Partie 4

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Les larmes coulent, défilent les unes après les autres. Ses souvenirs la hantent. Elle a l'impression qu'elle ne pourra jamais s'en sortir. Emily ne veut pas sonner sur le petit bouton rouge pour appeler Anaïs et Aileen n'est pas là. De toute façon, elle ne veut pas les déranger avec ses malheurs. Elle pense que de toute façon, personne ne pourra jamais comprendre ce qu'elle ressent, ce qu'il se trame dans son cerveau. En plus, elle est persuadée que si la vérité éclatait, la jeune fille devrait rentrer chez elle et c'est la seule chose qu'elle veut à tout prix éviter.

— Tu sais que tu ne t'en sortiras pas comme ça ? dit son père d'un air menaçant.

— Mais papa, tu sais bien que j'ai passé des heures pour réviser ce contrôle ! Je ne sais pas ce qu'il s'est passé ! Je vais demander à la maîtresse où est-ce que je me suis ratée comme ça, je n'aurai plus jamais de mauvaises notes ! implore-t-elle d'une petite voix déterminée.

— Non, Emily, ce genre de choses ne doivent pas arriver, jamais ! Tu n'as pas le droit à l'erreur, tu n'as pas le droit de rater quoi que ce soit vu la chance que tu as de pouvoir être aidé. J'ai tout fait pour toi et voilà comment tu me remercies ? À ce niveau-là, tu ne fais juste aucun effort, même une gamine plus jeune que toi s'en sortirait mieux. Il n'y aura pas de prochaine fois sinon tu verras ce qu'il se passera, répond-il en lui donnant une gifle la faisant ainsi tomber à terre.

Le visage du gentil papa était à ses yeux tombé depuis des années lorsque les coups ont commencé à arriver de plus en plus souvent et que trop petite et trop faible, elle n'avait jamais pu se défendre. Alors elle encaissait, sans faire de bruit. Elle encaissait jusqu'à que ce fusse trop pour elle. 

Son visage se fige lorsque Aileen entre dans la pièce. L'adolescente aux cheveux de feu, contrairement à Emily, a le droit aux visites, de sortir voir ses amis avec ses parents, de profiter de la vie tout simplement tant qu'elle ne fait aucune activité qui pourrait ralentir le processus de guérison de son coude. 

Emily est tétanisée. Elle ne s'est jamais montrée vulnérable aux yeux des autres et pour une fois qu'elle apprécie quelqu'un, qu'elle a une complicité avec, elle a peur d'être perçue comme une personne faible. Aileen semble si sûr d'elle, si populaire, si différente. Comment pourrait-elle réagir face à la tristesse de son amie ? Allait-elle se moquer ? La juger ?

Ses doutes s'éteignent rapidement. Aileen se rapproche doucement du lit d'Emily, qui trop paralysée pour réagir se laissé faire lorsqu'elle la prend dans ses bras. C'est doux, agréable. Le genre de câlin qui signifie "ne t'en fait pas tout va bien, tout ira mieux. Je suis là pour toi. Je t'aime et je ne te jugerai pas sur tes ressentis". La blonde la serre encore plus fort. Ses sanglots se démultiplient, elle laisse s'évacuer toute la souffrance qu'elle porte en elle depuis trop d'années. 

Les émotions ont créées des nœuds dans l'entièreté de son corps, dans son estomac et en ce mardi, tout ce surplus explose. Cela dure plusieurs minutes où personne ne dit rien, où seuls les larmes coulent et qu'enfin Emily se sent libérée, plus légère. Pour la première fois, elle a pu laisser aller ses sentiments. Les doigts d'Aileen essuient délicatement ses yeux trempés d'humidité, avant de replacer une de ses mèches aux couleurs d'or en lui souriant, d'une manière qui se veut rassurante.

— Emily, vient. J'ai une surprise pour toi, annonce Aileen d'un ton enjoué.

— Mais je ne peux pas, balbutie-t-elle. Je ne suis pas prête, je ne ressemble à rien.

— Si tu peux, prépare-toi. Mets une tenue confortable, une tenue où tu te trouves belle, peu importe. Il est quinze heures, il nous reste du temps pour sortir. Tu passes trop de moments seule et je vois bien que tu ne vas pas bien. Laisse-moi t'aider à aller mieux, ou au moins, essayer. Ça ne te coûte rien, juste un peu de volonté et de désir de passer du temps avec moi. Enfin, si tu en as envie, évidemment. Je ne veux pas te rendre mal à l'aise ou te forcer à faire quelque chose que tu ne veux pas. C'est une obligation sous forme de proposition et j'accepterais sans rechigner que tu ne veuilles pas ou que tu n'en aies pas la force psychologique ou physique. Mais sache Emily, que les amis sont là pour aider, que la seule chose que je voudrais aujourd'hui, c'est que tu puisses être heureuse.

— Je... Merci beaucoup, vraiment. Je ne sais pas comment te remercier pour tout ce que tu fais pour moi. Tu es une personne si merveilleuse Aileen. Tu es si belle, de toutes les manières et de toutes les formes possibles. Tu es un peu devenue le rayon de soleil de ma vie en si peu de temps.

Aileen rougit, ne sachant trop quoi répondre.

— Bon, au lieu de dire n'importe quoi tu ferais mieux de te préparer comme ça, on sera plus rapidement sortie et mes parents n'auront pas besoin de nous attendre trop longtemps, la taquine-t-elle.

— Ok, ok, je me dépêche. Je serai prête dans dix minutes top chrono !

— Attention, à ce que tu dis, je pourrais vraiment mettre le chronomètre !

Emily fouille dans son petit sac, mais ne trouve rien de vraiment jolie, tout comme les repas chez elle, les vêtements n'étaient clairement pas la priorité de ses parents. Sous l'air attristé de la jeune blonde, Aileen lui propose un petit gilet bleu bébé à la matière d'un pull qu'elle saisit ravie et qu'elle accorde donc avec un jean bleu foncé coupe droite tout classique. Elle brosse ensuite ses longs cheveux dorés, applique une crème puis sourit timidement. Pour la première fois depuis des années, elle ne se trouve pas trop mal.

Après qu'elle soit sortie de la minuscule salle de bain, Aileen la dévisage d'une manière peu discrète.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Le haut ne me va pas ? Je peux te le rendre si tu veux. Je suis certaine qu'il t'irait mieux à toi, interroge-t-elle soudainement honteuse.

— Eh oh, du calme, tout va bien. Tu es ravissante comme ça. C'est juste que ça change du fait qu'on soit tout le temps à l'hôpital en blouse, en pyjama avec un vieux chignon mal fait pour être confortable. Tu caches bien ton potentiel petite cachottière. Imagine à quel point tu serais divine si je t'invitais un jour à une soirée et que tu étais coiffée, maquillée ou non, avec une robe ou un petit top. Le monde serait à tes pieds. Arrête de douter autant de toi, lui répond-elle d'un air sincère.

— Désolée, c'est juste qu'on a passé ma vie à me dévaloriser et que je n'arrive pas à me voir sous un autre angle depuis. J'aimerais tellement être comme toi.

— Allez ne t'excuse pas, tu dis ça parce que tu n'as connu que mes bons côtés. Tout le monde a déjà voulu être comme quelqu'un d'autre alors qu'au final, on a tous nos problèmes, nos histoires, nos insécurités. Je suis loin d'être parfaite et tu devrais le savoir. Enfin, bref, on devrait profiter de nos derniers moments ensemble avant que l'hôpital nous sépare.

— Hein ? De quoi tu parles ? Tu pars bientôt ?

— Oui, je ne suis pas censé rester ici, j'ai de la rééducation à faire, des cours à reprendre et toi aussi, tu vas finir par rentrer chez toi petit chat.

— Oh... Tu vas beaucoup me manquer...

— On se retrouvera promis, dit-elle en lui serrant le petit doigt. Je suis sûr que tes parents ne laisseront pas une si belle amitié s'éteindre comme ça.

— Peut-être, répond Emily tristement.

— Allez, viens, sinon tu vas finir par louper ma surprise, annonce-t-elle en la tirant par le bras.

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant