âmes égales

Chapitre 67

   CLARKE

   Je suis incapable de mettre un mot sur mes sentiments. Depuis quelque temps, je fais simplement face à mes doutes. Je savais en persuadant Lexa d'accepter cette hospitalisation qu'elle ne se ferait pas du jour au lendemain. J'ignorais cependant à quel point l'attente me tourmenterait. Je lui ai fait promettre de me dire quand elle avait des idées noires et en retour, je tiens ma promesse. Je n'évoque jamais le sujet. Mais cela ne m'empêche pas d'y penser. Jour et nuit, j'ai peur qu'elle veuille en finir. C'est en moi, je ne peux rien faire pour la chasser. Tant que je ne la saurai pas accompagnée par des professionnels, elle sera toujours là tel un spectre.

   Nous sommes fin mai, la fin de l'année scolaire approche et avec l'épreuve du bac de français, mais je préfère ne pas y penser. Lexa et moi passons beaucoup de temps enfermés à réviser. Elle met un point d'honneur à ce que je décroche mon bac. Je suis encore indécise sur la suite de mes études. Je suis sûre d'une chose déjà, c'est que je ne veux pas m'éloigner de Lexa. Si j'abandonne définitivement l'idée de retourner à Paris, j'envisage de postuler à l'ESMA de Montpellier. Lexa ne cesse de m'y encourager. Ma mère en serait ravie. Quant à mon père, il avait d'autre projet pour moi, mais il s'en accommodera. Peu importe, s'il y a bien une chose que j'ai apprise aux côtés de Lexa, c'est que chaque jour compte.

   Je sais qu'aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres, et pourtant, je n'y porte pas plus d'importance que ça, à l'opposé de tout adolescent lambda. Octavia, Raven et moi sommes sur le chemin du retour après une journée épuisante à faire du shopping à Montpellier. Je me doute qu'elles ont été missionnées. Je m'attends certainement à une fête surprise. Octavia a décidé de me chouchouter. Je n'ai pas eu mon mot à dire. Pour leurs faire plaisir, et uniquement pour elles, j'ai accepté de me prêter au jeu, une vraie pretty woman. Nous venons juste de descendre du tramway. Nous ne sommes plus qu'à deux rues de chez moi.

   Octavia emprunte le chemin menant à la plage.

- Où tu vas ? demandé-je.

   Raven me pousse à la suivre et je ne bronche pas.

- Suis les pétales de rose sur le sable et tu trouveras ta destination. Passes un très bon anniversaire Clarke.

- Mais...

   Elle se penche en avant pour me déposer un baiser sur le front. J'en conclus que la discussion est close. Je me laisse porter par le moment. Je cherche une dernière fois les filles du regard. Octavia et Raven m'adressent un signe de main, un large sourire dessiné sur les lèvres. Plus cachotière tu meurs ! Moi qui pensais, pour finir, devoir me farcir une fête d'anniversaire surprise, je ne suis presque pas si étonnée que ça de constater qu'une fois de plus Lexa Woods a su me surprendre.

   Octavia n'a pas menti. Plus je m'enfonce dans le sable, plus les pétales de rose pailletée sur la plage m'emmène dans  la bonne direction. Tel le petit poucet, me voilà partie à la recherche de celle qui les a semées.

   Il est un peu plus de dix-huit heures. Le soleil est encore présent au milieu de ce ciel bleu. Je retrouve enfin Lexa. Elle est belle, vêtu d'un jean slim et d'un croc-top blanc. Elle est tout à la fois attirante et simple alors qu'elle est assise sur une immense couverture. Tout autour des lanternes nous encerclent. C'est magnifique.

   Un panier en osier se tient juste à côté d'elle. La mer s'étend à perte de vue devant nous. Quelques part vers l'horizon, des jet skis s'amusent au loin sur l'étendue d'eau, nous intimant un rythme frénétique. L'instant est parfait. Ma petite amie est parfaite.

      Lexa me tend la main.

- J'espère que les filles ne t'ont pas complètement épuisées parce que la journée est loin d'être terminée.

   Je me penche pour l'embrasser.

- Moi qui m'attendais à une fête surprise...

- Déçue ?

- Non, c'est encore mieux que tout ce à quoi je pensais.

Elle sourit.

- Tu devrais t'asseoir.

   Son sourire s'estompe. Je ne suis pas stupide, je sais qu'elle se pose encore des questions sur son avenir. Comme je n'ai pas envie de ternir la soirée, j'esquive le sujet.

- Tu as préparé ça toute seule ?

- L'essentiel oui. Pour la nourriture, Octavia et ma mère m'ont aidé. Ce qui vaut mieux pour toi, si tu ne veux pas être intoxiquée.

- Je meurs de faim !

   Sans attendre, Lexa sort deux assiettes en plastique. Pendant que nous dégustons salade de riz et poulet rôti, elle m'écoute raconter ma journée sans omettre aucuns détails. Elle rit chaque fois que j'évoque le sale caractère de ma meilleure amie. Octavia est du genre à n'en faire qu'à sa tête. Lorsqu'elle a une idée, elle n'en démord pas jusqu'à ce qu'on cède.

   Je ne vois pas le temps passer. La nuit tombe alors que nous arrivons au dessert : des cupcakes. Il y a une petite bougie sur le mien. Lexa sort un briquet de sa poche et l'allume.

- Souffle !

   Je prends mon inspiration et éteins la flamme. Je m'empresse de retirer la bougie et de mordre à pleines dents dans le gâteau. Il est excellent. Sa mère est une vraie pâtissière.

Lexa approche sa main de mon visage pour essuyer une miette sur le coin de ma bouche.

- J'ai vraiment passé une très bonne soirée. Merci.

- Elle est loin d'être finie, dit-elle.

- Ah oui ? Et quelles surprises me réserves-tu encore ?

   Lexa se lève et me tend la main pour m'inciter à en faire autant. Je lisse les pans de mon short en jean pendant qu'elle met en douce la musique sur son téléphone. Je ne m'y attendais pas. La musique trouble le silence de cette belle soirée. Je ris. C'est tellement bon de partager tous ces instants avec elle. L'atmosphère est soudain plus légère. La lueur des lanternes nous berce de sa lumière. Lexa me fait signe de la rejoindre, puis je fond dans ses bras et je me laisse emporter par la maladie.