne se remarquent trop.

— La vie est injuste, certes, mais parfois, elle nous met sur notre chemin des personnes qui vont changer nos vies, des personnes qui vont nous donner cette envie de continuer, d'avancer. Cette envie qui parfois semble avoir disparu de notre être tellement on y croit plus et puis finalement renaît de ses cendres comme ça, par surprise, déclare-elle les yeux brillants d'émotion. Je ne peux pas te promettre grand-chose, mais je peux seulement te dire que tu ne seras, plus jamais, seule. Tu as trouvé une famille qui veut de toi plus que n'importe qui au monde, une personne qui dès qu'elle a aperçu ton regard s'est senti de nouveau respirer et qui ferait tout pour que ton passé reste ton passé. Pour qui sa seule volonté sera de voir ce rare sourire sincère s'installer de plus en plus. Comme s'il avait toujours été là, comme si tu avais toujours été heureuse Emily, termine l'infirmière sérieusement.

— Je... C'est vraiment adorable ce que tu dis Anaïs, je vois bien que tu essayes de me remonter le moral depuis que je suis ici alors que je ne suis qu'une fille parmi les autres que tu verras arriver puis repartir. Ne t'attache pas à moi, j'ai appris combien cela pouvait faire mal de ne plus voir ou de perdre les êtres les plus chers de notre vie, répond-elle en fixant un endroit de sa chambre. Et puis, malheureusement, tu ne peux pas connaître mon futur. Tu es optimiste et je ne peux pas te le reprocher puisque c'est une part de toi que j'apprécie beaucoup, mais on ne sait pas de quoi sera fait demain, on ne sait pas si ma future mère sera blonde, brune, rousse ou même si elle aura les cheveux rouges. On ne sait pas si elle sera une mère aimante, bienveillante ou même si elle s'occupera de mes petits problèmes d'adolescentes. Je ne sais rien d'elle, je ne sais rien de son mari ou de sa femme, je ne sais pas si j'aurai des frères ou des sœurs, s'ils seront plus vieux que moi au point ou s'ils vivront dans leur propre maison ou appartement, je ne sais pas s'ils apprécieront mon caractère, qu'on sympathisera au point où ils me présenteront leurs amis pour que je ne sois pas seule. Je ne sais rien du monde de demain et j'ai peur. J'ai peur qu'on ne m'aime pas, qu'on me rejette comme on l'a déjà fait dans le passé.

Emily dirige son regard vers l'infirmière, afin d'accentuer ses propos.

— Toi et Aileen, vous me redonnez un peu goût à la vie parce que j'apprends qu'avec des détails, des attentions, des bons moments, des mots, le bonheur revient par parcelle. Depuis que j'ai connu ça, je ne veux rien d'autre de plus. La seule chose que j'aimerai, c'est pouvoir être avec toi et voir Aileen de temps en temps, retournez au collège comme une adolescente normale même si ça me fait peur. J'ai envie de tout réessayer pour mieux réussir, mais la peur de l'échec me torture l'esprit. Malgré tout ça, je voulais quand même te remercier pour toutes les fois où tu m'as réconfortée, où tu es restée à mes côtés même si cela pouvait durer des heures. Je ne t'oublierai jamais, dit la blonde tandis que ses yeux s'humidifient.

— Tu es si gentille Emily, affirme l'adulte touché par ses mots. Je comprends ton point de vue ma puce. Mais tout ça pour dire que tu n'as pas à avoir peur. Tu ne peux pas changer ton passé certes, tu ne pourras jamais effacer les traumas qui ont marqué ton enfance et ton début d'adolescence, mais tu peux choisir et tu peux être la personne que tu veux. Peu importe combien de temps cela prendra, une personne qui t'aime vraiment n'aura pas peur de devoir attendre puisqu'elle sait qu'à la fin, le résultat sera le bon. Tu sauras qui tu veux être et ta vie te conviendra.

Elle s'arrête quelques instants afin de reprendre une grande bouffée d'air, prête à lui annoncer cette fameuse nouvelle.

— Pour ce qui est de ta future famille, je ne sais pas si elle sera la meilleure, si elle te conviendra, si elle te rendra suffisamment heureuse, si elle sera celle que tu voudras. La seule chose que je sais, c'est qu'elle fera de son mieux pour que tu t'y sentes bien, à ta place. Et ne t'en fais pas, je ne t'oublierai pas non plus Emily puisque ce week-end, tu rentreras avec moi et tu rencontreras mon mari. On a fait la demande pour être ta famille d'accueil et elle a été acceptée !

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant