âmes égales

Chapitre 27

Lexa

    Depuis près d'une demi-heure, j'écoute les sermons rébarbatifs du principal Jaha. Je me fais remonter les bretelles comme il se doit. Il me demande de présenter mes excuses à Medhi, mais je ne vois pas pourquoi. Ce surveillant est un vrai con et il ne s'en cache pas. D'ailleurs, il se fait un malin plaisir de m'enfoncer. Il cherche à me faire sortir de mes gonds. Mais je garde mon calme. Avec un peu de chance, le proviseur se rendra compte que la base du problème, c'est lui. Dans mon cas, c'est tout vu.

- Un dernier mot avant que je prenne ma décision ? questionne Jaha.

    Je regarde Medhi d'un œil mauvais et affiche un sourire moqueur. Quitte à me faire virer, autant l'être pour quelque chose. Dans tous les cas, je n'éprouve aucun regret. Aujourd'hui, j'ai vécu le plus beau moment de mon existence et plaquer Medhi contre un mur n'était qu'un plus. Il avait besoin qu'on lui remette les idées en place, ça en allait du bien-être des autres élèves.

- Je suis désolée monsieur, mais c'est un quiproquo, dans la précipitation, je l'ai malencontreusement bousculé, me défend-je.

    Le surveillant se lève à la hâte, mâchoire crispée.

- Arrête de faire l'intéressante !

- Vous pouvez retourner à vos occupations, Medhi, somme Jaha.

    L'intéressé s'offusque, reste interdit l'espace d'un instant puis quitte le bureau. Le proviseur attend que la porte se referme pour reprendre la parole.

- Lexa, je n'ai pas d'autre choix que de te renvoyer une semaine. J'espère que tu en profiteras pour réfléchir. Je ne peux passer outre ce comportement, tu es allée trop loin cette fois-ci. A plusieurs reprises, je t'ai laissé le bénéfice du doute, mais là, je ne peux pas laisser passer. Je viens de convoquer ta mère, elle va bientôt arriver. C'est dommage, si tu te concentrais un peu plus sur tes cours, je suis certain que tu excellerais dans les matières.

- La concentration, c'est pas mon fort, dis-je.

- Ça se travaille, tu sais. Ne te ferme pas à l'avenir. Tu es une gentille fille. Tu vas rentrer chez toi et faire le point sur ce que tu veux vraiment. Quand tu reprendras les cours, j'espère que tu prendras ta vie en main. La prochaine fois, je ne serais pas aussi clément et ce sera l'exclusion définitive. Ta mère est déjà prévenue. Il est temps que tu te prennes en main.

- O.K, je peux y aller maintenant ?

    Je me lève.

- Lexa, je suis sérieux pour l'exclusion !

- Reçu cinq sur cinq ! Bonne journée, monsieur.

    Je claque la porte. Je sais que j'ai des efforts à faire, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. J'ai tellement de colère en moi. Personne ne peut se mettre à ma place, ni même imaginer ce que je ressens. C'est difficile à comprendre quant on ne l'a pas vécu. Si j'ai autant de mal à me projeter dans l'avenir, c'est qu'on me l'a obscurci. Jusqu'à présent aucune éclaircie à l'horizon. Depuis Clarke. Tout est plus clair avec elle. Et c'est ce qui m'effraie le plus, car j'ai peur que tout ça ne soit qu'un mirage. Elle compte plus que tout pour moi. Je ne peux pas la perdre. J'ai besoin d'elle.

    Ma mère va me tuer. Ce n'est pas la première fois que je me fais renvoyer. Je suppose que le principal Jaha a dû lui parler de sa menace de m'exclure définitivement, elle doit péter un câble en ce moment. C'est sûr, je vais passer un sale quart d'heure. On va encore se disputer, puis ma mère va se braquer une nouvelle fois. Finalement, la culpabilité prendra le dessus une nouvelle fois et elle va finir par se confondre en excuse.

    Je connais ma mère, elle est rongée par la culpabilité. Et mon père n'y est pas pour rien. Je lui dirais de ne pas s'inquiéter et que je vais tout faire pour me tenir à carreaux. Elle va pleurer un bon coup et finira par me serrer très fort dans ses bras. Parce que quoi que je dise, elle se sent responsable et il fût un temps, moi aussi je le croyais. Cette culpabilité sera toujours présente tant qu'elle ne se sera pas pardonné, comme moi j'ai pu le faire. Vivre normalement est la seule solution, mais ça n'enlève rien à la réalité. Le souvenir est imprégné dans ma chair. C'est marqué au fer blanc.