Chapitre 6

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Le jour suivant, monsieur appela par le portable d’Anne. Moi je n’en ai pas ; car monsieur ne m’en donne pas le droit et ne me parle jamais au téléphone. « Madame, monsieur vous passe le bonjour et vous souhaite d’aller mieux ». « Dis-lui que tant qu’il se porte bien, je ne peux qu’aller mieux ». Je suis passée maitre dans l’art du mensonge ; je crois pouvoir mériter un titre et un trophée que le monde m’accorderait au pourvu de Nabal.
    Quelques instants après que ma dame de chambre soit sortie de la chambre, le docteur fit son apparition.
    « Contrôle, me dit-il.
  _Docteur Laurin, c’est ça ? Lui demandai-je.
  _Effectivement. Comment allez-vous ce matin ?
  _Très bien ; puis-je sortir aujourd’hui docteur ?
  _Vous ne sortirez pas d’ici avant deux jours. Madame Nabal, tout à l’heure quand vous parliez à votre dame…
  _Dame de chambre.
  _Oui c’est ça ; tout à l’heure quand vous lui parliez, j’ai tout entendu.
  _Et donc ?
  _Pourquoi mentez-vous ? Et pourquoi votre mari ne vient-il pas vous voir ?
  _Il est en voyage.
  _En voyage dites-vous ? Et…pourquoi ne lui avez-vous pas parlé au téléphone ? Votre dame de chambre, pourquoi rapporte-t-elle ce que vous étiez censé vous dire de vive voix ?
  _Vous posez beaucoup trop de questions, ma vie privée ne vous concerne en aucune façon. Votre travail se limite juste à me guérir, au-delà de cela, il n’y a rien d’autre.
  _D’accord ! me dit-il avec un regard attristé ».
    Après avoir fini de m’examiner, il s’en alla sans dire un mot. Etais-je allé trop loin en le repoussant ?

    Le jour de ma sortie était en fin arrivé ; j’avais tellement hâte de quitter ce lit, mais en réalité, je voulais tellement y rester. Néanmoins dans ce lit, je n’avais pas besoin de faire des cérémonies barbantes ni besoin de me faire vêtir et maquiller comme le souhaite toujours monsieur. Robes, culottes courtes exhibant mes cuisses ; maquillages attrayants aux yeux de cet homme étrangement mortel. Je voulais être libre. « Madame, la voiture nous attend » me dit Anne. Nous partîmes de la clinique pour la résidence ; plutôt, ma prison.
    De nouveau à la résidence NABAL, un accueil chaleureux m’attendait. Bonde d’hypocrites, toujours là en train de jouer les scénarios de monsieur Nabal. N’en ont-ils pas mare ? « Bienvenue madame » me dit les serviteurs. « Merci à tous » leur répondis-je avec un large sourire plus que suffisant pour leurs faire croire que je suis ravi de leur accueil. Cependant, je suis sûre qu’eux aussi ont en assez de jouer des théâtres tous les jours et d’être muet devant celui qu’ils servent. Quand je suis rentrée, il était 14h ; je suis montée me reposer en attendant l’heure du second scénario du jour ; l’arrivée de monsieur.

Toujours avec le même timing, mes dames de chambre me préparèrent. « Monsieur est arrivé » me dit Anne. Nous descendîmes à l’entrée et reçûmes comme d’habitude monsieur. Le diner prit, il me demanda de le servir cette nuit. Je savais qu’il était un homme étroit d’esprit, mais à ce point ? Se souvenait-il que le docteur m’ait demandé de me reposer cette semaine ? Peut-être, peut-être pas. Je servis pendant quelques heures monsieur avec difficultés et j’espérai franchement qu’il ne s’en était pas aperçu. Le lendemain matin, mon esprit me réveilla à 5h du matin, sans que l’une de mes dames ne me réveille. Je descendis les escaliers et me dirigeai vers la sortie pour prendre un peu d’air frais. J’avais complètement oublié qu’il fallait que l’on me prépare pour petit déjeuner avec monsieur. Je restai assise sur le sol à contempler le ciel qui passait du sombre au bleu de nuit et petit à petit, je vis le soleil se lever. Dans mes souvenirs, le soleil levant était toujours magnifique, rempli d’énergie qu’il renvoyait sur les arbres et les herbes, même la terre pouvait profiter de son exquis éclat. Mais aujourd’hui, j’ai senti une autre sensation étrange, comme-ci ce soleil n’était plus le même, qu’il était aussi emprisonné comme moi ; car je suis restée là à le regarder monter vers l’occident et il ne m’a point renvoyé son énergie, je ne l’ai pas senti me couper le souffle comme dans mes souvenirs, je ne l’ai pas non plus senti m’emplir d’allégresse. Il y avait un silence fou pendant un instant, puis les oiseaux se mirent à chanter dans leur langage ; le bruit du vent me prit par surprise pendant que je me levai pour m’étirer les jambes. La peur d’être puni se rompit pendant un instant.

  Pendant ce temps, les serviteurs me cherchèrent dans tous les lieux possibles ; mais aucun d’eux ne me trouva. Personne ne pouvait se douter que je m’étais caché dans l’arrière-cour. Je laissai le temps s’écouler, jusqu’à ce que monsieur s’en alla à 7h au travail. A ce moment-là, la peur rampa dans mon ventre, la peur de la punition, celle d’être enfermé dans cette chambre froide ou d’être fouetté par Junior après le départ de monsieur ; je fis mon apparition dans le grand salon. Tout le monde me regardait avec étonnement et certains secouaient la tête ; pour quelle raison ? Je n’allai pas tarder à le savoir. D’un seul coup, nous entendîmes le bruit des mains qui se frappaient contre elles ; c’était des acclamations. Les serviteurs se dispersèrent et laissèrent le salon vide avec seulement moi, puis des escaliers descendit monsieur. « Dieu du ciel, cet homme n’était donc pas parti. Je vais avoir de gros ennui » pensai-je.
    Monsieur me regardait avec un regard meurtrier, avec un fouet à la main. Dès que je le vis, je reculai d’un pas à l’autre au fur et à mesure qu’il descendait, jusqu’à attendre la porte de sortie ; mais celle-ci était fermée. Monsieur vint vers moi lentement et me prit la main, m’emmena au milieu du salon, là où l’espace était inoccupé et me jeta à terre. Là, il me dit : « tu n’as jusqu’à présent, jamais été frappé par moi ; mais aujourd’hui, je vais t’apprendre les bonnes manières par ma main et par mon corps ». « Monsieur, je vous en prie, libérez-moi. Je veux sortir de cette maison ». Je lui parlai en pleurant, mais cela ne servit à rien. Il me frappa, me prit de force et abusa de moi. Nabal me frappa nonchalant jusqu’à ce que je perde complètement la force de me défendre ; il me frappa comme on frappe une bête sauvage. « Arrêtez de me frapper…arrêtez de frapper…Je ne le ferai plus jamais…je ne demanderai plus à sortir d’ici. Je…vous donne mon âme si vous le voulez ; mais arrêtez de me frapper » lui disais-je d’une voix forte en pleurant. Les serviteurs qui étaient dans la résidence écoutaient distinctement mes cris et mes pleurs, mais ils ne pouvaient rien faire pour moi, même s’ils le voulaient.
     Il y a un mot spécial qui peut décrire le vide, la douleur, le désarroi, l’épouvante, la haine, le mépris, la colère, le dégout, que j’eus ressenti ce jour-là, comment s’appelle-t-il ? Je ne pense pas que le dictionnaire est un mot approprié pour nommer tout ce sentiment, nommément d’insécurité que j’éprouvai en ces instants.


À suivre...

Vendu par mon pèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant