Partie 18

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TW : automutilation, sang, violence

Emily est désespérée, elle n'en peut plus. La fatigue se marque sur son visage cernée et creusée et sur son corps remplies de cicatrices. Elle écrit sur les murs à la crasse de ses doigts humidifiés par les larmes. Que s'est-il passé pour qu'elle retourne si vite à la case départ ? Et si elle avait eu le temps de crier lorsque son géniteur l'a attrapé par le bras pour l'emmener, si son corps ne s'était pas paralysé d'effroi, peut-être qu'elle ne serait pas là aujourd'hui ? Elle regrette si fort. Une seconde, il aurait fallu d'une seule seconde, d'un seul regard, d'un seul geste et tout aurait pu être évité. Elle se sent stupide. Sa tête se cogne plusieurs fois, des bleus se forment, des bosses aussi. Elle se punit de quelque chose qu'elle n'a même pas choisi.

Elle a réfléchi à toutes les solutions possibles et inimaginables pour se sortir de là, mais aucune ne lui paraissait réalisable. Elle est épuisée de devoir sans cesse se battre. Elle veut renoncer. S'ôter la vie lui paraît faisable. Après tout, elle ne serait plus un poids pour personne, elle n'aurait plus à subir les coups de son père, plus à subir la mort de sa mère qui chaque jour pèse en elle. Elle se sent coupable de n'avoir rien fait, de n'avoir appelé, de n'en avoir parlé à personne. Elle aurait pu se sauver elle et sauver sa mère. Elle se sent bête, stupide, abrutie, idiote et tous les synonymes possibles et inimaginables. Elle ne sert à rien. Sa vie n'a aucune importance.

Pardon Thomas, pardon Anaïs, pardon Aileen, pardon Mathias. Pardon tout le monde. Je suis désolée, je n'y arrive pas, je n'y arrive plus. J'ai longtemps cru être un poids pour vous, vous m'avez laissé croire le contraire, mais vous vous êtes trompés. Je m'en veux. Je suis un nid à problème, je détruis tout autour de moi depuis ma naissance. C'est insupportable. Je me sens si mal. Je vous aime. Et l'amour n'est pas censé faire mal. Pas comme ça. Je ne suis pas mon père, je ne suis pas un monstre comme lui. Et pourtant, je suis sûr de déjà vous avoir blessé. Et je déteste ça. Je ne voulais faire de mal à personne et pourtant, je ne sais faire que ça. Pardonnez-moi s'il vous plaît. Je m'en vais, ne vous en faites pas. Je vous libère de moi, de mes problèmes, de mes souffrances. Vous serez mieux. J'en suis certaine. Soyez heureux, c'est tout ce que je désire. Souriez, dansez, criez si vous en ressentez le besoin. Vivez. On ne se rend pas toujours compte de ce que la vie peut nous offrir. Vous êtes si formidable. Merci d'avoir été là pour moi. Je ne vous oublierai jamais.

Emily regarde autour d'elle une dernière fois, les yeux remplis de larmes. C'est dur, mais c'est la seule solution. Elle tape sans faire exprès un bougeoir qui en un mouvement se fracasse au sol en mille morceaux, égratignant sa jambe en même temps. Le sang coule légèrement de sa blessure. Son cerveau fuse. Elle prend alors un des gros morceaux de verre et le presse contre sa peau à plusieurs reprises. Ça la dégoûte. Elle a envie de vomir. Sa tête tourne, le liquide gicle de plus en plus. Puis une première porte claque, une deuxième aussi. Son regard croise celui de son géniteur, qui comprenant la situation, s'approche d'elle.

— Non, non, non Emily ! Pas comme ça ! Tu ne dois pas mourir comme ça ! Arrête tes bêtises, crie-t-il en lui arrachant le morceau des mains.

La jeune adolescente est faible, il le sent quand il passe sa main sur son cœur. Ne souhaitant pas échouer une deuxième fois l'idée de son meurtre parfait, il l'emmène dans la salle de bain pour panser ses plaies. Emily ne dit rien quand le désinfectant brûle sa peau endolorie. L'homme face à elle est agité, elle va foutre son plan en l'air si elle meurt comme ça. Une fois que les bandages sont faits, il se met en tête de nettoyer les dégâts dans la cave avec une balayette et une pelle, la laissant seule, tremblante dans la pièce. Quelques secondes passent quand un cri suivi d'un hurlement de douleur se fait entendre. La peur s'empare d'elle, son sang ne fait qu'un tour et sous le coup de l'adrénaline, l'adolescente se précipite en dehors de la salle de bain, ignorant la douleur qui traverse son corps. Elle fonce ensuite vers la porte d'entrée qui claque contre le mur. Le bruit la surprend, tout comme à Marc qui prit de cours, finit par abandonner sa tâche pour la rattraper. La douleur aiguë dans son pied, causée par le verre enfoncé, se mêle à la confusion et à la colère qui le submergent. Une rage destructrice le consume, il serre les dents, déterminé à ne pas laisser Emily lui échapper si facilement. Malgré la douleur intense, il se met à courir à sa suite, ignorant les avertissements lancinants de son pied meurtri. Son visage est tordu par la douleur, son souffle haletant. Il réalise qu'il est impuissant face à sa fuite.

Emily quant à elle, court encore à toute vitesse, sa respiration est saccadée, alors que des larmes de douleur et de crainte coulent sur son visage. Elle ignore la direction, se contentant de s'éloigner le plus possible de cette maison cauchemardesque et de la personne horrible qui y réside actuellement. Finalement, ses jambes ne peuvent plus la porter, elle tombe brusquement sur le sol devant des passants stupéfaits. Son regard est rempli de détresse. À bout de souffle, elle parvient à articuler quelques mots entrecoupés : "Aidez-moi, s'il vous plaît... Il va me tuer..."

Un juron se fait entendre à quelques mètres. Les passants s'attroupent autour d'Emily sous le choc, prêt à lui venir en aide pendant que certains sont en train d'appeler la police et les pompiers. Marc ne bouge plus. Face à lui, la réalité se dessine. Il a perdu et ne peut plus fuir. 

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant