Lorsque je rouvris les yeux, le lendemain matin, ce fut à cause de la chaleur et de l'étau qui compressait ma poitrine sans pitié. J'avais la sensation physique d'être oppressée, et, dès que je me redressai après avoir violemment sursauté, mon regard chercha par réflexe mes amis.
Au repos quelques instants avant, mon cœur s'accéléra subitement, mélange de stress, de crainte, de mal-être. Vingt-quatre heures plus tôt, tout était différent, et maintenant... rien ne serait jamais pareil. J'avais l'impression qu'avoir vécu cette attaque m'avait profondément changée, même si je ne savais pas dire ce qui avait changé exactement. Mais je n'étais plus la même. Je ne le serais plus jamais.
La violence, le danger, m'avaient rattrapée subitement, sans que je puisse m'y attendre, et maintenant, l'effroi m'avait marquée au fer rouge, il planait au-dessus de ma tête comme un nuage noir, et maintenant, et maintenant, qu'allait-il se passer, qu'allions-nous faire, que, que, que...
— Cassiopée !
Je sentis deux mains se poser fermement sur mes épaules en me secouant, et j'eus un haut-le-cœur. Je laissai ma tête pencher vers l'avant et posai une main sur ma poitrine. Ma crainte était si intense que mes pensées ne pouvaient plus se traduire par des mots, et alors mon anxiété m'avait submergée, le temps de quelques instants. Après n'avoir pu respirer pendant cette courte durée, je pris plusieurs grandes inspirations alors qu'Aries tentait de capter mon regard, les yeux plissés.
— Ça va, Cassiopée ? Ça va mieux ?
Rassurée par ce visage familier, par cette voix connue, par cette présence, je tendis les mains en avant, je cherchai à agripper son dos, sa nuque, ses épaules, ses bras, je ne voulais plus être seule, plus être seule. Je compris une chose : j'avais quitté ma maison et m'étais engagée au sein de cette Guilde en pensant tout savoir, tout connaître, être préparée à tout, en croyant naïvement que tout se passerait bien ; mais une seule chose était sûre, c'était que je n'étais pas armée, émotionnellement parlant, pour faire face à cette violence. Moi qui m'étais sentie si puissante, je comprenais maintenant que je n'étais rien face au monde, pas même une insignifiante poussière.
La réaction normale à ce trop-plein de stress, sur le moment, aurait été d'éclater en sanglots ; pour une fois, je ne les aurais pas réprimés. Mais je n'y arrivais pas. Je n'y arrivais même pas, je n'y arrivais même plus. Quelque chose en moi s'était éteint, j'avais l'impression étrange d'être vide et lourde comme du plomb. J'eus la gorge serrée, jusqu'à ce que ça me fasse un mal de chien, mais je continuai, tétanisée, à m'accrocher à Aries, le visage enfoui dans l'une de ses épaules – j'ai oublié laquelle –, à répéter inlassablement « ne me laisse pas » d'une toute petite voix.
Je ne sais pas vraiment combien de temps je mis à reprendre mes esprits, à sentir toute l'horreur qui m'écrasait s'atténuer un peu. Une poignée de seconde ? Une dizaine de minutes ? Deux heures ? J'avais perdu la notion du temps. Mais quoiqu'il en soit, Aries resta là, sans bouger, à me réconforter, à attendre que je revienne à moi, à m'étreindre comme on étreint un ami.
— Merci, murmurai-je, enfin, lorsque je me séparai de lui.
Je me frottai les yeux machinalement avant de reposer mon regard sur lui, qui me fixait d'un air inquiet, les deux sourcils relevés.
— Ça va ?
— Non, soupirai-je en secouant la tête.
Autant être honnête. Il aurait été ridicule de répondre à sa question par l'affirmative. Aucun de nous deux n'aurait été dupe, et cela n'aurait fait que nous éloigner. C'était la dernière des choses dont nous avions besoin après l'épisode que nous venions de vivre, aussi secouai-je timidement la tête après avoir parlé.
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La course des étoiles
Ciencia Ficción𝗜𝗟𝗦 𝗘́𝗧𝗔𝗜𝗘𝗡𝗧 cinq. Cinq âmes rêveuses, égarées dans un monde où trop de choses n'allaient plus. Cela faisait maintenant vingt-six ans que la guerre était finie et que le peuple d'Eques était dirigé d'une main de fer par un dictateur aussi...