Alors, la Colombe actionna la poignée et nous nous engageâmes dans le couloir : je remarquai la richesse des décorations, l'espace presque infini entre les murs et la hauteur vertigineuse du plafond. Comment pouvait-on vivre là-dedans et accabler toujours plus son peuple de taxes ? C'était le monde à l'envers.
Nous ne mîmes pas longtemps avant d'atteindre un détour de couloirs où une grande porte de bois couleur ébène s'imposait : si nous n'avions pas trop croisé de soldats avant d'arriver ici – du moins pas de gardes difficiles à éviter –, cet endroit-là était gardé par deux grands colosses dont la moitié du visage était dévorée par un grand tatouage sombre en forme d'aigle, probablement installé là au fer.
Les deux gardes tenaient dans leurs poings de grandes lances, et je frissonnai. Comment allions-nous passer cet obstacle ? N'y avait-il pas une autre entrée ? Je réfléchis un instant, essayant de me remémorer ce que j'avais pu voir du palais lors de notre arrivée à Étincielle : il y avait bien la fenêtre qui donnait sur le grand balcon sur lequel Aquila servait ses, officiellement, discours, mais officieusement, mensonges. Non, c'était bien trop bien gardé, nous avions eu raison de choisir ce lieu-là. Deux personnes étaient plus faciles à berner que dix, après tout.
Lou resserra sa poigne sur les galets que j'avais ramassé la fois où j'étais passée au marché pour acheter et voler de la nourriture. Iel inspira un grand coup avant de reculer d'un pas, espérant de toute son âme ne pas avoir fait trop de bruit.
Puis iel lança un premier caillou de l'autre côté du couloir en y mettant toute la force dont iel était capable, avant de se replaquer contre le mur où nous nous cachions. Le bruit attira l'attention des deux gardes, qui se lancèrent un regard sévère, communiquant sans bruit. Au prix d'une demi-dizaine de secondes, celui de droite se détacha de son immobilité presque irréelle pour aller jeter un coup d'œil dans le corridor d'à-côté. C'était notre chance : presque aussitôt, Lou rejeta un galet du même côté, puis, sans perdre de temps, un de l'autre. Puis un autre : nous vîmes le soldat hésiter, avant de se déplacer, à pas lents, les sourcils froncés à l'extrême, vers la source du bruit.
Ce couloir étant celui qui se trouvait juste devant nous : à partir du moment où le garde nous verrait, nous n'aurions que quelques secondes pour agir et entrer dans la salle du trône avant qu'il ne donne l'alerte et que son collègue ne nous rattrape afin de nous trancher la gorge.
Un pas. Deux pas. Trois pas. Quelques secondes avant l'impact. Presque. Presque. Presque.
— Maintenant ! s'écria la Colombe, décidée.
Elle n'avait pas crié, elle n'avait pas chuchoté : elle avait simplement l'expression d'une meneuse, aussi courageuse qu'inflexible, aussi déterminée qu'audacieuse, et avait lancé cet ordre d'une voix pleine de sang-froid. Sans attendre, nous nous mîmes à courir dans le grand couloir, atteignant la porte en quelques secondes sans nous arrêter sur le « Hé ! » inflexible du second soldat et tirâmes la porte de toutes nos forces : elles n'étaient pas fermées. Ce genre de porte ne l'était jamais. Mais c'était lourd, si lourd...
Pourtant, de la lumière commença à apparaître. Un petit rai, juste un petit rai, mais c'était suffisant pour nous faire devenir surhumains : tout s'achèverait dans quelques secondes, j'en étais désormais plus que sûre. Lou, la Colombe, Aries, Élios et moi rugîmes d'une seule et même voix en fournissant un dernier effort pour ouvrir ce passage : derrière nous, les pas lourds et pressés d'une dizaine d'autres gardes retentissaient. Ce n'était qu'une infime partie de tous ceux qui se trouvaient dans ce lieu, et j'étais sûre que dans une demi-minutes, nous serions submergés par le nombre. Allez, saleté de porte, ouvre-toi en grand ! Je tirai de toutes mes forces, et, bientôt, la petitesse de l'espace entre les deux battants s'effaça : je m'engageai dans la pièce, le souffle court, faisant corps avec mes quatre autres amis.
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La course des étoiles
Fiksi Ilmiah𝗜𝗟𝗦 𝗘́𝗧𝗔𝗜𝗘𝗡𝗧 cinq. Cinq âmes rêveuses, égarées dans un monde où trop de choses n'allaient plus. Cela faisait maintenant vingt-six ans que la guerre était finie et que le peuple d'Eques était dirigé d'une main de fer par un dictateur aussi...