Chapitre 15

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[ANNA]

On en avait besoin, je crois. Un peu de distance. Beaucoup de vide. Les deux semaines de congés sont arrivées pile à temps, au moment où l'on ne pouvait plus vivre ensemble, respirer le même air, parce que tout faisait mal. Au final ce n'est même pas qu'il y avait des mots qui blessent ou de la colère ; juste que ça faisait mal de le regarder, de regarder ses mains, et de me souvenir qu'elles m'avaient caressée à Paris. Alors il y a eu Noël, la neige et les vitrines décorées, les guirlandes qui s'illuminent, les décorations dans les rues. Il y a eu le repas à trois chez mon père où chacun met une jolie tenue et où chacun essaie de faire semblant d'aller bien, même si ça finit toujours en fiasco parce que mon père siffle à lui tout seul la bouteille de vin blanc. Il y a eu ce mail que j'ai écrit à deux heures du matin en pleurant, dans la nuit du vingt-quatre au vingt-cinq : je rêve encore de toi. Je ne me sens pas bien. Je me sens seule, je veux encore de tes caresses, je pense encore à Paris. Mon père a bu et pleuré et parlé de ma mère toute la soirée de Noël ; ma sœur a jeté à la poubelle tous les petits fours qui ont cramé, elle a pleuré en coupant la part de buche, mon père était trop ivre pour en manger. Tu me manques viens me chercher. Mais le mail a été tout effacé, je n'ai rien envoyé, et d'autres jours sont passés encore. Le Nouvel An, je l'ai fait en soirée avec Aaron et d'autres anciens copains de fac. Pendant toute cette soirée je n'ai pas pensé à Ethan ; et c'était doux. C'était doux de penser à autre chose. C'était doux de crier le compte à rebours, et c'était même doux de donner un baiser ivre et joyeux à Aaron au moment de la nouvelle année, des pétards, des feux d'artifice et des cris de tous les côtés.

Janvier est pourtant un mois plus triste que décembre. Une fois que tout est terminé, qu'il n'y a plus rien à faire, plus rien à penser, plus de cadeaux à offrir – c'est juste triste. Le soir tombe tôt, le soleil se lève tard, et quand je passe les portes de l'entreprise ce lundi matin, j'ai un peu l'âme triste. Je n'aime pas rentrer de congé, et je n'aime pas le mois de janvier.


[ETHAN]

Noël était maussade. Vide. Sans saveur. Jamais rien de bon ne se passe, à Noël. Je l'ai passé au côté de mes frères, à boire, s'offrir des cadeaux, parler business et puis c'est tout. Ce sont les seules personnes qui me restent dans ma famille et je dois dire que je les apprécie. J'apprécie leur compagnie et j'apprécie qu'on soit encore ensemble, après ces années, à essayer d'avoir un semblant de Noël. Parce que je ne pourrais pas en dire autant de mes parents. Tiens, ça fait même bizarre de penser à eux.

Puis, Nouvel An est passé. Passé à être seul, à observer la plupart du temps par la fenêtre, à attendre que le temps passe jusqu'au fameux moment des bruits de feux d'artifice. Ça y est, la nouvelle année. J'ai même hésité à envoyer un message à Anna, pour lui souhaiter la bonne année mais je me suis ravisé. Je n'ai pas envie de l'embêter, pas envie de la rendre mal à l'aise. J'ai aussi beaucoup travaillé, malgré le fait que mes frères voulaient que je prenne des vacances. J'ai pourtant passé un certain temps seul, dans les bureaux pratiquement vides à lire, beaucoup lire.

Lundi matin, je suis déjà au bureau. J'attends le retour de Anna, sans savoir pourquoi. Je dois dire que ces deux dernières semaines m'ont aidé à réfléchir, notamment quant à notre relation. J'ai même pensé à déposer un petit cadeau sur son bureau, que j'ai emballé précieusement. Et c'est bien la première fois que je me résous à agir ainsi. C'est un clin d'œil, un clin d'œil à notre voyage à Paris et j'espère qu'elle l'appréciera, autant que j'ai apprécié le dénicher.


[ANNA]

C'est un cadeau que je me surprends à trouver sur mon bureau, après être passée devant le bureau d'Ethan et l'avoir salué. Mes sourcils se froncent et j'attrape délicatement la petite boîte enveloppée, emballée dans un papier cadeau bleu que je défais du bout des doigts. Il n'y a pas de mots qui l'accompagnent, pas de note ; juste cette jolie boule à neige qui m'arrache un petit sourire et qui rend mon lundi de janvier un peu moins gris.

Une nuit à Paris - Tome 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant