[ETHAN]
De retour à l'hôtel, je contemple un instant la porte de la chambre d'Anna qui est fermée. Pas entrouverte, comme la veille mais bien fermée. Et ça me fait doucement sourire. Quelle garce. Elle s'est amusée aujourd'hui, à jouer comme une enfant dans son terrain de jeu, comme pour me punir. Me punir d'avoir joué à mon tour avec elle dans la voiture privée. Et pourtant, j'aime ça. J'aime le fait qu'elle ne me donne pas tout sur le moment, qu'elle se laisse aller à ses envies et se joue de moi, sans même se préoccuper de ce que je pourrais bien penser sur le moment.
Après quelques longues minutes, je finis de me préparer. J'ai enfilé un de mes costumes, noir, comme à mon habitude et j'ai coiffé mes cheveux, plus courts sur le côté, plus longs sur le haut comme pour me redonner un semblant de vie malgré mon air fatigué.
Et c'est la seule chose qui me saute aux yeux, lorsque je m'observe une dernière fois dans le miroir, c'est mon regard. Il est fatigué. Lassé. Et je me perds dans ma contemplation durant quelques instants. Mes cernes sont creusés, mon visage aussi. D'une main, j'essaie de me passer un peu d'eau sur le visage, comme pour me réveiller et je m'essuie rapidement la peau à l'aide d'une serviette de bain qui traîne sur le bas-côté. C'est en train de m'échapper. Tout est en train de m'échapper et je n'ai absolument aucun contrôle sur la situation, ce qui m'effraie un peu.
Ce n'est que les coups contre la porte de ma chambre qui me font revenir à moi et je me tourne pour aller ouvrir après avoir laissé échapper un long soupir, pour me contenir, pour me redonner cette confiance en moi qui ne me trahis pas, jamais.
- Anna, quelle surprise, je lui dis d'une voix qui se veut ironique.
Lentement, je laisse mon regard traîner sur son visage, puis sur la peau de son cou qui semble délicate, bien trop puisque je m'imagine y déposer une traînée de baisers. Puis, mon regard descend sur l'embrasure de sa poitrine. Je remarque les quelques grains de beauté un peu estompés sur sa peau, sûrement à cause du maquillage. Et à cet instant, je me contiens. Je dois me faire violence pour me retenir. Je contiens de lui faire une remarque, aussi, qu'elle penserait peut-être déplacée, pas correct et je me redresse en tendant mon bras vers elle.
L'air distingué que je me donne me porte moi-même à confusion et pourtant, je garde ma contenance. Je me force à lui offrir un sourire chaleureux en la laissant glisser sa main autour de mon bras et je commence à marcher.
- Tâchez de garder vos chaussures, ce soir.
Et c'est presque un ordre qui s'échappe de mes lèvres. Parce que je n'ai pas envie d'être à nouveau à ses genoux, à quémander un semblant d'attention de sa part.
[ANNA]
- Tâchez de garder vos mains ailleurs que sur ma cuisse, je rétorque aussitôt, et c'est plein de piquant soudain.
Un peu de provocation dans mes iris, un sentiment impétueux qui veut dire que moi aussi j'ai du répondant, moi aussi je peux retourner ça à mon avantage. Je ne suis pas la seule à blâmer de la situation dans laquelle on se trouve. Pourquoi faut-il que nous ayons la fougue des adolescents ; que nos esprits s'échauffent comme des atomes qui se repoussent ou s'attirent en permanence. Quand on monte dans l'ascenseur il y a de la friction, de la tension, qui n'est pas si douce. Nos yeux sont orageux et je me dis qu'on pourrait aussi bien se battre que de faire l'amour, avec la sauvagerie des amants qui se haïssent parfois autant qu'ils s'aiment. Je soupire, irritée, sors de l'ascenseur la première en le devançant et en marchant devant lui, le bruit de mes talons hauts sur le carrelage immaculé de la réception jusqu'à la voiture qui nous attend et dans laquelle je m'engouffre.
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Une nuit à Paris - Tome 1 [Terminé]
RomanceOn dit qu'une rencontre peut changer une vie. Il y a des inconnus que l'on connaît à peine, ceux qui vous disent un mot ou vous offrent un sourire. Il y a ceux qui vous accordent une minute, une demi-heure, et qui changent le cours de votre vie et v...