Chapitre 14

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Mon cher monsieur Li Làng avait décidé de vivre dans la résidence ; sa raison la plus pertinente était qu’il voulait être plus près de moi. Suis-je aussi stupide à ses yeux, pour croire à de telles inepties ? Je le voyais se pavaner par-ci et par-là ; à faire je ne sais quoi et à chercher je ne sais qui, pourvu juste que je le regardai, il faisait de la résidence son plateau de tournage. Il ne trouva point mon talent d’Achille, puisque celui-ci se trouvait dans mon ventre. Deux mois se sont déjà écoulés, depuis qu’il est arrivé de Chine. Monsieur quant à lui, avait appris pour ma grossesse il y a un mois ; il était si furieux qu’il eut voulu nous bruler vif, mes dames de chambre et moi. Mais je n’aurai jamais pu croire un instant que, Li Làng me protégerait mes servantes et moi. Cependant, le fait qu’il nous ait sauvé la vie, ne l’exemptait pas de ma colère, bien au contraire ; car, cet acte qu’il a eu à poser pour me protéger, m’a fait me sentir encore plus misérable que je ne l’étais déjà. Pour moi, c’était comme apporter des vêtements et de la nourriture à un orphelin en lui disant : je t’apporte tout ceci parce que j’en avais tellement chez moi et que j’ai eu pitié de toi ; car tu en manquais, autant te les donner et ne pas les jeter. Li Làng à ce moment-là avait eu pitié de ma misérable vie qu’il avait vendu ; il n’avait pas voulu se racheter, non ; il voulait juste me prouver, prouver à la terre qui le portait étant qu’être vivant, qu’il pouvait aussi faire quelque chose de mémorable pour sa fille. J’appelle ça de l’hypocrisie ; c’est bien l’infidèle Israël qui paraît innocent en comparaison de la perfide Juda qu’est Nabal. Ai-je un cœur de pierre, raison pour laquelle je n’arrive pas à lui pardonner ses péchés ? Peut-être.

    Nabal me laissait manger et porter ce que je voulais ; car, disait-il : « profite s’en, pendant que tu portes cet enfant ; demain, tu n’auras plus de privilèges et tes faveurs ne représenteront plus rien à mes yeux ; car, tu les auras épuisés après la naissance de ton enfant ». J’avais donc intérêt à me préparer physiquement et mentalement.
    « Weiwei, comment te sens-tu ce matin ? As-tu pris ton petit déjeuner ? M’enquis Li Làng.
  _Oui, j’ai déjà petit déjeuner. Si tu me permets, je vais aller dans ma chambre ».
    A chaque fois qu’il se présentait devant moi, je trouvais toujours une excuse pour me retirer de devant lui.
    Près de midi cinquante, pendant que j’étais assise dans le jardin, Anne vint me dire que monsieur avait un voyage urgent à faire et qu’il ne savait pas quand il rentrerait. Ce voyage ne pouvait pas tomber mieux ; j’avais besoin de vacances. Bien que la présence de Làng me posât problème, je pouvais néanmoins le supporter. Avec cette bonne nouvelle, je demandai à Anne de m’apporter des fruits, si cela bien sûr, était possible. « Tout ce que vous voulez madame » me rétorqua-t-elle. Elle n’avait toujours pas oublié ses manières avec moi ; toujours madame par-ci, madame par-là ; pauvre Anne. Je ne pouvais pas l’en vouloir de ne pas m’appeler par mon prénom ; elle y était déjà habituée. Pour ce faire, il me fallait employer des moyens efficaces pour lui enlever l’excès de respect qu’elle avait pour moi.
    Je montai dans ma chambre et m’allongeai tranquillement dans mon lit ; je caressai mon ventre ; il avait légèrement grossi en bas. Il faut croire que j’avais un gros bassin.
    « Mada...Isabelle, tes fruits sont là ; me dit Anne.
  _Viens manger avec moi, veux-tu ?
  _Mais…
  _Il n’y a pas de mais qui tienne.
  _Si tu insistes ».

Plus les mois passaient, plus ma grossesse devenait visible. Monsieur allait et revenait du pays à chaque fois qu’il le voulait ; tellement qu’il s’ennuyait de moi, il ne trouvait pas un autre passe-temps que moi. J’étais pratiquement à terme de ma grossesse ; il ne manquait plus qu’une semaine avant que ne naisse mon bébé.
    Nous avions déjà tout préparé et, Anne et Dorline lui avaient fait cadeau d’un beau berceau de couleur rose. J’avais hâte qu’elle vienne au monde et s’y installe. Avec mon gros ventre, c’est à peine si je pouvais descendre les escaliers. Monsieur, depuis qu’il avait su pour ma grossesse, ne m’autorisait plus à me présenter devant lui. Et Li Làng, passait ses journées à compter les fleurs du jardin ; s’il s’ennuyait tant que ça, il pouvait retourner en Chine, la porte de sorti était libre d’accès ; n’avait-il pas de famille là-bas ?
    « Isabelle, le Dr Laurin est venu ; me dit Anne.
  _Eh bien, que Dorline me l’emmène ; lui répliquai-je. Cela faisait des semaines que je ne l’avais pas vu. »
    « Quelle belle surprise mon amour ! Que me vaut l’honneur de ta visite dans cette résidence ?
  _Eh bien très chère, je me languissais de toi ; le croirais-tu ?
  _Pourquoi pas ?
  _Vrai est de constater que tu as encore pris du poids.
  _Est-ce un compliment ou...devrai-je le prendre pour une insulte à ma personne ?
  _Qu’en penses-tu ?
  _Je vais pour notre fille, le prendre pour un compliment. De toute évidence, tu m’aime avec cette rondeur.
  _Ça, tu l’as dit.
  _Alors, vas-tu m’examiner ou tu tiens à rester cloitré là, debout à me dévorer du regard ?
  _Je me hâte alors. IL m’examina et vit que tout allait bien ; il prit place près de moi, me frôla la joue gauche en me disant : « viens avec moi je te prie.
  _J’aimerai tant ; mais comment puis-je venir avec toi ? Nabal nous retrouvera.
  _Mais notre fille a besoin d’une famille, je suis son père et je veux m’occuper de ma fille.
  _Sans aucun doute, tu t’en occuperas ; mais donne nous du temps.
    « Weiwei ! » Hurla Làng à l’entrée de ma chambre.

À suivre...

Vendu par mon pèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant