Le souffle coupé, je me redressai d'un coup, haletante, comme si j'avais oublié de respirer durant un temps. Tout me paraissait si flou ; je ne savais plus ce qui se passait. Qu'avais-je manqué, au juste ?
— Cassiopée, attention !
Élios me tira brutalement vers l'avant, et, alors que j'entendais les bruits alentour de mieux en mieux, une immense détonation retentit. Un tir d'arme à feu, sans doute. Pourquoi y aurait-il des tirs d'armes à feu au sein du quartier général ? Une divergence et une rébellion ? Ça n'avait aucun sens, rien de tel n'avait été manifesté au cours des derniers jours... qu'était-ce, dans ce cas ? Mes pensées étaient bloquées, malmenées, à l'instar de mon corps. Le chef de la Guilde des Bannis s'efforçait de me remettre sur pied.
— Il faut s'en aller ! Dépêche-toi ! Ils sont là !
Ce furent ces trois derniers mots qui achevèrent de me sortir de ma torpeur enivrée : les soldats. Ils avaient trouvé notre planque. Et s'ils nous trouvaient nous, je n'ose imaginer ce qui pourrait arriver. Nous serions tués dans le feu de l'action, ou bien faits prisonniers, et puis torturés. Nous serions sans doute érigés par le régime en exemple avant que l'on ne raye nos existences de l'Histoire, et cela ne ferait que mettre le mouvement à mal. Ou pire. Je ne souhaitais de toute façon pas le savoir, aussi me mis-je debout, vacillant sous l'effet de la douleur de ma blessure à la tête. Je ne tenais presque pas sur mes jambes.
— Viens !
Élios attrapa vivement mon poignet et se mit à courir. Je n'avais d'autre choix que de le suivre, sans vraiment comprendre où nous étions. Je passai avec lui dans plusieurs couloirs de l'immeuble, nous fîmes souvent demi-tour à l'entente de bruits de pas, nous croisions plusieurs autres membres. Certains couraient à la recherche d'un ami ou d'un parent, l'air paniqué, et d'autres n'en étaient plus capables. Je croisai quelques corps qui s'éteignaient au même rythme que grandissait la tâche rouge sous eux. Il y avait plusieurs murs où on pouvait discerner des impacts de balles. Combien de temps étais-je restée inconsciente, au juste ? Je me refusai à poser la question. Et soudain, une évidence me frappa, et la culpabilité me serra le ventre, me faisant aussi mal que si on m'avait tiré dessus. Je m'arrêtai, tirant le bras d'Élios dans le même mouvement.
— Et Aries ? Et Lou ? Et la Col...
— On n'a pas le temps, Cassiopée, dépêche-toi !
J'entendis dans son injonction un énorme point d'interrogation. Il n'avait aucune fichue idée d'où ils étaient, il n'en savait strictement rien. Mais il était venu me chercher, moi. Pourquoi ? Dans l'urgence, je ne fis que me libérer de sa poigne d'un coup sec, inquiète.
— Est-ce qu'ils sont vivants ? hurlai-je. Est-ce qu'ils s'en sont sortis ?
Je continuai de crier sur mon ami, qui me fixait, impuissant. Je voyais bien qu'il souhaitait s'en aller, que l'on fuie le plus rapidement possible, mais je ne parvenais pas à réfléchir. Je ne voulais savoir qu'une seule chose : ma nouvelle famille, mes nouveaux proches, étaient-ils bien sains et saufs ? Je ne voulais pas perdre les premières personnes qui me comprenaient en l'espace de quinze ans. Je ne pouvais pas les perdre. Ce n'était même pas envisageable.
— Je ne sais pas, Cassiopée ! finit pourtant par hurler Élios à son tour, me coupant sèchement. L'important c'est qu'on sorte d'ici et qu'on se mette en sécurité !
J'avais beau savoir qu'il disait vrai, et que c'était la réaction la plus rationnelle à avoir, je ne pouvais détourner mon esprit du fait que c'était frustrant, terriblement frustrant. Et si mes amis mourraient, comment ne pourrais-je pas y penser durant chaque seconde, me demandant pourquoi j'avais pu continuer à exister, et pas eux ? Je songeai un instant à désobéir au conseil d'Élios, mais quelque chose m'en empêcha.
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La course des étoiles
Fiksi Ilmiah𝗜𝗟𝗦 𝗘́𝗧𝗔𝗜𝗘𝗡𝗧 cinq. Cinq âmes rêveuses, égarées dans un monde où trop de choses n'allaient plus. Cela faisait maintenant vingt-six ans que la guerre était finie et que le peuple d'Eques était dirigé d'une main de fer par un dictateur aussi...