Chapitre V

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27 janvier 2150 - Au bord de l'eau - Quelque part sur Terre - Milieu de soirée - Point de Vue de John

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis resté là, au bord de l'eau en attendant avec de l'espoir que quelqu'un vienne me chercher parce que je n'ai pas les couilles ni l'intelligence pour partir d'ici tout seul. Et je ne sais pas non plus pourquoi je suis resté planté là alors que Jaha et un de ces nouveaux copains est arrivé. Ils sont là tous les deux et scrutent l'horizon sûrement dans l'attente d'un bateau. Je ne comprends pas, mais je reste et je les observe. Mon ventre se tord et me laisse un sentiment bizarre, comme si c'était la première fois que je voyais des gens dans ma vie.
Son pote a l'air tout aussi fou que Jaha. Ils se tiennent tous les deux comme des piquets, droits, les bras croisés devant eux et la tête haute. Des partisans d'une secte, voilà à qui ils me font penser.
C'est sûr qu'à côté d'eux je n'ai pas l'air très assuré, mes cheveux sont gras et je les ai formés en dreadlocks. Sur mes vêtements j'ai un mélange de vin, de whiskey et de chips. J'ai plutôt l'air désespéré.

Soudain, un énorme bruit qui s'apparente à une corne de brume retentit à l'horizon et une lumière apparaît sur l'eau. Jaha et son copain récupèrent leur affaire posées au sol quelques mètres plus loin et je comprends qu'ils partent vraiment sans moi.

- Alors vous partez ?
- Toi aussi. Me répond Jaha alors que je ricane.
- Oui, mais pas avec vous. Dis-je en regardant ma pauvre barque à côté de moi alors qu'un bateau plus gros arrive.
- J'arrive Gideon. Déclare Jaha à son ami qui s'approche de la berge pour attendre correctement le bateau.
- Vous vous êtes fait un nouveau copain. Le sarcasme fait partie de moi.
- Je suis désolé de t'avoir abandonné dans le bunker, John. Me dit Jaha alors que mon cœur se serre. C'est ça que tu voulais entendre ? Je reste silencieux, je crois que c'est ce que j'attendais mais en même temps, je suis déçu. Je savais que tu y étais en sécurité, et avec tout le travail que nous avions à faire, il nous fallait un peu de temps.
- Vous avez trouvé la cité des lumières alors. Soufflais-je alors qu'il hoche la tête avec un grand sourire aux lèvres. Je n'arrive pas à le cerner, est-ce qu'il est devenu aussi fou que ces gens qui créaient une intelligence artificielle ? Cela ne serait pas étonnant puisqu'il a trouvé l'endroit où elle est.
- Nous avons transformé une tête nucléaire en nouvelle source d'énergie. Et avec cette énergie, A.L.I.E a pu finir l'ouvrage qu'elle avait entrepris avec sa créatrice il y a cent ans.
- Peu importe, moi je me casse avec cette barque. Je ne vous suivrais pas vous et cette intelligence artificielle assassine. Dis-je en m'asseyant sur ma barque. Elle fait pitié, même retournée, sa coque est dégueulasse et semble au bord de la rupture.
- J'ai besoin de ton aide. Je rigole.
- Ouais bien sûr, il faut des cobayes.
- Laisse-moi te montrer de quoi on est capable. Alors qu'il s'approche de moi il met une main dans sa poche à la recherche de quelque chose ce qui me fait me lever de ma barque et reculer un peu.
- Merci ça ira, j'ai déjà vu ce qu'elle pouvait faire.
- Non, je t'assure que non. Tu n'as rien vu du tout.
- Vous savez que vous me donner l'impression d'être encore plus cinglé qu'avant ?
- Je peux tout te dire sur la fameuse cité des lumières. Mais tu ne comprendras pas temps que tu n'auras pas fait l'expérience toi-même. Fini-t-il par dire en me tendant ce qu'il cherchait dans sa poche. Il me tend une sorte de dragée avec un signe "infinie" dessus.
- Ce truc est censé m'emmener à la cité des lumières ?
- Pas de souffrance, pas de haine, pas d'envie.
- Non merci. Soufflais-je.
- John.
- Non. La souffrance, la haine et l'envie, c'est sûrement ce qui me représente le mieux. Si vous me retirez ça, il ne me reste plus grand chose. Alors rangez votre machin. Dis-je essayant d'être le plus ferme possible pour qu'il arrête de me faire chier avec ce truc.
- La culpabilité n'existe pas là-bas. Je fais volte-face et fronce les sourcils. Personne ne t'en voudra.

De quoi est-ce qu'il parle ? Il pense pouvoir me faire croire que les gens ne me détesteront pas dans un autre monde. Il pense réussir à me faire croire ça alors que je suis persuadé du contraire, je sais que peu importe où je serais, j'y serais seul et sûrement qu'ils choisiront de me tuer juste parce que je suis moi.

- Prends soin de toi, John. Souffle Jaha en glissant la dragée dans la poche de ma veste, que j'ai volé dans le bunker. Enfin, elle n'appartient plus à personne maintenant. Je te laisse réfléchir.

Il s'éloigne pour retrouver ses affaires et me laisse seul avec mon cerveau en surchauffe. Le bateau arrive et deux personnes sont à bord. La première se présente à Jaha comme étant Emori, elle dit que ce sont eux qui vont les emmener où ils ont besoin. L'autre ne parle pas, il se contente de monter les affaires à bord avec Gideon alors que Jaha et Emori discutent.

Je sens que leurs regards naviguent entre leur bateau et ma barque et Emori ricane. Peut-être que je devrais partir avec eux, en revenant de l'autre côté je pourrais sans doute retrouver Arkadia. Je prends mes affaires, c'est-à-dire seulement un sac à dos dans lequel j'ai fourré une flasque de whiskey le tout bien volé au bunker, et marche en direction du bateau.

- Tu as changé d'avis ? Me demande Jaha.
- Vous je vous emmerde. 

ᵗʰᵉ¹⁰⁰ 𝘼𝙧𝙩𝙞𝙛𝙞𝙘𝙞𝙖𝙡 » ᵀᵉʳᵐᶤᶰᵉ́ᵉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant