Leïje tournait en rond dans sa tente. Ses pensées se dispersaient en tous sens, l'empêchant de mener une réflexion cohérente et donc de trouver une solution.
Il possédait plusieurs éléments qui, il en était, certain, avaient tous un lien entre eux. Il y avait les chefs de guildes, le meurtre mystérieux de Peronne, le cousin de Maige et, bien évidemment, la conspiration. Trois de ces évènements étaient bien faciles à associer mais ce qui posait problème était la mort de Peronne.
Quel rapport aurait-elle pu bien avoir avec ce complot encore obscure ? Il avait bien une idée pour peut-être obtenir davantage d'information : demander à Maige de discrètement soutirer des renseignements auprès de son cousin mais Leïje trouvait très mal venu de confier ça à la jeune femme compte tenu des circonstances et il doutait également qu'elle puisse réussir étant donné son piètre potentiel de comédienne.
En bref, il était bloqué et ne savait plus comment ou sous quel angle aborder ce problème.
Il avait bien compris que tenter de faire basculer un des conspirateurs de son côté était inutile, tout comme se risquer à recommencer à en suivre un pour espionner à nouveau une de leur réunion. Ils seraient bien plus méfiants et alertes après la tentative précédente du voleur et ils l'auraient immédiatement repéré.
Leïje cessa de faire les cents pas entre sa couchette et la paroi gauche de sa tente. À part user ses semelles, se déplacer de la sorte ne servait à rien. Il s'assit en tailleur, au centre, la joue appuyée dans la main.
Il devait réfléchir autrement.
Il se souvint qu'il avait pensé à se renseigner sur les chefs de guildes mais qu'il avait ensuite abandonné parce qu'il avait oublié. Les quelques connaissances qu'il possédait sur chacun d'eux n'étaient pas suffisantes et il devait en réunir davantage mais, ne pouvant jurer de la fiabilité de ses indicateurs habituels, Leïje ne pouvait s'informer auprès d'eux. Il n'y avait qu'une personne dont il était certain qu'elle ne le trahirait pas.
Il commencerait par là.
Il quitta sa tente dans laquelle il tournait en rond depuis au moins trois heures et il s'aperçut que la nuit commençait à tomber.
Leïje jura. C'était l'heure à laquelle les voleurs se mettaient au travail et le campement de la guilde s'était considérablement vidé depuis l'après-midi. Il y avait très peu de chances pour que celle que voulait trouver Leïje soit encore dans les parages.
Il prit tout de même le temps de s'en assurer et fit un rapide tour du camp pour constater que, effectivement, elle ne s'y trouvait pas.
Leïje questionna un des membres de la guilde encore sur place :« Dabielle est partie ?
- La mignonne qui est arrivée récemment et qui est souvent habillée en rouge ? Leïje acquiesça, irrité, ne souhaitant pas perdre de temps à écouter des descriptions de Dabielle qu'il aurait voulu rattraper rapidement.
- Elle s'est rendu à Orquia pour voler un joaillier qui doit recevoir un arrivage de pierres précieuses ce soir. Elle l'a raconté pour éviter que quelqu'un ait la même idée et ne lui coupe l'herbe sous le pied.
- Elle va m'en vouloir. »Sourit Leïje, faisant froncer les sourcils à son interlocuteur qui ne comprenait pas cette remarque. Leïje ne prit pas la peine de lui expliquer et il se hâta de se diriger vers Orquia.
En sortant du campement, il avisa un petit cheval gris attaché à un if.
Leïje croyait vaguement se souvenir que Leïmy lui avait confié Brume. Avec les derniers événements, cela lui était quelque peu sorti de la tête mais, à présent, cela l'arrangeait beaucoup d'avoir la jument.
Il la détacha, l'enfourcha et l'éperonna. Brume rechigna un peu. Cela faisait quelques jours qu'elle n'avait rien eu d'autre à manger que les feuilles parsemant le sol de la forêt et qu'elle avait davantage l'habitude de la tendresse de Leïmy que de l'empressement de Leïje mais elle se mit tout de même en route sans tarder.
Leïje arriva à la capitale rapidement. La nuit était totalement tombée à présent.
Le voleur laissa Brume dans un quartier peu fréquenté puis s'engagea dans une ruelle où régnait une épaisse obscurité. Il se rendit dans une taverne qui, sans être totalement mal famée, n'était pas parfaitement respectable.
Là-bas, il collecta des informations sur le coup que comptait faire Dabielle puis il gagna un autre quartier réputé pour être habité par de nombreux artisans de talent.
Il arriva juste à temps pour apercevoir une silhouette se découpant à contre-jour sur les rayons de la lune se hisser sur le toit du magasin visé.
Leïje secoua négativement la tête avec désapprobation. Dabielle avait encore des choses à apprendre avant d'être une voleuse excellente.
Laissant cette pensée de côté, Leïje se concentra sur son objectif. Il étudia le bâtiment d'un regard expert. La lumière tremblante de plusieurs chandelles filtrait par les fenêtres du rez-de-chaussée. Les propriétaires devaient s'y trouver.
Leïje ne devrait pas rencontrer trop de problèmes ni de difficultés dans cette opération. Il s'asséna une gifle mentale pour se rappeler qu'il était ici pour s'entretenir avec Dabielle et non pour subtiliser quoi que ce soit, bien que la tentation soit aussi grande que forte.
Désirant ne pas y passer des heures, il saisit le rebord d'une fenêtre en sautant et resta ainsi suspendu durant quelques minutes pendant lesquelles il pria pour qu'aucun passant tardif n'ait l'idée de lever le nez. Sa chance ne l'avait pas quitté et il n'eut pas de soucis.
Une fine silhouette se laissa tomber du toit en s'agrippant aux tuiles. Leïje lâcha le rebord de la fenêtre pour saisir Dabielle à la ceinture. La jeune fille fut extrêmement surprise.
Son sursaut déséquilibra Leïje qui bascula en arrière. Les deux voleurs chutèrent dans un cri à doubles voix. Leïje s'écrasa durement sur les pavés, faisant remonter une forte onde de douleur le long de son dos et, pour ne rien arranger, le corps de Dabielle tomba sur le sien, expulsant tout l'air de ses poumons.
Une des fenêtres du magasin s'ouvrit et on leur ordonna de déguerpir, ce que les deux voleurs se pressèrent de faire. Ni l'un de l'autre ne souhaitait voir débarquer la Garde.
Ils filèrent tous deux jusqu'à une ruelle dans laquelle ils s'assirent. Il faisait trop sombre pour que Leïje ne puisse faire mieux que distinguer Dabielle. Il n'entendait que sa respiration sifflante.
Cette situation en rappela une autre au voleur par de nombreux détails, notamment la chute ainsi que la fuite et ce souvenir le fit se sentir étrange.
Il fut brusquement tiré de cette pensée, qu'il ne savait qualifier de bonne ou de mauvaise, par une flamme que Dabielle fit jaillir de son briquet. Lorsqu'elle découvrit le visage de Leïje, un éclat de surprise passa dans son regard marron. Elle ne s'attendait absolument pas à le voir ici.
Elle exprima son étonnement à voix haute :
VOUS LISEZ
Chroniques d'une Mercenaire - Tome 4 : Par-delà la Mer [Terminé]
FantasyUn an après l'union des magies à Welkonn, Leïmy et Negg ont fuit la guilde des mercenaires, à présent dirigée par Gammon, au profit de celle des voleurs, aux côtés de Leïje, leur seul soutien en son sein. De son côté, Dévlin, qui a retrouvé sa place...