Partie 32

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Après plusieurs semaines à travailler seule chez elle et ce week-end de folie, Emily a peu à peu regagné confiance en elle et en les personnes qui l'entourent. Elle se sent prête à retourner au collège, à revoir tous ces gens qu'elle n'a pas croisés depuis une éternité. Une légère appréhension subsiste, bien sûr, mais l'idée de reprendre une vie normale la motive profondément.

Le premier lundi du mois de février, Emily se lève tôt, l'estomac noué par l'excitation mêlée à une pointe d'anxiété. À vrai dire, elle n'a quasiment pas dormi de la nuit, son cerveau trop agité n'a pas voulu la laisser se reposer. Elle passe rapidement dans la cuisine pour prendre une compote à boire et quelques gâteaux pour la matinée, elle sait qu'elle ne peut pas manger tout de suite. De retour dans sa chambre, elle n'a pas envie de se prendre trop la tête pour choisir ses vêtements. Au vu du vent qui souffle dans les arbres, un pantalon et un gros pull feront l'affaire. En prenant son sac à dos, elle glisse et son doudou ainsi qu'une photo de Neige dans une petite pochette pour se donner du courage et avoir une source de réconfort tout au long de sa journée. Thomas l'appelle, il est temps de partir. Elle prend une grande inspiration puis descend les escaliers.

Durant le trajet en voiture, Thomas ne parle pas. Il voit bien que l'adolescente est tourmentée. Emily, la tête contre la fenêtre réfléchit, ressassant sans cesse le cauchemar de ses années précédentes au collège. Elle a peur que les gens la méprisent, la pointe du doigt où la considère comme faible ou dépressive. Les absences longues, surtout à cet âge-là, ça fait parler. Peut-être même qu'au contraire tout le monde l'a oublié... Une larme s'échappe de son œil droit et Emily ne fait rien pour l'arrêter. Elle redoute profondément l'instant où elle quittera l'habitacle et se retrouvera alors seule. Comme elle l'était profondément quelques mois plutôt. Aileen n'est pas à ses côtés pour lui murmurer des mots doux et la rassurer, car en plus de ces craintes qui traversent son esprit, Emily se sent comme extérieure à son corps, comme si l'empreinte de la main de Mathéo y était toujours posée.

Lorsque le véhicule s'arrête, Emily retourne à la réalité.

— Bonne journée ma puce et bon courage. Si tu as besoin de quoi que ce soit ou que tu veux rentrer, n'hésite pas à m'appeler, lui sourit Thomas.

— Merci beaucoup. Je vais essayer de faire de mon mieux, répond Emily peu motivée.

— N'oublie pas que je t'aime. Tu es la plus forte !

Elle lui lance un faible sourire avant de claquer la portière. Ça y est, le portail vert sapin et le grand bâtiment lui rappelle qu'elle est bien devant le Collège Saint Armand de Bayonne. Des dizaines d'élèves la dépassent pour entrer dans le bâtiment et la jeune adolescente à l'impression qu'ils se tournent tous vers elle pour la dévisager, comme si elle n'avait rien à y faire. Elle baisse alors la tête et traîne vers sa salle de classe pour son cours d'anglais. Dans les couloirs, quelques murmures se font entendre et un cri de joie attire son attention. Emma, Maël, Mathys et Camille foncent vers elle, l'encerclant pour lui faire un câlin.

— Ouah, tu dates, j'ai cru qu'on n'allait jamais te revoir, murmure Maël.

— Ça me fait trop plaisir de te revoir ! sautille Camille en tapant dans ses mains de joie. Désolé de pas avoir été présent pour toi. On savait pas trop comment faire, comment aborder le sujet. Je me voyais mal t'envoyer un message du genre, eh salut, comment ça va depuis ton enlèvement ?

— Je. C'est pas grave. C'est de l'histoire ancienne. On ne va pas reposer le sujet sur la table... réplique doucement Emily. Je pense qu'on a plein de choses à se dire en dehors de tout ça !

— C'est vrai, tu as raison ! On se fera une après-midi shopping avec Louise qu'est-ce que tu en penses ? propose Emma.

— Avec plaisir !

La sonnerie retentit soudainement et la professeure ne tarde pas à faire son apparition. Durant cette matinée, assez charger pour la blonde, rien de particulier ne trouble la routine d'Emily si ce n'est le peu de contact qu'elle a avec Mathis qui se veut légèrement distant. Elle discute avec Emma, toujours aussi gentille que durant sa première journée de cours. Ça l'apaise et lui permet de retrouver le sourire.

À la pause du midi, Emma et Camille s'éclipsent rapidement aux toilettes, tandis que Maël rejoint d'autres amis, laissant seul Mathis et Emily.

— Je suis désolée pour la dernière fois avec Andréa. Je sais que ça fait un moment, mais je tenais tout de même à m'excuser. Elle a été pire que maladroite et je n'aurai pas imaginé qu'elle puisse te parler aussi aisément de sujets aussi difficiles. Je me sens bête aujourd'hui parce que je vois bien que ça a impacté notre relation, et même si j'ai décidé que je ne voulais plus qu'elle fasse partie de ma vie désormais bah, je suis désolée qu'elle t'ait blessée. Tu méritais pas ça, se désole le châtain.

— Je ne t'en veux pas tu sais. Ça m'a énervé, blessé qu'une inconnue se veuille aussi intime avec moi, mais je ne me suis jamais dit que c'était de ta faute, précise la blonde.

— C'est vrai ? Tu veux bien qu'on redevienne ami ? questionne-t-il surpris ?

— Avec plaisir, sourit Emily, tandis qu'il l'étreint, heureux.

Quelques secondes plus tard, Emma et Camille reviennent souriantes, fières que ça se soit arrangée entre leurs deux amis. Ils se dirigent tous ensuite vers le réfectoire pour manger. Les discussions fusent rapidement autour d'un plat de purée et de poulet d'une qualité à remettre en question, Emily a tellement de choses à savoir. Soudainement, un groupe s'approche timidement de leurs tables, Emily fronce les sourcils, persuadée qu'ils viennent pour se moquer d'elle. Elle a envie de fuir.

— Excuse-moi de te déranger, tu t'appelles bien Emily ? bredouille une des filles.

— Euh oui pourquoi ? balbutie la blonde.

— Je m'appelle Shana, on est dans la même classe. J'ai entendu parler de ton histoire de la manière dont ta copine a su te défendre d'un lycéen. Je me suis sentie touchée, j'ai vécu la même chose, mais personne n'a été là pour moi. Si tu as besoin de discuter, n'hésite pas, même si je me doute que c'est pas forcément facile d'en parler avec des gens qu'on connaît pas, s'explique-t-elle.

— C'est gentil, merci beaucoup, bafouille Emily. Sincèrement, je n'ai pas trop envie d'en parler. C'est encore trop récent pour moi.

— D'accord, pas de soucis ! On te laisse tranquille alors, salut !

Emily lui fait un signe de la main, regarde ses amis, encore perturbée par ce qu'il vient de se passer puis éclate de rire.

— Ouah, je pensais pas que les rumeurs traversaient les établissements... C'était très sympa mais très bizarre...

— C'est vrai, mais profites-en ! C'est rare que les gens soient bienveillants ici, ricane Emma. 

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant