— Et merde ! jura-t-il en murmurant, voyant qu'il n'avait pas atteint sa cible et que les deux animaux s'étaient enfuis, alertés par la menace.
Je le laissai s'éloigner de quelques pas pour aller récupérer son projectile métallique, et levai la tête pour observer le feuillage des arbres et ne pas écouter mon partenaire pester à tout va.
— Tu viens, Cassiopée ? Qu'est-ce que tu...
Il s'approcha de moi, et je lui indiquai les branches du chêne le plus proche. Aries les observa à son tour, attendit le temps de prendre une grande inspiration et redirigea son arme vers le point que je lui désignais... quelques secondes après, un écureuil frêle au pelage grisâtre heurtait le sol.
Nous courûmes vers lui. Aries le ramassa précautionneusement.
⸺ Il n'est pas bien gros, l'hiver s'est fini très récemment... si on pouvait en avoir une dizaine des comme ça, ce serait une bonne chose.
☆☆☆
Au final, notre gibier se limita à une huitaine de petits écureuils, une corneille noire et deux geais. Maigre récolte. Durant la grande période de catastrophes naturelles qui avait marqué la fin de l'Ancien Monde, les différentes espèces animales s'étaient soit éteintes, soit déplacées, ce qui faisait qu'aujourd'hui, faune et flore n'étaient plus que détraquées, jamais au bon endroit, jamais réellement adaptées. Darwin se retournerait dans sa tombe.
— C'est toujours mieux que rien, concéda-t-il alors que je m'appliquais à garder le silence, me repassant ses paroles en boucle, comme si mes pensées avaient été un vinyle rouillé.
Aries entoura les animaux morts dans de grands morceaux de tissus épais qui se révélèrent être des sacs de fortune. J'en pris deux sur quatre, interrogeai mon acolyte du regard, puis nous nous mîmes en marche pour retourner à l'auberge de sa mère. Le soleil, dans notre dos, commençait à se coucher : les ombres des arbres s'allongeaient, suivant nos foulées régulières, comme pour nous saluer. Il faisait de plus en plus froid, aussi accélérai-je le pas, le col de mon manteau remonté jusqu'aux oreilles.
— Aries... je peux te poser une question ?
— Tu viens de le faire à l'instant, pourquoi demandes-tu la permission pour une autre ? répliqua-t-il, pince-sans-rire, l'air mi-agacé, mi-amusé, prenant bien soin de laisser sa voix en suspens. Oui, bien sûr, Cassiopée, tu peux. Pourquoi ne pourrais-tu pas ?
— On m'a répété toute mon enfance de ne jamais en poser. Alors je ne sais pas vraiment... je préfère m'assurer que... enfin, excuse-moi, c'est idiot. Je... je me demandais si tu connaissais des gens qui pensent comme toi et moi. Qui veulent se libérer de... de tout ça. Et en libérer quelques autres, au passage.
— Personnellement, non. Mais j'ai ouï dire qu'un petit groupe du quartier Sud de Gladius avait collé des affiches de propagande gouvernementales détournées, ainsi que d'immenses prospectus agrémentés de slogans antidictatoriaux. La Guilde des Bannis, qu'il y avait marqué à côté d'ces affiches. Personne ne sait qui c'est, qui sont les fameux Bannis de cette Guilde. L'affaire a été étouffée par les autorités de la ville dès que ç'a été découvert, mais le bouche-à-oreille a fait son affaire. Bien sûr, la grande majorité des gens ont trouvé ça ridicule, et la rumeur a vite arrêté de circuler. C'est la seule information que j'ai pu avoir depuis, mais...
Il marqua une pause et leva ses sourcils, me faisant comprendre qu'il ne terminerait pas sa phrase. Ce n'était pas nécessaire. Aries semblait être un assez singulier personnage. Il s'exprimait de manière assez différente que l'homme du marché et même sa propre mère, mais il avait quelque chose, quelque chose qui le différenciait de la masse. Je n'arrivais pas à poser le doigt dessus. Il m'inspirait confiance, contre toute attente.
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La course des étoiles
Science Fiction𝗜𝗟𝗦 𝗘́𝗧𝗔𝗜𝗘𝗡𝗧 cinq. Cinq âmes rêveuses, égarées dans un monde où trop de choses n'allaient plus. Cela faisait maintenant vingt-six ans que la guerre était finie et que le peuple d'Eques était dirigé d'une main de fer par un dictateur aussi...