Découvrir que la mère d'Emily a voulu fuir son mari a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de l'adolescente. Ça l'a fait plongé dans le plus profond des abysses, elle qui déjà se noyait dans l'obscurité de ses démons. Chaque matin, dès qu'elle ouvre les yeux, l'anxiété lui écrase le cœur comme une main invisible, implacable, la serrant de plus en plus fort. Ses journées sont marquées par une sensation de suffocation constante, une lourdeur qui pèse sur ses épaules et l'empêche de se redresser.
Les larmes coulent souvent, silencieusement, brûlant ses joues et laissant des traces salées sur ses lèvres. Elle pleure en silence, incapable de laisser éclater sa douleur à haute voix. Les nuits sont encore plus cruelles : le sommeil est rare et agité, peuplé de cauchemars où elle revit son enfance, refaisant ressurgir des souvenirs qu'elle-même avait oublié. Les rares moments où elle parvient à s'assoupir, elle se réveille en sursaut, le cœur battant à tout rompre, l'angoisse toujours présente.
La nourriture, autrefois un réconfort, est maintenant une épreuve. Le simple fait d'ouvrir le réfrigérateur lui donne des hauts-le-cœur, une nausée qui lui retourne l'estomac. Les odeurs, même les plus familières, la révulsent. Chaque bouchée est une lutte, chaque repas un combat contre cette boule qu'elle possède sans cesse dans la gorge et le nœud dans son estomac. Elle se force à avaler quelques miettes, mais tout la dégoûte.
Son environnement, autrefois source de réconfort, lui paraît étranger et oppressant. Les murs de sa chambre semblent se refermer sur elle, chaque objet lui rappelant des souvenirs qu'elle préférerait oublier. Le moindre bruit, la moindre ombre, la fait sursauter. Elle se sent traquée par ses propres pensées, incapable de trouver un moment de paix.
Anaïs et Thomas ne voient pas cette face cachée. Ils savent qu'elle ne va pas bien, qu'elle se sent mal, mais ils sont à mille lieues d'imaginer à quel point sa vie est redevenue un enfer alors qu'elle pensait avoir rencontré le paradis en rencontrant cette infirmière et ce pompier bienveillant. Pris dans leurs propres obligations, ils jonglent maladroitement avec leurs horaires de travail pour essayer de subvenir au mieux aux besoins de cet ange fragilisé. Ils se relaient pour être présents, mais le temps qu'ils peuvent lui consacrer semble toujours insuffisant.
Ils l'entourent d'attention, veillent à ce qu'elle ne manque de rien, mais la véritable profondeur de son tourment leur échappe. Lorsqu'ils sont absents, ils s'inquiètent, se demandant si elle mange suffisamment, si elle dort un peu, si elle parvient à trouver un instant de répit. Les sourires forcés d'Emily et ses réponses évasives ne font qu'ajouter à leur sentiment d'impuissance.
Anaïs tente de combler les moments de solitude d'Emily avec des activités qu'elle pense réconfortantes, mais souvent, elle se heurte à un mur de silence ou de refus poli. Thomas, de son côté, essaie d'utiliser l'humour et les petites attentions pour alléger l'atmosphère, mais il sent bien que la lourdeur de la tristesse d'Emily persiste, indélébile.
Ils font de leur mieux, mais la vérité est qu'ils se sentent souvent démunis, comme si une barrière invisible les empêchait de vraiment atteindre Emily. Ils savent qu'ils ne peuvent effacer la douleur qu'elle ressent, et cette réalité les ronge de l'intérieur. Leurs efforts sincères semblent si dérisoires face à l'immensité du traumatisme qu'elle porte en elle. Leur foyer, qu'ils veulent chaleureux et accueillant, est devenu le théâtre silencieux d'une lutte intérieure qu'ils ne savent comment apaiser.
En plein milieu de l'après-midi, lorsque Thomas rentre épuisé, il est surpris de voir Emily devant le réfrigérateur, tremblante et en proie à une crise de panique. Ses épaules sont secouées par des sanglots silencieux, ses mains agrippées aux bords de la porte du frigo.
Il s'approche d'elle de la manière la plus douce qu'il puisse et lui prend la main. Son cœur se serre en sentant à quel point elle est froide et tremblante.
— Ma puce, qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi tu restes devant le frigo ? s'inquiète-t-il, sa voix emplie de tendresse.
Emily relève des yeux plein de larmes vers lui, ses lèvres tressautant sous le poids des mots qu'elle ne peut prononcer.
— Je... Je voulais grignoter un truc, mais je n'y arrive pas, gémit-elle les larmes coulant librement sur ses joues.
Thomas lui essuie doucement le visage de son pouce, tentant de la calmer par sa présence.
— Je peux faire quelque chose pour toi ? questionne-t-il en essayant de croiser son regard, mais elle l'évite en fixant le sol, comme si elle cherchait une échappatoire.
Emily prend une profonde inspiration, tentant de rassembler le courage nécessaire pour libérer ce poids.
— Oh si tu savais, commence-t-elle, sa voix brisée par les sanglots, les mots semblant lui arracher l'âme. J'ai découvert le journal intime de ma mère sous sa table de nuit lorsque nous sommes allés visiter la maison. Je l'ai pris et j'ai commencé à le lire. Je me disais que je pourrais en savoir plus sur elle, sur sa vie. Je voulais me rapprocher d'elle, même si des millions de kilomètres nous séparent maintenant, mais, mais...
Elle marque une pause, sa respiration se faisant saccadée, chaque inspiration douloureuse.
— J'ai découvert des choses atroces sur mon père, poursuit-elle, sa voix se brisant. Il avait une double vie, une autre femme, ma mère l'a découvert, il lui a fait du chantage, l'a menacé... C'est pour ça qu'il a commencé à la frapper. Il a promis qu'il allait changer. De base, une promesse, c'est fait pour être tenu, mais il a recommencé encore et encore.
Emily serre plus fort la main de Thomas, ses doigts tremblants plus forts, trahissant l'étendue de sa détresse.
— Maman voulait partir, fuir avec moi, mais elle avait l'impression que partout, il pourrait nous retrouver et nous tuer, termine-t-elle, ses larmes coulant sans cesse.
Thomas sent son propre cœur se briser en entendant la douleur d'Emily. Elle semble si petite, si vulnérable dans ce moment, ses yeux rougis par les larmes, sa voix à peine un murmure.
— Je suis désolée que tu aies découvert ça seule, je n'imagine pas à quel point ça a dû être difficile pour toi de n'en parler à personne, de garder le secret pour toi, dit-il doucement, en la prenant dans ses bras. Tu n'aurais jamais dû porter un fardeau si lourd.
Elle se blottit contre lui, les sanglots déchirants secouant son corps frêle. Elle a l'air d'une enfant perdue, cherchant désespérément du réconforter de la sécurité.
— J'essaye d'être forte, de garder pieds, mais c'est dur, avoue-t-elle, sa voix étouffée contre l'épaule de Thomas. Je n'y arrive plus, plus j'avance et plus je tombe.
Thomas caresse ses cheveux, essayant de lui transmettre un peu de sa force, de lui montrer qu'elle n'est pas seule.
— Anaïs et moi, nous sommes là pour toi, pour te soutenir et t'aider à traverser ça. Justice va être rendue lors du procès. Mais tu sais que ce journal pourrait servir comme pièce à conviction ? Tu as d'autres choses qui pourraient être utiles ?
— Je... Il me reste les photos que j'avais découvertes dans ma chambre. Je sais pas si c'est utile, mais on y voit bien le regard vide de maman, son corps meurtris par les blessures, bredouille-t-elle.
Thomas hoche la tête, un mélange de détermination et de compassion dans les yeux
— Alors ce sera parfait. Ces preuves aideront à montrer la vérité. Ton père sera enfin puni pour tout ce qu'il vous aura fait.
Elle hoche la tête faiblement, ses larmes imbibant le tee-shirt de Thomas. Dans ses bras, elle se sent un peu plus en sécurité face à ce cauchemar qui s'accroche éperdument.
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À l'Aube d'un Nouvel Espoir
ChickLitÀ seulement 13 ans, Emily se sent prisonnière d'une vie qu'elle ne peut plus endurer. Un soir, poussée par le désespoir, elle fugue et se retrouve à l'hôpital, où elle adopte une fausse identité pour se protéger. Mais de quoi fuit-elle vraiment ? Al...