Partie 35

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Après de nombreux mois à réfléchir sur le fond et la forme, Emily se sent prête à être honnête avec Anaïs et Thomas. Elle sait que ce sera un compliqué, angoissant, mais elle a conscience que c'est nécessaire, que ce qu'ils méritent, c'est la vérité.

Elle inspire un bon coup et les rejoint en se triturant les mains dans le salon le dimanche, afin qu'ils soient dans une situation de détente, prête à l'écouter. Emily se plante devant eux, les deux adultes arrêtent leur conversation et regardent attentivement la jeune adolescente.

— Tu as quelque chose à nous dire ma chérie ? demande Anaïs sur un ton calme.

— J'ai besoin de vous parler. C'est important, répond-elle d'une voix un peu dure.

— Nous t'écoutons toujours tu sais. Tu peux tout nous dire, ajoute Thomas qui se veut bienveillant.

— Je sais, s'adoucit Emily, mais je ne sais pas comment m'y prendre, comment vous allez réagir. J'ai peur que vous le preniez mal.

— Peut importe ce que tu as à nous dire, on te fait confiance. Tu ne nous décevras pas.

— Merci beaucoup Thomas, ça compte beaucoup pour moi.

Elle prend un pouf et s'installe devant eux. Emily se gratte la tête, nerveuse, et commence son discours.

— Anaïs m'a rencontré à l'hôpital de Bayonne le 09 octobre 2021. Elle ne savait rien de moi, j'étais juste une adolescente qui trop épuisée par la vie avait fini par s'évanouir dans la rue. Ce que vous ne savez pas, c'est que la veille, j'avais décidé de quitter ma maison, mes parents et tout ce que j'avais pu connaître au cours de mes treize années de vie. C'était éprouvant, la vie, les disputes, les cris, les coups. Je n'y arrivais pas, je n'y arrivais plus. J'avais envie de partir, de rejoindre la mer, l'océan et apaiser ma peine au rythme des vagues. Mais tout a échoué, comme tout ce que j'ai pu faire autrefois dans ma vie. Je suis tombée et en une fraction de seconde, le peu de désir que je pouvais encore ressentir semblait doucement s'être brisé. Je n'ai pas réfléchi, tout s'est enchaîné trop vite après. Des infirmières, des questions, mon identité, mes parents, venir. C'était trop. Je voulais oublier, espérer avoir une meilleure vie et le plus simple qui m'est venu à l'esprit c'était de dire que mes parents étaient morts, que j'étais orpheline, que le potentiel dossier de l'assistante social s'était perdu et par je ne sais quel miracle, ils m'ont cru. Anaïs, pardonne-moi tout d'abord de t'avoir menti sur ma situation. Vivre avec vous n'aurait jamais pu être possible si je n'avais pas caché cet aspect de ma vie et à ce jour, ça a été la plus belle chose que la vie aurait pu m'offrir. Je voulais vivre, exister et me sentir exister, tout ça a pu être possible grâce à vous. Vous avez été si merveilleux avec moi.

Anaïs, touchée par ses mots veut prononcer quelques mots, mais d'un geste Thomas l'arrête, il ne veut pas qu'Emily change son discours ou l'adapte en fonction de leurs réactions. Il souhaiterait qu'elle soit honnête du début à la fin.

— J'ai essayé d'aller mieux, que ce soit à l'hôpital ou à la maison. C'était difficile, les flash-back, les cauchemars revenaient toujours à mon esprit. J'avais l'impression de devenir folle, de devenir une personne que je détestais de plus en plus. Et ça ne s'est malheureusement pas amélioré. En essayant de nier la réalité, elle est revenue de plein fouet. Comme aucune démarche n'a été faite auprès de mes parents biologiques pour me retrouver, je m'étais dit que j'allais enfin avoir la paix. Thomas, je suis désolée de t'avoir menti, dit-elle en baissant les yeux, mais lorsque tu m'as parlé du féminicide, de cette camionnette verte, je me suis souvenue. J'aurai pu éviter cet enlèvement, mais par ma bêtise et mes mensonges, je n'ai rien osé avouer. Je l'avais croisé en allant me promener avec Mathis. On marchait tranquillement dans la ville lorsqu'on a remarqué que cette camionnette nous suivait. J'ai un peu paniqué, je ne savais pas quoi faire. J'avais l'impression de la connaître, mais en même temps je ne savais pas d'où. On a couru jusque chez lui pour lui échapper et on ne l'a pas revu. Jusqu'au soir où elle s'est arrêtée en face de moi, à la sortie du collège.

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant