Partie 2

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Le soleil traverse les rideaux, Emily est déjà réveillée. Elle observe le parking et la rue de la fenêtre de sa chambre. Il fait beau, mais à l'extérieur les gens commencent à se couvrir. L'automne est arrivé alors la chaleur quitte peu à peu la ville, les gens se cachent derrière des vestes ou de gros manteaux pour éviter les bourrasques fraîches et les gouttes de pluie. 

La jeune fille voudrait être là, dehors, à marcher, courir ou sauter dans les flaques d'eau voire même danser quand il pleut, juste par désir de se sentir vivante et de faire ce que les adultes ne font plus par conformisme, par honte. Elle voudrait, mais elle ne peut malheureusement pas. Elle est enfermée dans cet hôpital et n'a aucune information sur sa date de sortie et sur ce qu'elle deviendra. 

Ce sont toujours des dizaines ou parfois même des centaines de questions qui tournent dans sa tête en ce qui concerne son futur. Cela l'effraie, elle n'a jamais eu de belle vie et peut-être qu'elle n'en connaîtra jamais la définition... Le pessimisme d'Emily ne l'aide pas à aller mieux, pourtant elle ne sait pas faire autrement et puis toute cette positivité toxique que les gens lui partageaient ne cessait de la faire culpabiliser. La négativité fait partie de la vie, et même si elle est très présente dans sa vie, on dit souvent qu'après la pluie vient le beau temps, non ? Et puis comment apprécier le soleil lorsqu'il est toujours présent ?

Elle se dirige vers la salle de bain pour faire face à son propre reflet, aux possibles changements qui ont pu dessiner son corps, son visage ou même ses cheveux. Après tout, elle est en pleine adolescence et elle devrait changer, du moins, c'est ce qu'elle espère. Elle retire son tee-shirt et se découvre en brassière, elle qui évitait son reflet depuis longtemps se retrouve maintenant face à la triste réalité. Elle n'a aucune forme, ses côtes sont saillantes. Elle a, de plus, comme lui a dit Anaïs, divers bleus qui commencent à s'estomper, des marques rouges et des cicatrices qu'elle tente au mieux d'effacer.

Elle se déteste et voudrait tellement être différente. Des kilos de plus, des hanches plus épaisses, un peu plus de seins et de fesses. C'est une adolescente qui a l'impression d'être enfermée dans un corps d'enfant. Et ça lui en aura valu des critiques aux collèges et dans sa famille. Elle cherche à attraper un peu de gras sur ses bras, sur le ventre, mais elle ne peut pas, elle est trop maigre alors elle ne s'aime pas. Le bas de son corps n'est pas mieux, ses fesses sont plates et ses jambes ressemblent à des cure-dents comme disaient ses camarades de classe. 

Comment s'aimer soi-même lorsque tous ne font que critiquer ? Qu'y a-t-il de pire lorsque son propre reflet devient symbole de haine et de torture ? N'a-t-elle pas lâché trop de larmes pour la misérable vie, la misérable personne qu'elle pense être ? Emily ne sourit pas, cela fait d'ailleurs très longtemps qu'un vrai sourire ne s'installe plus sur son visage délicat. Viendra-t-on la sauver ? Connaîtra-t-elle l'amour, l'insouciance dont elle a tant manqué ? La jeune fille l'espère de tout son cœur. C'est son rêve et elle veut y arriver.

Son visage se détourne du miroir et elle se dirige vers la douche. La chaleur sur son corps lui fait du bien, ses blessures ne lui piquent plus. Elle coiffe ensuite ses cheveux dorés comme l'or, se brosse les dents puis s'habille. Lorsqu'elle sort de la pièce, le bouton pour appeler l'infirmière, lui donne envie, elle a besoin de compagnie pour oublier, pour s'oublier. Elle hésite. Et si cette dame n'était pas si différente de ses parents ? Qu'est-ce qui lui prouverait que l'Homme pouvait être un être toujours doux, bienveillant ? 

Elle est à l'hôpital certes, mais cela ne la rassure pas plus que ça : son père et sa mère étaient censés l'aimer plus que n'importe qui, ils étaient supposés lui donner toute l'attention, toute l'importance qu'un enfant mérite. S'ils ne l'avaient pas fait alors qui le ferait ?

Elle s'allonge de nouveau dans son lit en regardant le plafond, tout aussi blanc que le reste de la pièce. Réfléchissant encore et toujours au sens de la vie, son regard se fige sur un point fixe, une moue triste posée sur son visage. Ses pensées fusent et dévient, elle est tellement concentrée qu'elle n'a pas vu un des membres du personnel rentrer dans sa chambre. Elle sursaute de surprise puis son visage s'attendrit légèrement lorsqu'elle reconnaît Anaïs.

­— Oh, bonjour. Excusez-moi, je ne vous avais pas vu, bafouille-t-elle embarrassée.

— Bonjour Emily, tu peux me tutoyer, je te l'ai déjà dit. Et ne t'en fais pas ce n'est pas grave. Je viens t'apporter ton petit-déjeuner et des médicaments. À ta connaissance, tu n'as pas d'allergies alimentaires ou médicales ?

— Merci beaucoup et non je ne crois pas, répond-elle en regardant avec envie le plateau composé de jus de fruit, d'un chocolat chaud et d'un petit morceau de pain avec de la confiture et du beurre.

— Parfait alors. À partir de demain, tu seras en chambre double avec une fille de ton âge pour que tu sois un peu moins seule. Tu devrais sortir d'ici la fin de la semaine prochaine si tout va bien.

— Et j'irai où ? demande Emily d'un ton inquiet.

— Soit dans un foyer, soit dans une famille d'accueil. Cela dépend des formalités. Ne t'en fais pas, je comprends que tu as peur de ce qui t'attend, mais je peux te promettre que tu ne seras plus jamais seule, ajoute l'infirmière avec un regard doux.

— J'espère. J'aimerais vraiment, répond-elle en baissant la tête. La vie a l'air si peu agréable en foyer...

— J'espère aussi que tout se passera bien. En-tout-cas, si ça ne va pas avec ta nouvelle voisine de chambre, tu me le dis ? Je ne voudrais pas que tu sois mal ici sachant que tu as l'air d'avoir un passé douloureux. Je veux prendre soin de toi le temps que tu sois ici et faire de mon mieux pour que tu te sentes bien même si les hôpitaux ne doivent pas être ton endroit préféré.

— C'est vrai ? Tu ferais ça pour moi ? questionne-t-elle les yeux brillants d'espoir.

— Mais oui promis, tu le mérites. Allez, mange, tu dois reprendre des forces.

Emily sourit comme simple réponse. Elle ajoute ensuite le cacao dans son lait et touille pendant qu'Anaïs quitte la pièce en faisant le moins de bruit possible pour ne pas la déranger. La jeune fille prend ensuite ses médicaments et mange avec plaisir le pain avec le beurre et la confiture. Elle n'en avait pas chez elle. À vrai dire, il n'y avait que le strict minimum. Elle devait se débrouiller seule puisque ses parents avaient cessé de lui préparer ses repas. Ils n'allaient faire les courses que lorsqu'il n'y avait plus le strict minimum. Parfois, son père l'amenait au restaurant, lui faisait des cadeaux, l'emmenait faire de l'accrobranche... Ses rares amis pensaient qu'il était parfait, il avait l'air si gentil en apparence. Ils n'auraient jamais pensé que cet homme était la principale cause de ses souffrances.

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant