Chapitre 6

2K 61 31
                                    

[ETHAN]

- Bonjour Monsieur Hornec, ravi de vous revoir.

La nuit a été longue. Je l'ai passé à ruminer, à réfléchir à comment j'allais humilier cet homme autant qu'il ait pu humilier Anna. Parce que je le connais, je sais comment il peut être. Un homme de mauvais goût, qui s'amuse sur la bordure entre le raisonnable et la limite.

D'un geste de la main, je lui montre le siège en face de moi tout en gardant le silence alors que ma mâchoire est crispée, mon regard fermé. L'homme en face de moi se force à sourire, dépose sa mallette sur le sol et m'observe d'un air surpris. Comme s'il ne se doutait pas une seule seconde de pourquoi il est là, de pourquoi je l'ai appelé si tôt.

- Comment allez-vous, monsieur Russo ? je lui dis d'une voix calme alors que j'observe la vue dehors, une cigarette coincée au coin de mes lèvres.

Je suis en colère, furieux mais ma voix reste calme. J'observe la pluie tomber dehors, le regard plus loin et j'écoute à peine sa réponse en levant ma main, lui insinuant de se taire. Mon corps est tendu. Je ne supporte pas de l'entendre parler, il m'agace. Il cherche ses mots, semble épris d'un flot de confiance en lui et ça m'agace. Je perds patience. J'ai besoin d'en avoir plus. De l'humilier, de le mettre à terre.

- Mme Wilson m'a indiqué que vous aviez refusé le changement de couverture.

- Oui, enfin. Vous savez, les femmes. Elles n'ont pas vraiment l'œil pour ce genre de chose.

- Ah, oui ? Et elles ont l'œil pour quoi, Monsieur Russo ?

Je me tourne pour l'observer alors que je croise les bras contre mon torse. La tension est palpable, je le sens, ça monte en moi. Et ce n'est pas la même qu'avec Anna. Non, cette fois-ci, c'est plus fort. C'est violent, ça fait trembler mes membres de colère. Ça me donne envie de lui retourner la tête et de l'envoyer balader, de lui hurler dessus. Pourtant, je garde ma contenance et j'attends qu'il parle. Rien ne trahit mon regard calme.

- Vous êtes bien silencieux, Monsieur Russo.

- Eh bien... euh...

Il est perdu. Il se demande sûrement pourquoi je l'ai appelé à venir ici. Il se demande pourquoi il est là. Il ne comprend pas. Il n'a pas une seule idée de la manière dont il a pu agir avec mon assistante, de la manière dont il a pu l'observer. Il n'a pas idée une seconde qu'elle m'en ait touché un mot. Non, il ne se doute de rien. Son comportement me répugne. Il est répugnant.

- Monsieur Russo. Il y a une rumeur, dans l'immeuble, qui court, qui semble se propager.

- Ah oui ? Laquelle... ?

Il remet le col de sa cravate, se redresse, semble mal à l'aise à présent. Bien, parfaitement ce que je souhaitais. Qu'il ressente ce qu'Anna a pu ressentir.

- Eh bien...

Lentement, je me penche sur le bureau pour l'observer, ma cigarette coincée entre mes lèvres et je l'observe droit dans les yeux. Je n'ai pas peur de lui, je pourrais le faire virer sur le champ, lui rendre ses parts, le faire tirer au tribunal. Je pourrais le mettre sur la paille, faire de sa vie un enfer. D'un geste assuré, je souffle la fumée de ma cigarette contre son visage et je me redresse en prenant une petite moue, comme si j'étais moi-même affligé de la rumeur. Un rôle, voilà ce que je joue.

- Il paraîtrait que pour garder une place à mes côtés, mes assistantes se doivent d'ouvrir grand la bouche.

- Monsieur Hornec, je...

- Non, vous voulez savoir la suite, Russo ?

Dans son élan, c'est moi qui le coupe, une nouvelle fois. Parce que je ne supporte plus de l'entendre parler et bouger ainsi sur le siège.

Une nuit à Paris - Tome 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant