Chapitre 13

15 3 0
                                    


Quelques minutes plus tôt, monsieur Li Làng, mon père, vint me voir. Il a joué les innocents devant moi et voulait se faire pardonner ; quel euphémisme ! Pour moi, il aurait dû s’agenouiller et me supplier de lui pardonner son infamie. Je l’avais regardé droit dans les yeux et l’avais demandé ce que je signifiai pour lui quand il m’a vendu à Nabal ; je l’avais demandé s’il me voyait réellement comme sa fille, son sang ; je l’avais demandé ce que j’avais pu faire de mal, pour qu’il m’eut traité comme une nègre qu’on aura vendu chez un blanc pour être son esclave en échange d’un sac de riz. Bien que j’aie la peau blanche avec de long cheveux noir, je suis une africaine de nationalité.
    Je lui aie dit tout ce que j’avais sous le cœur pendant ces trois années qui ont suivi mon mariage forcé ; j’ai pleuré, j’ai beaucoup pleuré. La colère et la rancœur que je ressentais pour lui étaient encore là, j’avais l’impression que quelqu’un venait de rouvrir cette plaie profonde que j’avais fermée pendant tant de temps. Mais tout porte à croire que, cette plaie n’avait jamais cicatrisé.
    « Je ne veux plus te voir ici ; peux-tu je te prie, retourner en Chine et faire comme-ci je n’existai pas, comme-ci tu n’avais jamais eu de fille ? » lui avais-je dit. Il se mit à couler des larmes, on croirait qu’il m’aimait et que je suis sa fille. L’a-t-il oublié ? Le jour où il m’a vendu, je n’étais plus sa fille. Il se retira de devant moi, sans dire un seul mot, rien qu’avec un regard éprouvé. A ce moment-là, j’ai failli émousser mes mots, en me disant que j’étais peut-être allé trop loin ; mais peine à lui, le souvenir le plus en vigueur que j’avais de lui ne laissait place aux sentiments mitigés. Quel dommage.

    Les gens font souvent des choix qu’au final, ils finissent par rebrousser chemin en regrettant amèrement leurs décisions. Ces décisions qui coûtent chère aujourd’hui à Li Làng, ne lui permettaient pas de dormir huit heures d'affiliés de sommeil ; sauf s’il est fait de pierre et de roche.
    « Madame, pourquoi l’avoir repoussé de la sorte ?
  _Parce que c’est tout ce que je pouvais lui donner. Le sais-tu, on ne donne que ce que l’on a ; ce que j’ai, ce n’est pas de la gratitude ni de l’affection ni même de la compassion ; ce que j’ai, c’est du mépris et je le lui ai donné ».
    Je me demandai en passant, où se trouvait Laurin, pourquoi n’était-il toujours pas venu me voir ? Je me suis réveillé depuis un bon bout de temps et il n’était toujours pas là. Je m'adressais alors à Anne et lui demandai la raison pour laquelle Laurin n’était pas là. Elle me répondit en disant qu’il avait d’autres patients à suivre et qu’il passerait me voir quand il le pourrait.
    « Madame, puis-je vous poser une question, indiscrète ?
  _Bien sûr, ce que tu veux.
  _Qui y a-t-il entre vous et le Dr Laurin ?
  _Oh ! Ça ! Murmurai-je. Pour tout te dire, entre lui et moi il y a plus qu’une relation de patient à docteur. Mais je ne sais pas, si je dois te dire ce secret. J’ai peur que tu ne me trahisse en disant tout à monsieur.
  _Madame, je ne compte pas le faire ; si possible, je vous aiderai. Il est vrai que je suis les ordres de monsieur qui vont souvent au dépourvu de vos souhaits et en cela, je n’aie pas de choix. Mais pour tout vous dire, j’ai toujours été contre sa manière de faire les choses, surtout vous concernant. Était-elle sincère ?
  _Le bébé que je porte n’est peut-être pas de monsieur. Il est donc fort possible qu’il soit de Laurin.
  _Quoi ? Hurla-t-elle avant que je ne lui demande de baisser d’un ton. Madame, vous avez vraiment eu le toupet de tromper monsieur et d’avoir de sur croix, un enfant de votre amont ?
  _Oui, j’ai eu ce toupet-là et je ne le regrette pas. Sais-tu pourquoi ?
  _Pourquoi ?
  _Parce que c’est pour la première fois que je tombe amoureuse et que je fasse l’amour avec autant de désir et de passion. J’ai toujours couché avec monsieur, mais je n’aie jamais donné mon cœur en lui laissant me touche ; je l’ai toujours fait par astreinte, non pas parce que je le voulais. Es-tu déjà tombée amoureuse ?
  _Non, jamais.
  _Le jour où tu le seras, tu me comprendras.
  _Je vous comprends et sachez que, je vous aiderai à garder cette relation secrète.
  _Merci Anne ! Je ne m’attendais pas à ça venant de toi. Et à compter d’aujourd’hui, cesses de me vouvoyer et de m’appeler ‘’Madame’’ à tout bout de champ quand nous sommes seul ; appelle-moi Isabelle ou Dayanna.
  _Vraiment ?
  _Vraiment »

L’amitié entre Anne et moi devenait de plus en plus ouverte. J’ai vécu tant de temps avec elle et les seules facettes d’elle que je voyais étaient celle d’une servante fidèle à son maitre et d’une servante effrayée par ce que pouvait faire son maitre si elle désobéissait à un ordre. A présent, je vois désormais une femme prête à compatir à la douleur d’une autre et à l’aider. La vie peut parfois nous surprendre au moment où on s’y attend le moins.
    Quelques jours passés à l’hôpital m’avait fait beaucoup de bien que, rentrer chez Nabal était une véritable punition dont j’avais l’impression que Dieu m’infligeait. Laurin passa souvent me voir quand il le pouvait et Anne nous laissait seul ; j’étais comme une jeune adolescente amoureuse d’un de ses camarades de classe. Mener une double vie devenait pour moi agréable ; tant que je pouvais voir mon bien-aimé, tout m’allait.

Vendu par mon pèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant