Chapitre 9

2K 65 6
                                    

[ANNA]

J'ai passé une partie du reste de ma nuit à y penser. À lui. À ses soupirs. Aux bruits de frottement répétés, du bruissement de sa main, des draps, puis du silence – et parfois le silence est aussi beau que le bruit discret du désir. Parce que le silence veut dire beaucoup de choses dans ces moments-là. Il veut dire je viens de voir les étoiles. Je viens de venir contre ma paume de main. Je me suis caressé juste après toi. Parce que je t'ai entendue. Voilà ce que le silence voulait dire ; il était plein de mots, plein de choses, et j'ai contemplé un moment le plafond avant de fermer les yeux et laisser le silence m'emporter.

Il est sept heures pile quand mon réveil sonne. Sept heures et demie quand je sors de la salle de bain, douchée et habillée, maquillée et prête pour ma journée. Et que peut-on faire d'autre que de faire semblant que rien n'est arrivé hier. Lorsque je frappe à sa porte et qu'il sort de sa chambre, vêtu d'un costume, la senteur de son parfum qui me parvient alors, on s'offre un sourire poli et rien ne laisserait présager qu'hier soir on s'est touchés en pensant l'un à l'autre.

Mais il y a quand même un peu de tension, lorsque je plisse les yeux et que je penche la tête, dans l'ascenseur qui nous conduit au hall de l'hôtel.

— Vous avez bien dormi ?

Aussitôt ses yeux bleus viennent se poser sur moi, m'envelopper toute entière, et je la sens, la tension. Il se demande si j'ai vraiment l'audace de poser la question. Les cernes sous ses yeux répondent pour lui : il n'a pas dormi, ou presque pas, à quatre heures du matin on se confondait en un orchestre de soupirs. Ces secrets appartiennent à la nuit, et je l'interroge du regard tout en me penchant pour appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée.


[ETHAN]

Est-ce que j'ai bien dormi ? Ai-je l'air d'avoir bien dormi ? C'est un euphémisme.

Mes yeux sont cernés, mon regard fermé et j'ai le corps engourdi à cause du manque de fatigue. Mais à part ça, oui, j'ai parfaitement bien dormi. Mes pensées n'ont fait que me trahir cette nuit, puisque lorsque je pensais enfin à m'endormir, c'était une image d'Anna, complètement cambrée, qui revenait dans mon esprit. Ou alors c'était sa respiration hachée qui tournait dans ma tête. Et je suis faible, après tout, je ne suis qu'un homme.

Et à cet instant, je pourrais parier qu'elle en joue. À la manière dont elle m'observe dans cet ascenseur, dont elle laisse son regard traîner sur moi et comment elle se penche pour appuyer sur le bouton de l'ascenseur. Foutaise. Elle sait très bien ce qu'elle fait. Elle le sait, qu'elle me contrôle rien qu'avec un regard et je la déteste pour ça, de me donner des signaux aussi contre indicatif. De me faire penser des choses que je m'imagine sans doute. Non, impossible. Je l'ai entendu. Est-ce qu'elle aussi, m'a entendu ? J'espère bien. Et j'espère qu'elle s'est retrouvée dans de beaux draps, tout comme moi.

— Anna.

Ma voix me trahit, elle est dure, froide, elle se veut monotone et pourtant, je n'y arrive pas. Ma main agrippe son bras et avant même que je n'ai le temps de parler, c'est les portes de l'ascenseur qui s'ouvre, c'est une autre femme qui entre et je me recule pour laisser la place et pour, ainsi dire, pouvoir remettre de l'ordre dans mes pensées. Non, je ne peux pas me laisser trahir ainsi. Parce qu'à cet instant, c'est les images que je me fais dans la tête, les images du corps d'Anna, son parfum, qui m'enivre. D'absolument partout. Je suis cuit.

— Bonjour, dit la femme dans l'ascenseur, sans même se retourner et je soupire un instant en observant Anna du coin de l'œil.

Elle sourit. Elle ose me sourire alors que je suis complètement tendu, à sa merci.

Une nuit à Paris - Tome 1 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant