Chapitre 39

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   LEXA

   Ça fait déjà plus deux heures que nous sommes dans le train. Nous avons discuté un petit moment avant que Clarke ne tombe de fatigue. Elle dort d'un sommeil de plomb, le visage enfoui dans mes cheveux et nos doigts enlacés. Je me penche pour embrasser son front et lui dégage le visage. Elle se colle encore plus contre moi, mais ne se réveille pas pour autant.

   Mon téléphone vibre dans ma poche et je suis obligée de me contorsionner pour l'en extraire.

   Anya. C'est la troisième fois qu'elle m'appelle depuis hier, je ne sais pas ce qu'elle me veut, mais si c'est si urgent, pourquoi ne laisse-t-elle pas un message ?

- Allo, chuchoté-je.

   Anya et sa mère sont arrivées chez nous, hier dans la soirée. Je pense qu'elle n'a pas très bien pris, le fait, que je sois ailleurs pour les fêtes.

- Enfin, tu réponds ! Je ne vois pas l'intérêt d'avoir un portable, si on ne peut jamais t'avoir.

- Baisse d'un ton, tu veux ? Je suis dans le train et je crois que tout le monde s'est réveillé à cause de toi.

   Je m'enfonce un peu plus dans mon siège. Clarke n'a pas bronché. Décidément, rien ne peut interrompre son sommeil. C'est vrai que la nuit a été courte. J'imagine que c'est pour cette raison qu'elle dort si profondément.

- Alors, c'est la vérité, tu passes les fêtes avec elle ? M'interroge-t-elle plus calmement.

- Clarke, elle s'appelle Clarke et oui je passe noël dans sa famille.

- Et nous alors, on compte pour du beurre ?

- Tu sais très bien que ce n'est pas contre vous, mais j'ai besoin de cet espace. Quand je suis avec Clarke, j'ai l'impression d'être normale.

   Noel dans ma famille, ce n'est pas exactement un conte de fée. Mon père est omniprésent et ma mère broie du noir constamment. Ma tante essaie coûte que coûte de faire de l'humour, mais au bout du compte la seule chose qu'elle réussit à faire, c'est mettre tout le monde mal à l'aise. Après quelques verres, mon beau-père prend toujours un malin plaisir à remuer le couteau dans la plaie en parlant de ce que mon père a fait. Et au bout du compte, tout finit par dégénéré. Heureusement que ma cousine est là pour calmer le jeu.

   Ma cousine Anya à seulement trois ans de plus que moi, et même si nous ne nous voyons pas tous les jours, elle se comporte toujours comme une grande sœur. Elle ne peut pas s'empêcher de me surprotéger. Elle suit des études de droit à la fac de Lyon, ce qui occupe la plupart de son temps, mais elle vient me rendre visite le plus souvent possible. Tout ça pour s'assurer de mon bien être.

- Je suis heureuse que tu aies trouvée quelqu'un qui te raccroche à la vie, dit-elle.

- Elle est beaucoup plus que ça, sans elle ça fait longtemps que j'aurais suffoqué, admets-je.

   Ma cousine laisse un blanc, comme si ce que je venais de dire avait une importance capitale.

- J'imagine que ta mère ne t'a pas appelé.

- Non. Mais je ne vois pas pourquoi, je l'ai vu hier soir avant de partir.

- Comme d'habitude, elle évite d'affronter la réalité. Écoute, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Ton avocat a appelé pour prévenir que ton père avait fait une demande de liberté.

- Je n'ai pas envie de parler de lui maintenant. Si je m'éloigne de tout ça, ce n'est pas pour en discuter par téléphone, la coupé-je.

   Clarke dort, mais je ne veux pas prendre le risque qu'elle puisse entendre quelque chose.

- Je sais bien, mais l'audience est dans dix jours, ce n'est pas à prendre à la légère. Tu ne peux pas éviter le sujet tout le temps. Pas seulement parce que ce n'est pas une solution, mais surtout parce que ce n'est pas bon de tout garder pour toi. Tu n'es pas toute seule, on est là et Clarke aussi, tu devrais te confier à elle. Elle est amoureuse de toi.

   Anya souffle bruyamment dans le combiné. Elle déteste quand je fais ça. Elle reste un moment silencieux avant de revenir à la charge.

- Je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie, c'est juste que... Enfin, je m'inquiète pour toi.

- Je sais, mais il n'y a pas de quoi. Tout est sous contrôle.

- Moi, je n'en suis pas si sûre.

- Qu'est-ce que tu en sais ? La dernière chose que j'ai besoin en ce moment, c'est de quelqu'un qui me dise, ce que je dois ressentir ! Entonné-je.

   Un blanc s'installe. Je sais que je l'ai blessé sans le vouloir.

- Je n'essaie pas de te contrôler. J'ai simplement peur de te perdre.

   Je sais qu'elle est sincère. L'émotion soudaine dans sa voix en est la preuve. Je m'en veux de me compoter de cette façon avec elle, j'oublie trop souvent ce que les autres peuvent ressentir. Je ne me concentre que sur mes soucis en oubliant que ma famille est la première à les partager. J'y peux rien, c'est plus fort que moi. Système d'auto défense, si on peut dire. Anya ne mérite pas ça. Son enfance a été aussi perturbé que moi par les évènements dramatiques. Et je sais que quelque part, elle s'en veut, car d'une certaine manière, elle n'a pas vécu ce que j'ai vécu. C'est aussi pour cette raison, que nous sommes aussi proche. Nous sommes comme deux sœurs. Et, je me sens fautive parce que j'ai l'impression que c'est à cause de moi si elle ne sent pas le droit d'être heureuse.

   Je ferme les yeux et inspire une grande bouffée d'air pour me ressaisir.

- Je suis désolée d'être aussi conne, parfois. Passons à autre chose, tu veux ?

- D'accord.

   Anya est un don du ciel. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Elle pourrait très bien faire sa vie de son côté et ne pas faire attention à moi. Quelque part, ce n'est que ma cousine. Elle n'a pas à porter mes malheurs sur ces épaules. Pourtant, elle n'a jamais montré le moindre signe de rancœurs envers moi, bien au contraire. Elle a toujours été présente quand il fallait pour me soutenir. Mais je sais qu'elle en souffre plus qu'elle ne le montre. A plusieurs reprises, je l'ai vu retenir ces larmes devant moi. Je ne suis pas aveugle, je sais qu'elle reste forte juste pour moi. En restant loin, elle serait obligatoirement plus heureuse. Rien ne viendrait ternir sa bonne humeur. J'aimerais tant pouvoir effacer toutes les zones d'ombre du passé. Mais c'est impossible, même en me concentrant très fort, je n'arrive pas à oublier.

Je t'aime Lexa, chuchote-t-elle.

Idem cousine.

   Anya nous plonge une nouvelle fois dans le silence. Un silence doux et calme. Très loin des silences pesants habituelle. Clarke bouge et se blottie encore plus. Si elle continue, elle va me monter dessus. Ça me fait sourire.

- Tu as fait un très bon choix, elle est très jolie, fait observer Anya en parlant de Clarke.

- C'est vrai, mais je l'aime pour d'autre raison.

- Je vois de quoi tu parles, elle m'a fait très bonne impression.

- Tu m'étonnes. Il est impossible de ne pas l'aimer.

   Je sais de quoi je parle parce que j'ai tout fait pour ne pas craquer, mais je préfère ne rien dire. C'est mieux comme ça. Parce que ma cousine voudra par-dessus tout connaître tous les moindres détails de notre histoire et surtout de mes combats internes pour lui résister. Elle s'en délectera. Et je n'ai vraiment aucune envie de ressasser mes erreurs. Tout ce que je veux, c'est vivre. Vivre pleinement mon histoire avec Clarke. Un pas de plus chaque jour à ses côtés. 

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