Chapitre 12

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[ANNA]

À l'instant où je reçois son message, je me glisse hors des draps, et j'hésite un instant en voyant mon jean et mon chemisier sur la chaise à côté du lit. Est-ce qu'il faudrait que je remette ces vêtements pour aller voir mon patron. En théorie oui, mais il est trois heures du matin et il vient de me donner rendez-vous dans le salon de notre suite. Peut-être qu'il se fiche bien que j'arrive dans la légère robe noire trop courte en soie qui me fait office de pyjama. Alors je le rejoins, j'attrape au passage le paquet de cigarettes bien qu'il soit interdit de fumer à l'intérieur - ils ont des alarmes pour ça, je fumerai sur le balcon. Et je souris. Nos yeux se croisent dans l'obscurité : il a servi deux whiskys même si je repousse le mien en m'asseyant sur le fauteuil en face de lui, en tailleurs, un petit sourire fatigué sur les lèvres.

- Je ne bois pas à cette heure-là.

L'idée a l'air de le faire rire. Quand alors, si ce n'est pas la nuit. Le matin c'est pire eh, c'est cette remarque que je vois dans ses yeux, une lueur d'amusement, un rictus joueur. Je n'aime pas l'alcool. C'est quelque chose qui me fait trop penser à mon père, je n'en bois que quand il est inévitable de dire non - aux dîners mondains souvent.

- On part sur une nuit blanche, alors ?


[ETHAN]

Mon regard ne peut s'empêcher de lentement descendre sur le corps d'Anna, à moitié dénudé et je dois avouer que je n'avais pas imaginé cette possibilité. Enfin. Après tout, il est bientôt trois heures du matin.

Maintenant installé sur un des sièges, je contemple la pleine lune qui s'annonce sous nos yeux et je ne peux m'empêcher de soupirer un instant, mon verre dans la main.

- Oui. Je crois bien qu'on part encore sur une nuit blanche. Le bon côté des choses, c'est qu'on va sûrement dormir dans l'avion. Enfin, j'espère.

Un léger sourire s'échappe de mes lèvres et je laisse le verre glisser entre pour prendre une gorgée avant de détailler la jeune femme en secouant la tête. J'ai besoin d'en savoir plus, de savoir ce qui se passe dans sa tête.

- Allez-y. Parlez-moi. Je sens que vous en avez besoin. Dites-moi ce qui se passe dans votre tête, Anna.

Mon regard vient lentement se glisser dans le sien et je la détaille avec attention, pour lui montrer que je l'écoute, que je ne vais certainement pas me moquer d'elle. Je veux l'entendre me le dire de vive voix.


[ANNA]

- Ce qu'il se passe dans ma tête ?

Je souris, retiens un léger rire. Je l'ai déjà écrit, ce qu'il y a dans ma tête. Les mille idées qui me traversent, tout le temps, et que j'ai notées sur le mail parce que ça avait du sens de lui dire tout en vrac. Son regard posé sur moi se met à briller, peut-être repense-t-il à certaines choses que j'ai écrites ; la mention de lui, il y a deux jours, ou bien de lui ici à Paris. Ses yeux sur moi tiraillent un peu le bas de mon ventre, exactement comme à chaque fois qu'on est dans la même pièce, seuls, l'un en face de l'autre. Toujours cette même tension qui flotte dans l'air. Ses jambes s'écartent légèrement dans le fauteuil où il est assis, il se penche pour récupérer son verre, prendre une autre gorgée, et je suis obligée de détourner les yeux pour ne pas que mes joues se mettent à chauffer dans l'obscurité.

Si l'on se lance dans une nuit blanche alors il nous reste plusieurs heures. Trois ou quatre avant le lever du soleil, c'est long, et je bouge un peu, je plie les jambes, cherche une position confortable en effleurant un instant la possibilité de rester ici. On pourrait lancer un film, allumer la télévision française. On pourrait lire. On pourrait parler. Il y en a des idées qui défilent mais la seule chose à laquelle je pense ce sont ses cuisses, ses jambes croisées, et ses mains. Ses mains sur le verre de whisky.


Une nuit à Paris - Tome 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant