21 | La fin du périple - première partie

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La tête baissée, capuche rabattue sur la tête malgré la sueur qui me coulait le long du dos, j'avançai dans les rues pleines de monde d'Étincielle. Ma posture avait beau être droite, presque rigide, j'essayais de me convaincre qu'il ne fallait pas que je m'inquiète. Nous avions marché plusieurs mois, tentant de composer avec les séquelles traumatiques de l'attaque des soldats, sans cesse pourchassés par les démons de la peur maladive d'être suivis, nous avions refait le monde maintes et maintes fois, nous étions mis d'accord sur un plan hasardeux pour défaire la dictature, nous avions grandi, mûri.

Dans ce cas, n'aurais-je pas dû être enthousiaste, voire impatiente, en cet instant précis ?

Je jetai à intervalles réguliers des coups d'œil autour de moi : pour la première fois depuis que nous avions commencé notre fuite vers la capitale, je ne marchai plus en groupe avec mes amis. Nous avions décidé de marcher séparément, laissant la Colombe mener la marche pour nous montrer sa fameuse entrée secrète. Cela faisait une bonne vingtaine de minutes que nous évoluions d'un pas lent dans le dédale des allées d'Étincielle, tâchant de ne pas attirer l'attention des quelques groupes de soldats qui patrouillaient pour surveiller la population, lançant des regards sévères à tour de bras.

Mes bras maigres se balançaient à un rythme régulier. Jamais je n'avais pris la peine de cacher mon bracelet aux yeux des autres, mais à présent, cette action me paraissait plus que jamais nécessaire. Comment n'avais-je pas pu m'en rendre compte avant ? À vrai dire, j'avais toujours aimé cet atout, j'en étais fière, même. Je le trouvais singulier, et personne n'avait le même que moi. Cela me distinguait des autres, en quelque sorte. Je ne le considérais que comme une marque parmi tant d'autres sur mon corps, se mêlant parmi des grains de beauté, une tâche de naissance, une cicatrice héritée d'une chute dans un enchevêtrement de ronces pendant mon enfance. Maintenant, toutes les bizarreries de cette marque me sautaient aux yeux, et je me rendais enfin compte de ce qu'elle signifiait. Est-ce que nous étions réellement sur le point de faire ça, avec Aries et Élios ? Est-ce que nous étions réellement sur le point de nous servir de la capacité de trois fragments d'étoile pour raser une personne de cet univers ?

Les questionnements et les angoisses s'insinuaient en moi, présence invisible qui me hantait et grandissait, alourdissait mon cœur. Qu'allait-il se passer, au juste ? Ce genre d'action n'admettait pas de répétition préalable, de test précédant le moment fatal, d'essai hésitant. Et puisque je ne pouvais plus faire demi-tour, poussée par le mouvement du groupe, je sentais le moment inexorable se rapprocher, vicieux, et l'inconnu, le néant, m'attirer comme un aimant.

Au bout d'une demi-heure de marche, l'impatience commença à rejoindre cet entremêlement d'émotions embrouillées, brumeuses et contradictoires. Le stress se faisait plus pressant, aussi. Quand allions-nous arriver, au juste ? Combien de temps nous restait-il avant de changer la face de ce monde ? Cinq minutes ? Une heure ? Deux jours ? Allez savoir. Qu'allait-il se passer lorsqu'Aries, Élios et moi collerions nos bracelets les uns aux autres afin d'en libérer leur puissance ? Allions-nous disparaître, nous aussi, sacrifier nos trois âmes contre la vie de millions d'autres ? Ou bien allions-nous rester, dépouillés d'une partie de nous-mêmes ? Les questions se pressaient au bord de mes lèvres et se bousculaient les unes les autres.

Quelques mètres devant moi, la Colombe continuait d'avancer, le menton haut, et, bientôt, à son dos qui se faisaient de plus en plus rond, je compris que nous approchions. Nous approchions. Nous approchions. Nous approchions ! Nous approchions ? Mon cerveau refusait de faire les connexions nécessaires pour que j'enregistre et intègre l'information ; pourtant, celui-ci continua à me marteler de ces deux petits mots durant de longues minutes encore.

Au détour d'une rue bondée, je vis la Colombe tourner dans une allée dont j'aurais raté l'entrée si elle n'avait pas été là. Je m'y engageai à mon tour : c'était une impasse.

La course des étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant