The Lost Children | [𝚃𝚑𝚎 𝙴𝚟𝚒𝚕 𝚆𝚒𝚝𝚑𝚒𝚗]

Chapitre 5 | Absurdité.

"-Dis maman, ça changera rien, hein ?

-Qu'est-ce qui ne changera pas, Matthew ?

-Tu resteras comme avant ?

-Pourquoi je changerais, mon chéri ? Je resterais toujours là pour toi."

Bien sûr que non, ça ne changera rien.

Matthew était couché dans son lit, sur le dos, regardant le plafond sombre de la chambre plongée dans l'obscurité. Ses yeux ne parvenaient pas à se fermer, comment auraient-ils pu de toute façon ? Impossible de dormir, pas dans ces conditions, avec ce qui était en train de se passer dans sa vie.

Plus il y réfléchissait, et plus il se disait que ça n'avait aucun sens. Que c'était tellement illogique que ça ne pouvait pas être réel. À quel moment est-ce qu'il était censé vivre ça ? Il se repassait en boucle et en boucle la scène, cette situation dans laquelle il venait de se mettre, et à chaque fois, il ne comprenait pas. À chaque fois qu'il y pensait, elle était de pire en pire. Alors encore une fois, il devait essayer de faire le point, de partir du début pour espérer comprendre un minimum les choses.

Déjà, il venait de passer plusieurs mois à douter de Stefano, se disant qu'il avait sûrement tort, qu'il était juste devenu paranoïaque. Et maintenant, une fois qu'il en avait eu assez et qu'il devait à tout prix savoir, il lui annonçait qu'en effet, c'était bien lui le tueur. Rien que ça, c'était déjà improbable. Et c'était ça, le fait qu'il ait affirmé si facilement, qui le troublait énormément depuis le début. Par la suite, il devait avoir complètement bugué, être parti dans un autre monde, déconnecté de la réalité. Il ne s'était pas rendu compte de tout ce que ça voulait dire.

Alors, c'était bien lui.. Il s'y attendait pourtant, sinon il n'aurait pas demandé, sinon il n'aurait pas eu des doutes pendant un moment. Il était persuadé que c'était lui, mais le fait qu'on lui dise ouvertement avait quand même du mal à passer. Il aurait vraiment préféré que tout soit faux, et qu'il soit juste devenu fou à cause du manque de sommeil. Il devait accepter qu'il avait eu en face de lui le tueur en série dont tout le monde parlait depuis des années.

Comment pouvait-il réaliser que depuis le début Stefano lui mentait, lui cachait sa véritable nature, qu'il tuait des gens une fois la nuit tombée, qu'il avait réussi à faire comme si tout était normal pendant tout ce temps ? Ce n'était pas réel. Pas lui, pas Stefano, ça ne pouvait pas être lui. Pourquoi lui ? Pourquoi, pourquoi, c'est ce qu'il se répétait en boucle.

Il ne l'avait pas tué. Et il lui avait même dit qu'il n'en avait jamais eu l'intention. Mais ça aussi, pourquoi ? Qu'est-ce qui a fait qu'il était si unique, qu'il ait survécu ? C'était une des nombreuses choses qu'il devait absolument savoir, dans la longue liste qu'il y avait dans sa tête. Car Stefano ne lui avait rien expliqué. Il n'avait sûrement même pas jugé utile de lui dire, ce qui montrait à quel point Matthew semblait sûrement inutile, pas si important. Ça renforçait encore plus cette idée pessimiste qu'il s'était toujours dite.

Qu'est-ce qu'il faisait encore en vie, sérieusement ? Pourquoi n'était-il toujours pas mort ? Comment avait-il fait pour ne pas mourir à son tour ? Il aurait tellement préféré être mort, là maintenant. Ça lui aurait évité bien des problèmes. Ça lui aurait évité tout ce qu'il vivait actuellement, du coup. Car il en avait marre de penser, de se poser des questions. Surtout qu'il n'en avait toujours pas les réponses. Mais pour les avoir, il avait besoin de Stefano, sauf qu'il ne voulait pas le voir pour l'instant. Et sûrement pour un long moment.

Il ne savait plus quoi faire. S'il devait ne plus lui parler, couper tout contact avec lui. S'il devait juste réfléchir calmement à la situation et revenir lui parler normalement et tranquillement, ou s'il devait juste ne rien faire. Arrêter de penser, juste se laisser vivre comme une coquille vide pendant les prochains jours. Chaque idée lui semblait bonne à leur manière. Mais il ne savait pas laquelle il devait faire.

Surtout qu'en y pensant, il se rendit compte qu'il semblait aussi trouver tout ça étrangement normal. Comme si ce n'était qu'un détail, le fait que Stefano tuait des gens. Mais c'était un meurtrier, bon sang. Un fou, un malade mental, sûrement un psychopathe. Il n'allait pas bien psychologiquement, il était dangereux, c'était un criminel. Il devait se mettre tout ça à l'esprit. Stefano n'a jamais été celui qu'il prétendait être, tout ça n'était que des mensonges depuis le début.

Et ça, ça faisait mal. Il se sentait si bête, si idiot, comme le plus grand imbécile de tous les temps. Il lui avait fallu cinq ans pour se rendre compte de ça, et s'il ne s'en était jamais aperçu ? S'il n'avait jamais rien vu, qu'est-ce qui se serait passé ? Est-ce que la vérité aurait quand même fini par éclater ? Il aurait su un jour qui était vraiment Stefano ? Finalement, il se disait que n'en avoir jamais rien su et l'apprendre via les médias qui auraient révélé ça aurait été encore pire. Et là, il n'aurait même pas pu s'expliquer avec lui.

Là, il en avait les moyens, mais il n'en avait même plus la force, pour l'instant. Il était vraiment juste dépité par tout ça. Et le pire dans l'histoire c'était qu'il continuait à l'apprécier. Il s'en était rendu compte quand ils avaient eu cette discussion, mais maintenant il pouvait enfin y réfléchir calmement. Et oui, à chaque fois ça revenait comme une évidence, assez violente d'ailleurs. Il ne détestait pas Stefano. Il n'était pas dégoûté. Il n'avait pas peur. Toutes ces émotions-là, il en était vide. De toute façon ça ne servait à rien de les ressentir.

Il s'était juste senti pire que nul, il voulait juste comprendre, et sans même le faire exprès, tout ce qu'il voulait faire à présent c'était l'aider. Jusqu'au bout, il continuerait à être gentil avec lui, hein ? Il continuait d'avoir autant d'affection pour lui malgré ce qu'il avait appris. Et si ça, ça ne lui confirmait pas les autres doutes qu'il avait eus, il ne savait pas ce que c'était. Alors il se sentit encore deux fois plus désespéré. Pourquoi devait-il éprouver tout ça envers lui, au juste..? Pourquoi son cerveau le détestait à ce point ? Ç'aurait tellement été plus facile de simplement le haïr et ne plus jamais vouloir le voir, mais dans ce cas-là, c'était tout le contraire.

Alors il en revenait à sa pensée de départ. Causée soudainement par un souvenir hasardeux de sa vie d'enfant, une pensée qui disait qu'en effet, ça ne changeait rien du tout pour lui. Il continuait d'être le même, de ressentir les mêmes sentiments énervants pour Stefano, il continuerait à vivre normalement alors qu'il venait d'apprendre l'identité du tueur de Krimson City. Et il n'allait même pas le dénoncer, en plus. Car il en était tout simplement incapable. Il ne pouvait pas, ce serait trop facile. Il devait encore parler avec lui, il ne pouvait pas le trahir, alors que lui n'avait pas hésité à le manipuler.

Non, rien ne changeait. Tout resterait à peu près comme avant. Alors pour l'instant, il ne devait rien faire de compromettant. Il devait essayer de trouver la meilleure solution possible. Et de toute façon, il allait avoir du temps, car il avait bien décidé que pour les prochains jours, il ne comptait pas voir Stefano. Car ce qui était nouveau, par contre, c'était une soudaine colère, légère, qui semblait faire son apparition. Sans autant aller jusqu'à la haine, il était quand même un peu en colère contre lui, après tout ce qu'il avait appris. Et c'était normal.

Et pour le moment, il comptait bien lui faire comprendre qu'il ne voulait plus le voir pour une durée indéterminée. Évidemment, il avait toujours besoin de lui parler, mais s'il était le seul à aller vers l'autre à chaque fois.. il serait encore plus ridicule. Il ne devait pas montrer à Stefano que ça lui faisait mal, et s'il était vraiment son ami, comme ce qu'il avait fait croire pendant cinq ans, il comprendrait tout seul que Matthew avait besoin de réponses. Il allait tester ce que lui ressentait, tiens. Car ça le fatiguait d'être le seul à réfléchir constamment.

Pour le moment, il ne savait pas quoi faire, il ne connaissait pas la meilleure attitude à avoir dans une situation pareille. Il était juste totalement perdu, comme depuis le début. Mais s'il devait se laisser guider par ses émotions alors, il laisserait la colère l'emporter, et il arrêterait de tout le temps essayer de tout régler tout seul. Il allait faire comme si tout allait bien, que rien ne s'était passé, et il verrait bien la suite. De toute façon, dans tous les cas, il ne comprendrait pas tout tout de suite. Que ce soit la vraie vie de Stefano, ou ses sentiments complexes à son égard. Il allait être patient, car c'était la meilleure chose à faire pour le moment.

La situation n'avait toujours aucun sens, mais là de toute façon, il était trop fatigué pour y penser davantage. Il aurait tout le temps de s'énerver le lendemain, et de repenser à quel point sa vie avait pris un tournant complètement absurde.