Partie 37

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Depuis que l'année scolaire s'est terminée, Emily a plus de temps pour faire les choses qu'elle aime : lire, écrire, se promener et passer du temps avec Aileen et ses autres amis. Cependant, ce temps libre laisse aussi place à la réflexion et à l'angoisse. Les pensées tourbillonnent dans son esprit, l'empêchant alors de trouver le sommeil. Chaque fois qu'elle essaie de se détendre, le journal intime de sa mère refait surface dans ses pensées, la tirant entre la curiosité et la culpabilité.

Emily se souvient des longues a longuement discussion avec Aileen, qui a toujours su l'aider à prendre du recul et à considérer d'autres perspectives. Aileen, avec sa douceur et son sens pratique, lui a suggérer de considérer la lecture du journal comme une manière de se rapprocher de sa mère, de comprendre les épreuves qu'elle a traversées. Malgré cela, Emily reste déchirée entre le désir de connaître les pensées profondes de sa mère et le respect de son intimité.

Ce mardi matin, la maison est calme. Les sons familiers du quotidien - le bourdonnement de la cafetière, le cliquetis des couverts - se sont tus avec le départ d'Anaïs et Thomas pour le travail. Emily est seule, seule avec ses pensées et ce journal qui l'appelle. Le silence de la maison n'est interrompu que par le chant lointain des oiseaux, le murmure du vent à travers les arbres et le miaulement de Neige qui réclame l'attention de la jeune fille.

Emily prend une profonde inspiration, tentant de calmer le battement frénétique de son cœur. Ses mains tremblent légèrement lorsqu'elle le sort de sa table de nuit. Le cuir vieilli est doux sous ses doits, et elle caresse un moment la couverture de dénouer le ruban rose. Une odeur de papier ancien, mêlée à un léger parfum floral, émane des pages jaunies. C'est une odeur familière et réconfortante qui lui rappelle sa mère, mais aussi une époque révolue.

En voulant mettre le journal droit pour faciliter sa lecture, une enveloppe contenant des feuilles s'échappe et tombe sous le regard vif d'Emily. Elle saisit l'enveloppe et tire une feuille délicatement, craignant de l'abîmer. Une odeur vanillée traverse les narines de l'adolescente. Avant même de déplier le papier, Emily, ressent une vague de tristesse l'envahir, sans vraiment comprendre pourquoi. C'est pourquoi le simple fait de toucher ces lettres faisait remonter à la surface des émotions enfouies depuis longtemps, des souvenirs de sa mère.


Le 26 décembre 2010

Mon cher et tendre Marc,

Cela fait à peine quelques jours que je ne t'ai pas vu que tu me manques déjà terriblement. Les journées sans toi semblent s'étirer à l'infini, chaque instant sans ton précieux sourire est une éternité. Ta présence transforme chaque moment en un souvenir précieux que je chéris de tout mon cœur.

Cette balade au parc avec toi avait un air de bonheur que je n'avais jamais ressenti auparavant. C'est comme si la naturelle elle-même célébrait notre amour. Te rappelles-tu de ces dizaines d'oiseaux qui se sont envolés en même temps ? On aurait dit qu'ils formaient une chorégraphie dans le ciel, leurs ailes battant en harmonie parfaite. C'était magnifique, presque magique ! Et ces petits canetons que nous avons croisés au bord du lac ? Ils étaient adorables, si petits et vulnérables. Je n'en avais jamais vu d'aussi près auparavant. Leur vue a éveillé en moi un désir profond, une envie de créer une vie avec toi.

Je sais qu'il est tôt et que tu m'as répété maintes fois que tu ne souhaitais pas t'encombrer d'un enfant pour le moment, mais je ne cesse d'y penser. À vrai dire, à chaque fois que je plonge dans tes yeux, cela me rappelle à quel point je t'aime, à quel point je veux vivre et grandir avec toi. Imaginer un petit être avec tes yeux et son sourire me remplit de joie et d'espoir.

Merci encore pour les roses et le gâteau. Les fleurs embaument le salon de leur parfum enivrant, un doux rappel de ton amour. Le gâteau, lui, était un délice, chaque bouchée une explosion de saveurs. Tu sais toujours me faire sentir spéciale et aimée. J'ai hâte de te revoir, de sentir la chaleur de tes bras autour de moi, de partager de nouveaux moments inoubliables avec toi.

Tu me manques si fort. Chaque jour sans toi est un jour de trop. Reviens vite à moi, mon amour.

Tendrement,

Ta Laura.


Emily est choquée de cette découverte, ses pensées tourbillonnent dans sa tête. Pour être sûre qu'elle ne rêve pas, elle en prend une autre au hasard. La lettre est datée du 12 février 2011 et signée par la même personne. Le tas doit probablement contenir une vingtaine de lettres. Elle les regarde perplexe, ne comprenant pas ce qu'elles viennent faire là.

Qui est cette autre femme ? Emily se souvient que, lorsqu'elle avait un peu plus de trois ans, son père était encore avec sa mère. Trompait-il sa mère tout ce temps ? La simple idée lui donne la nausée. Cela voudrait dire qu'il était mauvais, comme un fruit pourri depuis bien plus longtemps qu'elle le pensait.

Emily sent une vague de colère et de tristesse monter en elle. Son père, cet homme qui avait déjà causé tant de douleur, avait-il vraiment trahi sa mère de cette manière ? Comment sa mère l'avait-elle découvert ? Comment avait-elle pu réagir et vivre avec un tel poids sur ses épaules ?

Elle secoue la tête, tentant de chasser ces pensées. Pourtant, les questions restent, s'enroulant autour de son esprit comme des serpents. Pourquoi ces lettres étaient-elles cachées ici ? Pourquoi sa mère les avait-elle gardées ?

Impulsivement, elle ouvre rapidement le journal intime de sa mère et cherche la même date ou quelques jours après. Elle lit quelques pages, mais ne trouve rien. Elle ne veut pas abandonner tout de suite, ses mains moites lui rappellent à quel point elle a besoin de réponses. Et maintenant. Les pages filent et défilent et c'est au 18 septembre 2012 qu'elle tombe enfin sur le mot « tromperie ».


Marc est un menteur, un manipulateur, un moins-que-rien. Il y a quelques jours, en faisant le ménage, je suis tombée sur un tas de lettres dans un recoin abandonné de la maison. Etonnée, je les ai mises de côté, me disant que ça ne me regardait pas, puis j'ai poursuivi mon ménage. Cependant, j'ai été prise d'un violent mal de crâne, d'une nausée qui ne voulait pas s'enfuir. Mon instinct me disait que quelque chose clochait. Et mon instinct ne se trompe jamais.

Quand j'ai ouvert les lettres, chaque mot était comme un poignard dans mon cœur, mes yeux brûlaient de larmes. Marc m'a vu ainsi et s'est approché de moi, un masque de surprise feinte sur son visage. Je me suis mise à crier, à hurler que je ne voulais plus de lui, que c'était un menteur, un traître. Il a attrapé mon bras, ses doigts comme des serres d'acier, et pour la première fois de ma vie, j'ai eu peur en voyant son regard sombre.

Il m'a craché comme du venin que j'étais folle, que je n'avais aucune preuve, qu'Emily était notre fille, la chair de notre cher, le fruit de notre amour. Il a ajouté qu'il avait honte de moi, qu'il savait que je ne lui faisais pas confiance, que je le mettais sans cesse à l'épreuve et que ces lettres étaient un piège pour savoir jusqu'où je pourrais aller. Il est ensuite parti en claquant la porte, laissant derrière lui une atmosphère chargée de colère et de mépris. Mais dans son élan, il avait oublié son téléphone.

Dix minutes après, le téléphone a sonné. J'ai répondu, une voix féminine, surprise. Laura. J'ai expliqué, elle n'a pas compris. Marc lui avait dit qu'il allait démissionner, qu'il allait déménagé pour la retrouver. Elle a pleuré, dévastée d'apprendre la double-vie de mon mari. J'ai supprimé l'appel de son téléphone et je suis partie me coucher, seule avec la douleur qui me rongeait. Une semaine plus tard, elle lui a envoyé un message, lui disant que tout était fini entre eux. Ce soir-là, c'est la première fois que Marc a levé sa main sur moi. 

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant