Partie 17

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TW : violence, sang

La pièce est sombre, l'odeur nauséabonde. Emily s'assoit difficilement sur un matelas posé à même le sol, elle a un terrible mal de crâne et son corps est douloureux. Elle observe l'endroit, seulement éclairé par quelques bougies dont les flammes dansent en rythme. Sur le sol, des mèches de cheveux blonds sont étalées à côté de plusieurs flaques de sang. L'adolescente a envie de vomir. Elle ne comprend rien, tout lui paraît flou dans sa tête. Une porte claque et un homme à la démarche assurée entre. Elle le reconnaît facilement par son regard noir, son visage repoussant, son nez crochu, ses oreilles larges et son corps mal bâti. C'est son père, Marc, elle le déteste. Son corps tremble, son visage devient livide tandis qu'à lui, ses lèvres se dessinent dans un sourire exécrable, il est fier.

— Réveillé ? interroge-t-il d'une voix graveleuse.

Emily ne répond pas, elle se recroqueville sur elle-même, ses larmes coulent.

— Fais-moi l'effort de répondre quand je te parle, je suis ton père ! crie-t-il.

— Je... Qu'est-ce que je fais là ? demande la collégienne angoissée.

— Je suis venu te récupérer ! Tu croyais quoi ? Que tu allais pouvoir te barrer et mener ta petite vie normalement ? s'emporte-t-il.

— Mais...

— Ta gueule, tu m'énerves, déclare l'homme en la giflant. Je suis là pour en finir avec toi comme j'en ai fini avec ta mère. Vous êtes aussi stupide l'une que l'autre, arrêtez de penser que la vie est aussi simple merde ! Vous faites tout pour attirer le pire et comme des faibles, vous prenez la fuite parce que vous n'assumez pas vos actes !

— Papa...murmure-t-elle dépitée.

Marc se radoucit à ce nom. Même s'il n'a que très peu d'affection pour sa fille, cette appellation le touche quand même. Cependant, il se rappelle rapidement de la situation dans laquelle il est et change l'allure gentille qu'il pouvait dégager lors des dernières secondes.

— Tu ne peux pas m'appeler comme ça. Tu es parti. Tu as fait comme si Valérie -sa mère- et moi n'existions plus. Tu nous as reniés, écartés de ta vie, tu es la pire fille du monde, beugle-t-il. Tu n'as aucune excuse ! Alors subis, souffre. C'est ce que tu mérites !

Emily déglutie et baisse la tête, fuyant son regard, sa colère. Le comportement de son géniteur est injuste. Il a tort sur toute la ligne et il ne s'en rend même pas compte. Le bourreau se fait passer pour la victime alors qu'il est le seul à avoir haussé le ton, à avoir porté les premiers coups. Personne n'avait rien demandé, personne n'était responsable, pas même sa mère qui ne l'a jamais défendue. Il inverse tout parce qu'au fond, il n'est même pas capable de voir que tout est de sa faute.

L'homme avance vers elle et son poing s'abat sur l'adolescente, avant qu'elle ne puisse réagir. Il frappe partout sans mesurer sa force, sans entendre les cris, il décharge toute sa colère dans le corps d'Emily, comme si elle était un punching-ball, comme si elle ne ressentait pas tout ce qui se déversait sur elle. Lorsqu'il a fini, il peste avant de quitter la pièce, sans un regard. L'adolescente s'affale sur le matelas, elle tousse et du sang sort de sa bouche. Son corps lui fait encore plus mal qu'auparavant, sa tête tourne puis un trou noir s'empare d'elle.

Les heures filent et défilent. La maison est devenue calme et Marc s'inquiète de ne plus rien entendre. Il a tout prévu dans sa tête et Emily ne doit pas mourir comme ça, pas maintenant. Il veut la faire souffrir sur le long terme. Frapper un corps mort n'apporte rien, seulement de la frustration. C'est ce qu'il a ressenti le soir où Valérie est décédée. Elle rentrait souvent tard, mais nombreuse fois, elle ne rentrait pas du tout, encore plus depuis qu'Emily n'était plus là. Plus rien ne la retenait à son domicile. Ça énervait l'homme, il ne contrôlait plus rien alors que c'était lui qui devait diriger son foyer, sa famille, tout devait être comme il le voulait, ce n'était plus le cas. Ce soir, c'était celui de trop, elle était partie depuis plus de quarante-huit heures et n'avait bien évidemment pas donné de nouvelles. La revoir éméchée, comme si de rien était, ça l'a fait péter un câble. Il a crié, elle aussi. Elle ne s'était pas laissé faire cette fois, elle avait riposté à ses coups. Il a frappé plus fort, il ne s'est pas arrêté. Il a visé la tête, le ventre, les jambes. Son sang giclait de partout. Ça ne l'a pas arrêté. Lorsqu'il s'est rendu compte que le corps de sa femme ne répondait plus au début, il était heureux, il pensait qu'elle se punissait pour son mauvais comportement. C'est quand il a repris son souffle qu'il a vu qu'elle, elle ne respirait plus. Elle s'était noyée dans son sang, dans la violence de ces coups. Une fois de plus, une femme mourait parce que son mari n'était pas capable de canaliser sa colère. Il ne s'en était pas voulu, il lui en voulait de n'être pas assez forte, sa colère était toujours présente, c'est pour ça qu'il se servait d'Emily comme de défouloir. Il était fou, complètement. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il avait toute sa tête. 

Le géniteur se lève de sa chaise, impatient. Il marche vite et se dirige vers la pièce où est sa fille et s'approche d'elle et dépose un peu d'eau et de nourriture, pour la faire espérer que la situation s'arrangerait pour mieux la faire plonger. La torture, il veut ça, il veut la voir le supplier, la voir pleurer, il veut voir la détresse dans ses yeux pour montrer que malgré toute attente, il a repris possession d'elle, de sa vie. Elle ne bouge pas d'un cil. Il observe les dégâts autour d'elle, une personne lambda serait dégoûtée par la vision du sang, éprouverait de la culpabilité, des remords, pas lui. Il passe sa main sous le nez de la blonde, de l'air en sort. Il sourit, satisfait, le pire est à venir. Ses pas lourds s'éloignent.

Emily se réveille plus tard, elle n'a plus la notion du temps, elle ne sait pas si dehors le monde a sombré dans l'obscurité ou au contraire, si quelque rares oiseaux chantent. Son corps tremble, ses dents claquent. Elle a froid, a peur. Ses yeux se dirigent vers le bol d'eau et les quelques gâteaux. Elle ne sait pas si Marc lui a donné pour se faire pardonner. Elle n'a plus confiance en lui, à chaque fois qu'elle lui a donné une chance, il a tout détruit. Elle n'en veut pas, elle ne veut rien de lui. Elle reste allonger, trop faible pour bouger et se met à penser. Aileen, sa douce Aileen. Elle devrait être avec elle, observer le spectacle de danse, admirer les yeux brillants de sa copine. Elle s'en veut. La lycéenne doit être déçue de voir qu'elle n'est pas venue, peut-être même qu'elle est en colère, qu'elle ne voudra plus lui reparler quand elle sortira. Sortir... Soudainement, cette pensée lui paraît folle. L'homme lui a dit qu'il la tuerait. Elle éclate en sanglots. Tout se finit quand tout allait mieux dans sa vie, quand l'espoir avait enfin caressé l'aube de ses journées. 

À l'Aube d'un Nouvel EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant