[ETHAN]
Montre à gousset dans la main dont les aiguilles ne cessent de tourner, je contemple d'un regard ailleurs la correctrice en face de moi. Cette montre, c'est un cadeau d'une certaine femme dont je tairais le nom. Une moue agacée au visage, l'heure est grave.
13h01. Bien, déjà un premier retard. Je ne sais pourquoi, je suis étonné. Il faut dire que normalement, ce sont les hommes qui sont en retard, pas les femmes. Elles ont la courtoisie que les hommes n'ont pas. Celle d'être toujours à l'heure, malgré les circonstances.
13h02, la correctrice se met à parler. Peut-être était-il plus perspicace de dire à la nouvelle que l'heure, ce n'est pas l'heure. L'heure, c'est les minutes avant, l'heure, c'est au moins la quinzaine auparavant, le temps que tout le monde se pose. Je laisse un long soupir m'échapper malgré moi et la correctrice me regarde comme si je l'avais interrompu. Pourtant, ce n'est pas moi. C'est bien Anna, qui vient d'entrer dans le bureau, les regards tournés vers elle. Le silence est de mise et pourtant, je n'en suis pas le plus gêné du monde. J'ai l'habitude de ces silences, parfois, ils se veulent même rassurants.
— Et comme je le disais, je pense que le manuscrit pourrait être édité de plusieurs –
D'un mouvement de tête, j'interromps le monologue de la correctrice et je fronce les sourcils en détaillant Anna. Anna Wilson. En retard. Surprenant. Vraiment surprenant de la part de quelqu'un qui est pourtant arrivé à l'heure, ce matin. D'une personne qui prend les devants.
— Mrs. Wilson... À moins que je ne me trompe, il est passé treize heures.
— Il est 13h03, Ethan, me rappelle Tom en fronçant les sourcils, comprenant déjà le petit jeu auquel je m'adonne toujours avec les nouveaux, comme pour rappeler que le patron ici, c'est moi.
Je lui montre d'un regard le siège auprès de moi, sans rien ajouter de plus et j'attends dans le plus grand des silences qu'elle se pose à mes côtés pour sortir ses affaires et se préparer, pour bien montrer que c'est à cause d'elle qu'on perd du temps et que je ne suis pas vraiment satisfait de ce retard. Puis, je l'observe, j'attends une réaction de sa part, voir ce qu'elle peut penser, si elle commence déjà à me détester, si elle a envie de partir, elle aussi, comme bien d'autres auparavant.
[ANNA]
Si ça n'avait pas été mon patron, alors je crois que je lui aurais demandé ce qu'il vient de me faire. C'est une chose que de souligner à quelqu'un qu'il a trois minutes de retard – un premier jour de travail, admettons que ça fasse mauvaise impression. C'en est cependant une autre de le faire sentir à toute l'assemblée de la réunion en prenant un plaisir infiniment sadique à garder le silence, le temps que tout le monde m'observe sortir mes affaires, en me foutant au centre de l'attention quand je déteste l'être. Je lui aurais demandé ce que c'était le sens derrière tout ça, mais c'est mon patron, c'est mon premier jour dans l'entreprise, et je finis par simplement me taire et commencer à taper les premières notes sur mon traitement de texte. Pendant une heure que dure cette réunion, je ne bronche pas. Je synthétise les informations, je tape ce qui me semble le plus important, j'enregistre les données sous forme de tableau et je trie le budget sans poser de questions, sans manifester mon opinion non plus puisque manifestement ce n'est pas ce qu'on me demande, et les minutes tournent, le temps s'étire. Il y a un moment où j'oublie l'histoire du retard pour simplement me plonger dans mon travail, tant et si bien que lorsque la réunion s'achève à dix-sept heures, mon traitement de texte s'est déjà considérablement rempli. Je serre alors légèrement la queue de cheval qui noue mes cheveux et commençait à se relâcher, je porte mon gobelet de café à mes lèvres pour finir ce qu'il en reste, et j'ouvre ma boîte mail en y glissant le fichier. Mon charmant patron est déjà parti, je suis seule dans la salle de réunion, ma journée est techniquement terminée depuis cinq minutes, mais j'imagine que ce sont celles que je lui devais pour avoir été en retard.
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Une nuit à Paris - Tome 1 [Terminé]
Storie d'amoreOn dit qu'une rencontre peut changer une vie. Il y a des inconnus que l'on connaît à peine, ceux qui vous disent un mot ou vous offrent un sourire. Il y a ceux qui vous accordent une minute, une demi-heure, et qui changent le cours de votre vie et v...